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La Cour supérieure se demande dans quelles circonstances prend fin le statut de parent in loco parentis

Résumé de décision : L. (M.) c. T. (A.), sub nom. Droit de la famille – 151766, EYB 2015-254547 (C.S., 8 juillet 2015)
La Cour supérieure se demande dans quelles circonstances prend fin le statut de parent in loco parentis

Les parties ont eu un enfant, Y, et madame est la mère de X. Il ne fait aucun doute que monsieur a agi à titre de parent in loco parentis auprès de X pendant au moins 12 ans, soit de janvier 2001 à janvier 2013. Depuis la plus tendre enfance de X, monsieur a participé aux soins et à l'éducation de celle-ci comme si c'était sa propre fille et il l'a désignée comme telle notamment dans un courriel adressé à son employeur. X a toujours considéré le demandeur comme son père. Elle n'a jamais connu son père biologique. Elle n'était âgée que de trois ans lorsque sa mère a commencé à faire vie commune avec le demandeur, et pour elle il était son père. Tout comme elle considère Y non pas comme son demi-frère, mais comme son frère, celui-ci considère X comme sa sœur. Monsieur a même envisagé d'adopter X, mais pour des raisons inconnues, ce projet ne s'est pas réalisé. En plus de tout ce qui précède, il y a également l'admission, à tout le moins implicite de monsieur lui-même, que la relation entre lui et X était une relation père-fille. En effet, non seulement l'a-t-il reconnu pendant la vie commune des parties, mais lorsque fut venu le temps de divorcer, il n'a pas hésité à se considérer responsable de X, en acceptant de payer une pension alimentaire pour subvenir à une partie de ses besoins en janvier 2013 lors de la signature de la convention sur mesures accessoires et, à l'automne 2013, en acceptant de continuer à payer la pension de X à l'occasion de la demande d'annulation de la pension alimentaire pour Y dont il avait obtenu la garde.

Cela étant dit, est-ce qu'aujourd'hui, un an et demi plus tard, monsieur est encore obligé de payer une pension alimentaire pour X? Selon la jurisprudence, la rupture unilatérale du lien par le parent ayant agi in loco parentis est impossible. Par contre, il peut y avoir annulation de la pension alimentaire s'il y a rupture du lien tant par l'enfant que le parent in loco parentis. Le fardeau de prouver que la relation a changé repose sur les épaules du demandeur. En l'espèce, monsieur ne s'est pas acquitté de son fardeau de preuve. La relation entre les parties a été plus longue que dans l’affaire Chartier c. Chartier où la Cour suprême du Canada a reconnu le statut in loco parentis pour une relation père-fille ayant duré trois ans. Le cas de monsieur doit être distingué des cas où les tribunaux ont reconnu une rupture bilatérale et annulé la pension alimentaire. Ici, monsieur payait à la mère de X une pension alimentaire depuis un peu plus de deux ans lorsqu'il a fait signifier la présente requête et X a tenté de communiquer avec monsieur quelques fois, par l'intermédiaire de sa mère, dont la dernière fois pour son bal de fin d'études en juin 2014, donc moins d'un an avant la signification de la requête. Nous sommes bien loin de la situation dans l'affaire C.B. c. J.G. alors qu'il n'y a pas de preuve que X est autonome, qu'elle ait fait quelque commentaire dénigrant ou désobligeant envers monsieur et qu'elle n'ait accompli aucun effort pour maintenir la relation avec lui, au contraire. À l'opposé de la situation dans l'affaire S.P. c. P.H. où les enfants avaient 23 et 25 ans et n'avaient plus de contact avec leur père depuis plus de six ans, X vient d'avoir 18 ans et il y a eu des contacts entre le père et X, quoique peu nombreux. De plus, contrairement à ce jugement du juge Viens, monsieur n'a pas fait la preuve que X ne voulait plus lui parler. Même s'il est exact qu'au mois de janvier 2013, l'incident relatif à la photo publiée sur Facebook montrant une amie de X avec des boissons alcoolisées a refroidi les relations entre elle et monsieur, il n'en demeure pas moins que par la suite, elle a manifesté son intention de continuer sa relation avec lui. À Pâques 2013, elle aurait bien voulu aller avec monsieur à la cabane à sucre chez les parents de celui-ci, mais elle n'a pas pu y aller à cause d'un nouveau travail. Et en juin 2014, à l'occasion de sa remise de diplôme, X a manifesté son intérêt à ce que le demandeur y assiste, ce qu'il avait même accepté, pour changer d'idée par la suite, pour des raisons inconnues. Il lui a tout de même fait parvenir des fleurs, et par l'intermédiaire de sa mère, X lui a adressé des remerciements.

Entre ce dernier contact entre X et le demandeur, et la signification de sa requête, il ne s'est écoulé que huit mois et demi, une période trop courte pour constituer une rupture bilatérale et finale des relations entre X et monsieur, surtout en tenant compte du fait que celui-ci a agi tout de même comme son père pendant une très longue période, c'est-à-dire pendant au moins 12 ans, et durant une période cruciale pour le développement d'un enfant, c'est-à-dire son enfance et son adolescence.

Par ailleurs, le jugement qui octroie la garde de Y à monsieur est muet quant aux accès de la mère. Or, dans les faits, elle a exercé des droits d'accès d'abord tous les 15 jours puis, aux trois semaines. Cela se faisait à l'amiable entre les parties, sans plus. Monsieur demande que les droits d'accès soient accordés selon entente préalable en respectant la volonté de Y. Madame s'y oppose, étant d'avis qu'elle pourrait perdre contact avec son fils. Y a onze ans. S'il en avait 15, 16 ou 17, la situation serait tout autre. Ainsi, il convient d'accorder à madame des droits d'accès selon l'entente des parties, ou à défaut, à raison d'une fin de semaine sur trois.

Enfin, les revenus des parties ayant augmenté depuis la dernière ordonnance et X ne fréquentant plus l'école privée, la pension alimentaire pour X est établie à 340,21 $ par mois.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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