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Une ex-préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD qui a maltraité des résidents est condamnée à une peine d’emprisonnement de 15 mois

Résumé de décision : R. c. Eugène, EYB 2015-247819 (C.Q., 4 février 2015)
Une ex-préposée aux bénéficiaires dans un CHSLD qui a maltraité des résidents est condamnée à une peine d’emprisonnement de 15 mois

L’accusée, une ex-préposée aux bénéficiaires dans un centre d’hébergement et de soins de longue durée, s’est livrée à des voies de fait contre cinq résidents, a volé un médicament, soit du Serax, à un résident, a comploté avec une collègue de travail pour administrer du Serax à une résidente, a administré du Serax à cette résidente et à un autre résident, a fait le trafic de Serax et a proféré des menaces de mort ou de lésions corporelles à une ancienne collègue de travail qu’elle tenait responsable de son congédiement. Les parties font une suggestion commune de 15 mois de prison.

Les voies de fait reprochées à l’accusée – serrer un bras, pointer un doigt dans le dos, asperger de l’eau au visage, cracher au visage, donner une poussée, frapper la tête à l’aide d’un oreiller en prononçant des paroles blessantes et insultantes – ne seraient pas parmi les plus graves si elles avaient été commises dans un contexte tout à fait différent. Ici, cependant, les gestes sont graves. Ces derniers ont été commis à l’endroit de cinq personnes âgées vulnérables, dont l’une ne parlait pas et ne se déplaçait pas seule. Ils constituent un abus de la confiance de ces personnes et un abus d’autorité à leur égard. La même chose peut être dite en ce qui concerne l’administration de Serax, qui avait préalablement été volé à une autre personne âgée. L’accusée a agi contre le gré de deux personnes âgées, et ce, afin de les endormir. Elle a même obtenu l’aide d’une collègue de travail dans l’un des cas. Par ailleurs, les infractions ont été commises sur une période de plus de 18 mois. Qui plus est, l’accusée n’admet pas les faits reprochés dans leur entièreté ; elle les minimise et se dit victime d’un complot de la part de ses ex-collègues de travail.

Cela dit, l’accusée a plaidé coupable, ce qui a évité aux victimes de témoigner. En outre, l’accusée n’a pas d’antécédents judiciaires, elle s’implique dans une démarche thérapeutique depuis les événements, elle s’est réorientée au plan occupationnel et, lors de sa dernière présence à la cour, elle s’est dite désolée de ce qui s’était passé.

L’accusée faisait un travail exigeant dans des conditions que tous reconnaissent être difficiles, compte tenu de la nature même de la tâche, des limitations et des difficultés avec lesquelles sont aux prises certains résidents et de la charge de travail (nombre d’heures, nombre de résidents sous la responsabilité d’un préposé). À certains égards, ce travail peut paraître ingrat, mais il est indispensable et plein de noblesse. Ceux qui exécutent ce travail deviennent des figures importantes pour les résidents qui sont isolés et qui n’ont pas la chance d’avoir des proches ou des visiteurs fréquemment. Ces résidents méritent respect, empathie et compassion. Ils méritent aussi de se sentir en sécurité dans ce milieu de vie qui constitue, souvent malgré eux, leur domicile.

L’accusée a commis des gestes inacceptables, voire révoltants, à l’égard de personnes âgées de 75 à 97 ans qui étaient fragiles et vulnérables. Des gestes semblables ont des répercussions sur les personnes âgées elles-mêmes, sur les familles de ces personnes âgées et sur toute une population vieillissante ou très malade qui perd confiance envers le personnel chargé de prodiguer des soins aux personnes en perte d’autonomie. Il est juste aussi de dire que le système est également écorché, autant les responsables de semblables établissements que les paliers de gouvernement qui les chapeautent. Il convient alors d’imposer une peine qui livrera un message de dénonciation et de dissuasion à l’égard de tels comportements.

Les avocates des parties se sont livrées à des discussions longues, minutieuses et sérieuses. Elles ont fait des représentations élaborées de part et d’autre, faisant la démonstration qu’elles ont abordé l’analyse du crime et de l’accusée sous toutes les facettes en fonction des principes et objectifs de détermination de la peine. Elles ont même reporté leurs représentations afin qu’une expertise psychiatrique puisse être réalisée. Elles ont en outre fouillé la jurisprudence et se sont abstenues d’en fournir, faute d’en avoir trouvé de suffisamment pertinente. La peine qu’elles suggèrent à l’issue de cet exercice rigoureux n’est pas déraisonnable, contraire à l'intérêt public ou susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Elle doit donc être retenue.

Pour ces motifs, une peine d’emprisonnement de 15 mois est imposée. Il faut cependant soustraire 108 jours de cette peine pour tenir compte de la détention provisoire de 72 jours de l’accusée. Cette dernière est alors condamnée à 342 jours de prison à compter de ce jour. Elle sera également soumise à une ordonnance de probation de trois ans.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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