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Une indemnité de plus de 10 000 $ est accordée à une personne de petite taille qui était incapable d’accéder à son logement en raison de la fermeture d’une porte de clôture qu’il lui était impossible d’ouvrir

Résumé de décision : Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) (Cartier) c. Le Manach, EYB 2017-277635 (T.D.P., 1er mars 2017)
Une indemnité de plus de 10 000 $ est accordée à une personne de petite taille qui était incapable d’accéder à son logement en raison de la fermeture d’une porte de clôture qu’il lui était impossible

Alléguant que Jean-Michel Le Manach (Manach), Lise Matte (Matte) et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble (les défendeurs) ont porté atteinte au droit à la dignité, à la sûreté, à la vie et à la jouissance paisible des biens d'une personne handicapée en exerçant de la discrimination et en tenant des propos discriminatoires, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse demande qu'ils soient condamnés à verser 12 000 $ à la plaignante à titre d'indemnité. La plaignante, qui est de petite taille et qui souffre également de paraplégie et d'anesthésie partielle la forçant à utiliser un fauteuil roulant, soutient s’être sentie intimidée, dénigrée, humiliée, stressée et brimée dans son droit de circuler librement vu l'insistance des défendeurs de garder la porte de la clôture donnant accès à la cour arrière de l'immeuble fermée à l'aide d'un loquet ou d'une corde qu'elle ne peut atteindre en raison de la longueur réduite de ses bras. Les défendeurs soutiennent que la plaignante n'a offert aucune collaboration pour trouver une solution. Il est noté que la plaignante ne peut utiliser la porte principale de l'immeuble puisque l'installation d'une rampe, pourtant approuvée par la Société d’habitation du Québec, n'a pas fait l’unanimité parmi les copropriétaires.

La prétention voulant que Le Manach ait brièvement verrouillé la porte de la clôture est rejetée vu l'absence de cadenas sur la photo prise par la plaignante. Celle voulant qu'il ait intentionnellement bloqué la porte de la cour avec son véhicule est également rejetée puisqu'il a démontré que cette obstruction temporaire avait pour but de décharger du matériel lourd.

Une relation conflictuelle ne peut justifier un comportement contraire à la loi et aux droits protégés par la Charte des droits et libertés du Québec. Le traitement similaire à celui accordé à d’autres personnes de la personne handicapée peut être source de discrimination. En l'espèce, la fermeture d'une porte à l'aide d'un moyen que la plaignante ne peut contrôler complètement cause une limitation indue à son autonomie et constitue une distinction fondée sur son handicap ainsi qu'une entrave à sa liberté et à son droit de jouissance paisiblement de son logement. De plus, comme Le Manach a répété sa conduite vexatoire pendant neuf mois, parfois plusieurs fois par jour, et que la plaignante a dû dépendre, à plus d'une reprise, de la présence de tiers pour entrer ou sortir de chez elle, il s'agit également d'une atteinte à sa dignité et d'une forme de harcèlement discriminatoire.

Comme le fait de traîner un bout de bois pour actionner le loquet ne cause pas un inconvénient plus grand que celui de devoir traîner des clés, il faut conclure que la suggestion des défendeurs n'était pas déraisonnable. Toutefois, la réclamation concerne la période pendant laquelle la porte de la clôture était attachée avec une corde. Il n'est pas pertinent de déterminer si cette corde a été attachée avec un noeud ou une boucle puisque les deux méthodes requièrent de passer le bras par-dessus la clôture pour défaire la corde, ce que la plaignante ne peut pas faire. Une personne raisonnable et diligente saurait qu’enfermer une autre personne peut mettre en danger la vie de cette dernière. Or, les défendeurs n’ont pas démontré de contrainte excessive pouvant légitimer le maintien de la porte de la clôture en litige en position fermée en tout temps au moyen d’une corde. L'inquiétude concernant la sécurité des enfants pouvant visiter l'immeuble, de même que la possibilité d'un vol, d’un rôdeur ou d'un chien dangereux sont des considérations insuffisantes.

Même si les propos tenus par le couple Le Manach-Matte reflètent leur étroitesse d’esprit et leur arrogance, l'allégation voulant que la plaignante « utilise son handicap pour avoir des choses », qu'il y a « des places pour des gens comme ça » de même que le fait de lui reprocher de ne pas avoir remercié Le Manach lorsque ce dernier lui a ouvert la porte n’atteignent pas le seuil élevé de gravité requis par la Cour d’appel pour être qualifiés de discriminatoires. Il est possible de déceler dans ces propos inélégants une interrogation légitime sur la capacité la plaignante à vivre seule dans son appartement.

Le Manach, qui a délibérément et en toute connaissance de cause empêché la plaignante de circuler librement pendant une période de presque neuf mois, est condamné à verser 7 000 $ en dommages moraux et 2 000 $ en dommages punitifs. Même si Matte n'a pas touché à la porte en litige, la preuve démontre qu'elle a encouragé son conjoint à la garder en position fermée et qu'elle a ouvertement fait connaître sa position à la plaignante. Elle est donc condamnée à 1 500 $ à titre de dommages moraux et 500 $ à titre de dommages punitifs. La responsabilité du syndicat ne peut être retenue étant donné que Matte et Le Manach ont agi en leur nom personnel. Il n’y a pas lieu d’imposer au syndicat l’adoption d'une politique antidiscriminatoire vu la décision de ce dernier, datée d'octobre 2011, de laisser la porte ouverte. La demande est accueillie en partie.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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