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L’exclusion de la garantie légale de qualité : les impacts au niveau des acheteurs subséquents d’un immeuble

Par Florence Lane Bossé, LANE, avocats et conseillers d’affaires inc.
L’exclusion de la garantie légale de qualité : les impacts au niveau des acheteurs subséquents d’un immeuble

Depuis l’arrêt de principe de la Cour suprême Kravitz (EYB 1979-147762 – Texte intégral), il est bien connu qu’un sous-acquéreur détient un recours contre le fabricant du bien vendu, et que cette règle s’applique en matière immobilière. Or, puisque la garantie légale est un accessoire au bien vendu, qu’arrive-t-il lorsqu’un vendeur a exclu la garantie légale de qualité dans une vente dans la chaîne de titres d’un immeuble ?

C’est la question qui a été analysée dans la décision de la Cour du Québec Compagnie d’assurance ING du Canada c. Gervais (EYB 2008-146041 – Texte intégral | Fiche quantum).

Dans cette décision, la compagnie d’assurance ING fut subrogée dans les droits de son assuré propriétaire de l’immeuble, monsieur Perreault. Le vice en cause consistait en l’installation déficiente d’une cheminée à poêle qui avait causé un important incendie à la propriété en 2003. La défenderesse avait hérité de la propriété en 1984 et avait fait effectuer des travaux, notamment à la cheminée à poêle.

À la suite d’une faillite personnelle de la défenderesse, la Banque Royale du Canada, créancière hypothécaire de l’immeuble, reprend possession de la propriété en 1994 pour la revendre, sans garantie légale, à des dénommés Soulière et Desnoyers.

Au moment de l’incendie, en 2003, l’immeuble est passé entre les mains de deux autres acquéreurs subséquents.

La demanderesse ING poursuit directement la vendeuse antérieure Gervais pour le motif que l’installation déficiente est la cause directe de l’incendie et que les travaux ont été faits au moment où madame Gervais était copropriétaire de l’immeuble.

Dans cette décision, le tribunal réitère la règle établie dans l’arrêt Kravitz relativement au recours d’un acquéreur subséquent contre un vendeur antérieur. Le tribunal vient également souligner qu’un recours contre un vendeur antérieur par un acquéreur subséquent en vertu de l’article 1442 du Code civil du Québec est également applicable en matière immobilière, tel qu’enseigné dans l’arrêt Hay c. Jacques (REJB 1999-14298 (C.A.) – Texte intégralFiche quantum) et repris dans la décision Compagnie d’assurances ING précitée :

[13] […] En effet, la garantie légale contre les défauts cachés constitue un accessoire de la chose vendue, que celle-ci soit de nature mobilière ou immobilière.

Toutefois, bien que le principe de l’arrêt Hay c. Jacques s’applique en matière immobilière, encore faut-il que les quatre conditions d’un recours en vices cachés suivant l’article 1726 C.c.Q. soient respectées à partir de la vente au sous-acquéreur désirant poursuivre jusqu’à celle faite par le vendeur antérieur visé par le recours de l’acquéreur subséquent. Pour chacune de ces ventes, on doit ainsi démontrer qu’au moment de chacune d’elles, les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la garantie étaient toutes présentes : à savoir que le vice était grave, existant au moment de la vente, inconnu de l’acheteur et caché. Incidemment, la garantie légale ne doit pas avoir été exclue par les vendeurs dans ces ventes.

[18] Dans le cas présent, ING subrogée aux droits de M. Perreault, devait prouver que la garantie contre les vices cachés détenue par la Banque Royale lors de l’achat de la résidence de Mme Gervais, a été transmise à Soulière […], puis [aux autres acheteurs subséquents]. ING devait aussi prouver que les conditions d’exercice du recours basé sur la garantie contre les vices cachés existaient pour tous ces acquéreurs subséquents.

Le tribunal vient donc réitérer que la garantie légale de qualité est un accessoire au bien vendu, mais lorsqu’un sous-acquéreur exerce un recours direct contre un vendeur antérieur sans mettre en cause ou poursuivre son propre vendeur, il doit démontrer que le droit de poursuivre le vendeur antérieur sur le fondement de la garantie légale de qualité existait pour chaque acquéreur subséquent de l’immeuble, ainsi que contre le vendeur antérieur lui-même.

«Toutefois, bien que le principe de l’arrêt Hay c. Jacques s’applique en matière immobilière, encore faut-il que les quatre conditions d’un recours en vices cachés suivant l’article 1726 C.c.Q. soient respectées à partir de la vente au sous-acquéreur désirant poursuivre jusqu’à celle faite par le vendeur antérieur visé par le recours de l’acquéreur subséquent. Pour chacune de ces ventes, on doit ainsi démontrer qu’au moment de chacune d’elles, les conditions nécessaires à la mise en œuvre de la garantie étaient toutes présentes : à savoir que le vice était grave, existant au moment de la vente, inconnu de l’acheteur et caché. Incidemment, la garantie légale ne doit pas avoir été exclue par les vendeurs dans ces ventes.»

Il doit donc prouver que la garantie légale accessoire à l’immeuble n’a pas été éteinte à travers la chaîne de titres par une clause d’exclusion de garantie. Il appartenait donc à la demanderesse en l’espèce de prouver non seulement que la garantie légale de qualité était présente pour chaque vente subséquente, mais également que le vice caché existait au moment de chaque vente.

Le tribunal a rejeté le recours de la demanderesse au motif qu’au moment de la vente entre la Banque Royale du Canada et ses acheteurs Soulière et Desnoyers, l’acte de vente prévoyait une exclusion de la garantie légale de qualité. Renonçant expressément à la garantie légale, les ventes subséquentes « n’ont pas eu pour effet de faire revivre ce recours en faveur des acquéreurs postérieurs ».

En conclusion, une vente faite sans la garantie légale par un vendeur dans la chaîne de titres d’un immeuble peut limiter un recours éventuel en vices cachés d’un acquéreur subséquent contre un vendeur antérieur, puisqu’il n’est pas possible d’aller au-delà d’une vente faite avec exclusion de garantie et poursuivre sur la base des articles 1442 et 1726 C.c.Q. l’auteur d’un vendeur qui lui a vendu à son propre acheteur avec exclusion de garantie.

«En conclusion, une vente faite sans la garantie légale par un vendeur dans la chaîne de titres d’un immeuble peut limiter un recours éventuel en vices cachés d’un acquéreur subséquent contre un vendeur antérieur, puisqu’il n’est pas possible d’aller au-delà d’une vente faite avec exclusion de garantie et poursuivre sur la base des articles 1442 et 1726 C.c.Q. l’auteur d’un vendeur qui lui a vendu à son propre acheteur avec exclusion de garantie.»

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