Skip to content

Même si un vendeur professionnel ne peut invoquer la tardiveté de la dénonciation, celui-ci peut toutefois invoquer l’absence de dénonciation

Par Florence Lane Bossé, LANE, avocats et conseillers d’affaires inc.
Même si un vendeur professionnel ne peut invoquer la tardiveté de la dénonciation, celui-ci peut toutefois invoquer l’absence de dénonciation

L’article 1729 C.c.Q. nous rappelle qu’un vendeur professionnel est présumé connaître l’existence d’un vice au moment de la vente, lorsque la détérioration du bien ou son mauvais fonctionnement survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de la même espèce.

En matière immobilière, il importe de lire cet article en conjonction avec le second alinéa de l’article 1739 C.c.Q., lequel prévoit qu’en cas de connaissance du vice par le vendeur, ce dernier ne peut invoquer la tardiveté de la dénonciation de son acheteur pour se soustraire à ses obligations en vertu de la garantie légale de qualité.

Par contre, comme nous le rappelle la décision Kadoch c. Construction Emmar inc. (EYB 2017-278883 (C.S.) – Texte intégral | Fiche quantum), le deuxième alinéa de l’article 1739 C.c.Q. ne prévoit pas que la connaissance du vice par le vendeur le prive de son droit de recevoir une dénonciation écrite du vice de son acheteur.

Dans cette décision rendue en 2017, les acheteurs alléguaient avoir acheté un immeuble ayant plusieurs vices cachés. Ils soulevaient également un dol de la part du vendeur en raison de prétendues fausses représentations faites à leur égard.

En novembre 2006, les demandeurs font l’acquisition d’un immeuble. Ce n’est qu’en 2011 qu’ils décident de réaliser d’importants travaux de réaménagement paysager à l’arrière de l’immeuble, notamment la construction d’une piscine. Au moment de l’excavation du sol, ils découvrent la présence de débris enfouis dans le sol. En retirant les débris quelques jours après cette découverte, une partie du sol s’affaisse. Les demandeurs réclament de leur vendeur la valeur des coûts des travaux d’excavation et d’ingénierie pour la consolidation du terrain.

L’honorable juge Gary D.D. Morrison, j.c.s., souligne qu’en plus que le vendeur professionnel soit tenu à la garantie légale de qualité en vertu de l’article 1726 C.c.Q., une présomption de connaissance des vices pèse également contre lui.

Dans cette affaire, il est admis par la défenderesse (le vendeur) qu’elle est une vendeuse professionnelle, que ce vice existait au moment de la vente, qu’il n’était pas connu des demandeurs et qu’il n’était pas apparent.

Les demandeurs ont entrepris des travaux correctifs sans transmettre au préalable un avis de dénonciation à la défenderesse, ce qui a été fatal à leur recours :

[61] D’abord, le deuxième alinéa de l’article 1739 CCQ ne stipule pas qu’en cas de connaissance du vice par le vendeur, ce dernier renonce, par le fait même, à une dénonciation. Ce que l’article dit est qu’un tel vendeur « ne peut se prévaloir d’une dénonciation tardive ».
[62] Ce principe ne veut pas dire qu’un acheteur n’est pas obligé de dénoncer la présence d’un vice au vendeur avant des travaux correctifs.
[63] Dans l’arrêt Facchini c. Coppola (EYB 2013-217632 (C.A.) – Texte intégral | Fiche quantum), la Cour d’appel résume les principes applicables en matière de dénonciation de vices cachés.
[64] La dénonciation « demeure une condition de fond ». La raison d’être de la dénonciation « est de permettre au vendeur de constater le vice, d’examiner la preuve et de procéder aux réparations en limitant les coûts ».
[65] L’avis de dénonciation de vice caché doit être signifié « avant » l’exécution des travaux de correction du vice. Ainsi, la connaissance du vice enlève l’obligation d’envoyer au vendeur un avis de dénonciation dans un délai raisonnable « mais elle ne fait pas disparaître l’obligation d’envoyer un tel avis avant le début des travaux ».
[66] Les demandeurs n’ont pas satisfait à cette obligation.

L’argument des acheteurs selon lequel ils n’étaient pas obligés de transmettre à leur vendeur un avis de dénonciation pour le motif qu’il est un vendeur professionnel et qu’il est présumé connaître le vice est écarté par le tribunal.

L’autre argument soulevé par les acheteurs pour justifier l’absence de dénonciation était l’urgence. À l’égard de cet argument, le tribunal conclut qu’il n’y avait pas d’urgence pouvant exempter les acheteurs de dénoncer le vice par écrit, en raison du fait que les demandeurs avaient eux-mêmes causé l’affaissement de leur terrain. Ces derniers n’étaient donc pas autorisés à négliger l’envoi d’un avis de dénonciation à la défenderesse. Le tribunal rejette donc leur recours en vices cachés.

Le vendeur était en droit de recevoir un avis de dénonciation quant aux vices cachés allégués par les demandeurs, ce que ces derniers ont omis de faire.

Comme nous le rappelle cette décision, le deuxième alinéa de l’article 1739 C.c.Q. n’anéantit pas l’obligation de l’acheteur de fournir un avis de dénonciation lorsqu’il achète d’un vendeur professionnel.

Un vendeur professionnel ne peut se plaindre d’une dénonciation tardive, mais il a tout de même le droit de recevoir cette dénonciation avant l’exécution des travaux.

You May Also Like
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.