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Le recours du Syndicat de copropriété en cas de troubles causés par un locataire

Par Me Jimmy Troeung,De Grandpré Joli-Coeur, S.E.N.C.R.L.
Le recours du Syndicat de copropriété en cas de troubles causés par un locataire

Lorsque les avis et mises en demeure n’ont rien fait, comment le syndicat peut-il gérer un locataire difficile alors qu’il n’a aucune relation contractuelle avec lui ?

Les administrateurs se trouvent souvent aux prises avec un locataire s’adonnant à une occupation bruyante, à la sous-location à court-terme pourtant interdite, à fumer de la marijuana alors que les règlements l’interdisent ou à d’autres activités pourtant nuisibles à la collectivité.

Selon l’article 1079 du Code civil du Québec (C.c.Q.), le Syndicat de copropriétaire peut résilier un bail d’un locataire dans certaines circonstances, l’article se lit comme suit :

1079. Le syndicat peut, après avoir avisé le locateur et le locataire, demander la résiliation du bail d'une partie privative lorsque l'inexécution d'une obligation par le locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l'immeuble.

Les critères sont donc les suivants :

  • Un avis doit avoir préalablement été donné au locateur ainsi qu’au locataire.
  • Nous suggérons aussi que l’avis devrait contenir une copie du règlement d’immeuble advenant que le conseil d'administration ait un doute quant au fait que le copropriétaire en ait remis une copie lors de la signature du bail.
  • Le syndicat pourra alors demander la résiliation du bail auprès de la Régie du logement, et l’obtenir pourvu qu’il prouve :
    • L’inexécution d’une obligation par le locataire. En général, il s’agit d’une obligation prévue à la Déclaration de copropriété et/ou aux règlements de l’immeuble.
    • Un préjudice sérieux causé à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble.
    • Évidemment, le lien de causalité entre l’inexécution et le préjudice en question.

Aussi, il est clairement établi à l’article 1863 C.c.Q. qu’un locataire doit se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres copropriétaires et occupants de l’immeuble.

Toutefois, les copropriétaires doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n'excèdent pas les limites de la tolérance. Ce dernier aspect est prévu à l’article 976 C.c.Q.

Comment soupeser ces deux éléments vis-à-vis du critère de préjudice sérieux contenu à l’article 1079 C.c.Q. ?

En cette matière, le Tribunal doit fonder son appréciation de la preuve sur des considérations objectives et probantes. Le Tribunal devra être convaincu que la situation, par sa répétition, insistance et ampleur constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail du locataire fautif. En somme, cela doit être une situation extraordinaire et inhabituelle.

À titre d’exemple, dans Syndicat Terrasse Chavoin c. Romain, 2018 QCRDL 21024 (CanLII), une relation extrêmement tumultueuse avec un ami de coeur peut amener à une résiliation.

[24] Que le locataire ait une dispute avec son amie de coeur n’est pas un comportement en soi illégitime. Cependant, lorsque ces disputes sont fréquentes, qu’elles ont lieu en pleine nuit, que les parties s’engueulent si fort que les voisins peuvent entendre les mots prononcés, il s’agit d’inconvénients anormaux.

[25] D’autant plus, que le locataire a été avisé à de nombreuses reprises, par lettres et par les avis verbaux de la locatrice, des troubles causés sans que ces disputes ne cessent ou diminuent dans leur expression. (Référence omise)

Au niveau du préjudice sérieux, le Tribunal retient que les préjudices sont nombreux et que cela alourdit l’administration du Syndicat.

Les préjudices subis par les voisins sont nombreux, perte de locataires, perte de la jouissance paisible de sa copropriété, administration alourdie par toute la gestion des plaintes.

Dans SDC phase 47-GR03-bloc190 (Kabura) c. Touré, 2019 QCRDL 6711, le Tribunal a résilié le bail à cause du vacarme infernal de la locataire.

[15] Malgré tous les messages textes et courriels maintes fois adressés au locateur, soit par le gestionnaire de l’immeuble, le syndicat ou le voisin lui-même, la locataire n’a pas amendé son comportement si ce n’est que la fréquence de ces fêtes aurait diminué depuis que les parties ont reçu leur avis d’audience de la Régie du logement que de souligner monsieur Boudreau.

[16] Les deux dernières fêtes ont été celle du 12 janvier 2019 qui s’est terminée à 5h00 du matin et celle du 18 janvier 2019 qui s’est terminée à 3h00 du matin que de préciser monsieur Boudreau qui en conserve un souvenir plutôt amer.

[17] Pour sa part, la locataire souligne que depuis six mois, elle et sa colocataire ne dorment guère plus de deux à trois nuits par semaine au logement. Quant aux espaces de stationnement privées qu’utilisent sans droit ses invités, elle qui n’a pas de véhicule automobile assure qu’elle ignorait la chose et que dès qu’elle a su, elle a soumis ses invités à une injonction de ne pas utiliser les aires de stationnement privées de l’immeuble.

[18] Invité à témoigner, le locateur qui admet la réception des courriels et messages textes à propos des fêtes qui ont cours sur une base régulière au logement par la locataire qui avoue être âgée de 22 ans, ce dernier préfère se ranger derrière la locataire à qui on oppose des faits qui, dit-il, sont amplifiés.

[19] Pour sa part, la locataire ne cache pas qu’elle a tenu des fêtes chez elle et qu’elle a été avisée par son locateur des plaintes qu’il avait reçues en lien avec le bruit excessif parce qu’ils dansent, chantent et crient au son de la musique forte jusqu’à très tard la nuit ainsi que pour l’utilisation sans droit par ses invités des espaces de stationnement qui sont réservés aux propriétaires d’unité de condominium de l’immeuble.

[20] À une occasion, le locateur a même été invité, en marge de l’assemblée des propriétaires qui se tenait au même moment, à se rendre à son condominium pour constater qu’un party était en cours et que le stationnement était occupé par les invités de la locataire ; ce qui fut l’occasion d’une échauffourée entre le locateur et l’un des invités que de rappeler à la mémoire du locateur monsieur Boudreau qui l’accompagnait pour l’occasion.

[21] La force constabulaire de la ville de Gatineau signale dans un rapport avoir effectué 18 déplacements au logement concerné au cours de la période de janvier 2017 à janvier 2019 (Pièce P-1).

[22] Le voisin immédiat, monsieur Boudreau qui occupe aussi la fonction de Président du syndicat des copropriétaires de l’immeuble, rapporte qu’un constat d’infraction a même été délivré à la locataire.

[23] En l’espèce, tant le syndicat que le gestionnaire et le voisin immédiat ont avisé à la fois le locateur et la locataire tantôt verbalement tantôt par courriels, que cette dernière et sa colocataire troublaient la jouissance paisible des autres occupants de l’immeuble en raison du bruit excessif provenant du logement ainsi qu’en raison de l’utilisation sans droit des espaces privés de stationnement de l’immeuble.

Dans les deux cas, la preuve a été extrêmement bien documentée et plusieurs avis ont été envoyés au locataire fautif ainsi qu’au locateur.

Afin de bien réussir ce type de recours, la preuve de l’inexécution mais aussi du préjudice sérieux sont la clé. Il ne faut pas hésiter à bien documenter les faits :

  1. Recommander aux copropriétaires et occupants ennuyés par les gestes posés de tenir un registre des incidents qu’ils constatent avec la date et l’heure. Quand entendent-ils des bruits ? Quand sentent-ils des odeurs de marijuana, etc. ? Quel est le niveau d’inconfort ?
  2. Conserver les échanges de courriels au locateur et locataire récalcitrant, ainsi qu’avec les autres intervenants.
  3. Il en va de même en ce qui concerne les messages textes, sachant qu’ils sont plus difficiles à retrouver avec le temps et qu’un logiciel particulier pourrait être requis pour récupérer la totalité de la conversation.
  4. Noter dans le propre registre du conseil d'administration et/ou du gestionnaire, toutes les interventions effectuées auprès du locateur et du locataire récalcitrant.
  5. L’obtention d’un constat d’huissier est à considérer.
  6. Les appels téléphoniques logés auprès des autorités policières (nom de la personne qui a logé l’appel, la date, l’heure, le numéro de matricule des constables) ainsi que les rapports d’intervention à obtenir par demande d’accès à l’information.
  7. Si des caméras sont susceptibles d’avoir capté des images d’intérêt, penser à les sauvegarder au plus vite par un système qui en préserve l’intégrité ainsi que les métadonnées.
  8. Discuter avec les voisins directs, ainsi qu’avec les autres témoins possibles (concierge, sécurité, etc.), de manière à confirmer ou infirmer le niveau de gêne occasionnée par le locataire en question.
  9. Expliquer au copropriétaire et/ou occupant gêné qu’il/elle devra éventuellement témoigner dans le cadre de la procédure engagée et le/la rassurer à cet égard.

À noter aussi que dans les cas les plus graves, la Régie du logement possède les compétences nécessaires afin de rendre une ordonnance de sauvegarde, de manière à ne pas attendre de nombreux mois additionnels avant d’être entendus.

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About the Author

Jimmy Troeung exerce au sein de l’équipe de litige commercial, bancaire, faillite et insolvabilité, immobilier, construction et copropriété  du cabinet DE GRANDPRÉ JOLI-COEUR s.e.n.c.r.l. Il a été admis au Barreau en 2010.

Dans le cadre de sa pratique, Me Troeung agit à titre de conseiller juridique auprès de nombreuses entreprises, syndics de faillite, promoteurs immobilier, gestionnaires immobiliers. Dans le cadre de sa pratique, il plaide régulièrement devant les différentes instances du Québec.

En matière de litige, Me Troeung a l’habitude de traiter : recours en recouvrement personnel et hypothécaire, restructuration en matière de faillite, recours en dommages, recours en vices cachés et vices de construction, recouvrement et interprétation en matière de baux commerciaux, litige entre actionnaires, litige en matière de permis d’alcool dans le domaine de la restauration.

Il est également impliqué, en droit des affaires, dans la rédaction et la négociation de baux commerciaux, de partenariat immobilier.

Me Troeung est également détenteur d’un diplôme de Juris Doctor en Common Law ainsi que d'une Maitrise en droit des affaires à l’Université de Montréal.