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Demande en irrecevabilité accueillie : l'importance d'alléguer un déficit d'usage, même dans un recours en garantie

Par Me Sabrina Saint-Louis, LANE, avocats et conseillers d’affaires inc.
Demande en irrecevabilité accueillie : l'importance d'alléguer un déficit d'usage, même dans un recours en garantie

Une des quatre conditions se devant d’être présentes pour qu’on puisse conclure à l’existence d’un vice caché couvert par la garantie légale de qualité est celle relative à la gravité du vice (vice grave). Cela signifie que la gravité du vice doit être telle qu’il en découle un déficit d’usage, c’est-à-dire que le vice fait en sorte que l’acheteur n’est pas en mesure d’utiliser le bien conformément à l’usage auquel il le destinait au moment de la vente.

Sur ce qui précède, c'est en raison de l'absence d'allégué au niveau d'un déficit d'usage que dans la décision Sévigné c. Prud'homme (EYB 2016-274743 – Texte intégral | Fiche quantum) les défendeurs en garantie et en arrière-garantie ont présenté chacun une demande en irrecevabilité.

Dans cette affaire, les acheteurs (demandeurs principaux) ont entamé des procédures judiciaires en réduction du prix de vente contre leurs vendeurs en raison de la découverte d'une contamination du sol « due à la présence d'hydrocarbures au-delà du seuil autorisé par le Règlement sur la protection et la réhabilitation des terrains » (le Règlement). Une cascade d'appels en garantie s'en est suivie.

Il importe de préciser que les ventes des parties en garantie et en arrière-garantie ont respectivement eu lieu en 1997 et 2001, alors que le Règlement est entré en vigueur en 2003. Or, comme l'indique la Cour, « il faut se placer au moment de la vente, et non celui de la découverte de la contamination, pour déterminer, à la lumière de la législation alors applicable, si le bien vendu est affecté d'un vice caché ».

Ceci étant, la Cour a donné raison aux parties défenderesses en garantie et en arrière-garantie considérant que les recours en garantie et en arrière-garantie ne faisaient référence à aucun déficit d'usage au moment des ventes de 1997 et 2001.

« Car pour être recevables et présenter un fondement, celles-ci devaient alléguer des ennuis et inconvénients datant de l’époque de la possession des parties concernées, des conséquences sur l’usage auquel on destinait l’immeuble. »

À cet effet, bien que les demandeurs principaux alléguaient dans leurs procédures un déficit d'usage en raison de la contamination de leur terrain en 2012, à savoir « ne plus pouvoir louer l'Immeuble - l'usage auquel ils le destinaient », cela n'était pas suffisant pour les demandeurs en garantie et en arrière-garantie et il leur revenait d'alléguer à leur tour, dans leur demande en garantie respective, un déficit d'usage au moment de leur vente de référence :

[18] Reste la question soulevée par les défendeurs en garantie Marceau-Laframboise qui consiste à se demander si la date de la manifestation du prétendu vice – octobre 2012 – permet de faire échec aux actions en garantie et en arrière garantie dans la mesure où aucun allégué n’avance qu’à l’époque des ventes attaquées, soit 2001 et 1997, l’Immeuble portait un déficit d’usage. Invoquant l’arrêt Faucher, les demandeurs ainsi que les demandeurs en garantie répondent par la négative.
[19] Le Tribunal donne raison aux défendeurs en garantie et aux défenderesses en arrière garantie. Alors que dans l’arrêt Faucher les allégations de la demande supportaient la position de l’acheteur voulant que l’Immeuble ne pût servir à l’usage auquel il était destiné, ici il n’en est rien en ce qui concerne les actions en garantie et en arrière garantie. Car pour être recevables et présenter un fondement, celles-ci devaient alléguer des ennuis et inconvénients datant de l’époque de la possession des parties concernées, des conséquences sur l’usage auquel on destinait l’immeuble. Or, comme dans Turk, même tenant pour avérée la présence d’un réservoir d’huile et d’hydrocarbures dans le sol, cette seule présence en 1997 ou en 2001 s’est révélée sans conséquence sur l’usage auquel les acheteurs de l’époque (à savoir les demandeurs en garantie ainsi qu’en arrière garantie) destinaient l’Immeuble au moment de leur transaction.
[20] Il s’agit donc d’une situation où les recours en garantie et en arrière garantie sont irrecevables et manifestement mal fondés.

« cette seule présence en 1997 ou en 2001 s’est révélée sans conséquence sur l’usage auquel les acheteurs de l’époque (à savoir les demandeurs en garantie ainsi qu’en arrière garantie) destinaient l’Immeuble au moment de leur transaction. »

Il est intéressant de noter que la Cour a donné raison aux parties défenderesses en garantie et en arrière garantie non en raison de l'argument du droit applicable au moment de la découverte des vices (sous l'angle de la garantie du droit de propriété de l'article 1725 C.c.Q.), mais plutôt considérant l'absence d'allégué de déficit d'usage (sous l'angle de la garantie légale de qualité de l'article 1726 C.c.Q.).

Il est donc important dès la rédaction des procédures judiciaires d'alléguer un déficit d'usage, dans la mesure où il y en a un, à défaut de quoi le recours pourrait être qualifié de manifestement mal fondé.

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