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Un tribunal d’appel canadien reconnaît qu’un nom de domaine affiché peut contrefaire la marque de commerce d’un tiers

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Un tribunal d’appel canadien reconnaît qu’un nom de domaine affiché peut contrefaire la marque de commerce d’un tiers

La décision en matière de marques de commerce, de 2015, Vancouver Community College était récemment infirmée en appel devant la Cour d'appel de la Colombie-Britannique (Vancouver Community College v. Vancouver Career College (Burnaby) Inc., 2017 BCCA 41).

On annule ainsi la décision initiale qui avait statué que l'utilisation par un concurrent (du détenteur d'une marque de commerce) d'un nom de domaine et de mots clés (Google AdWords) n'était pas juridiquement problématique. Selon le juge de première instance, il n’y avait pas ici de confusion possible puisque les internautes étaient pleinement en mesure de constater que le site Web du défendeur n’avait aucun rapport avec le demandeur lorsqu’ils y accédaient. En première instance, le tribunal avait donc conclu que le simple usage du nom de domaine ne s’avérait pas problématique vu le contenu hébergé derrière, lequel éliminait ensuite toute confusion qui aurait théoriquement pu exister à l’origine.

Comme on s'en souviendra, le demandeur dans cette affaire avait adopté la marque VCCollege, qu'un concurrent direct avait ensuite reprise dans son nom de domaine vccollege.ca et dans certains mots clés achetés chez Google à des fins publicitaires.

Cette décision d'appel vient ainsi confirmer que l'utilisation d'un nom de domaine et de mots clés peut s'avérer génératrice de responsabilité, à tout le moins quand une entreprise reprend ainsi la marque de commerce d'un concurrent, et ce, peu importe le contenu de son site Web. Contrairement à la décision de première instance, la Cour d'appel vient en effet ici préciser qu'on peut parler de confusion AVANT même qu'un internaute ne clique sur un lien, afin de voir le contenu qui se cache derrière. La confusion d'un internaute constitue donc (juridiquement) de la confusion, et ce, même si cette confusion peut être écartée ensuite en cliquant sur un lien et en lisant et en visionnant ce qui se trouve sur la page suivante. La possibilité d'éliminer la confusion en créant un site Web sans rapport avec le détenteur de la marque visé n'est donc PAS une défense en droit.

En droit, rien ne permettant de distinguer le nom de domaine www.vccollege.ca de la marque VCCollege, la confusion s'avère probable dès qu'un internaute se heurte à ce nom de domaine parmi des résultats de recherche même.

Cela semble confirmer que le concept américain de « initial interest confusion » semble bien en voie d'être importé au Canada.

Ce faisant, les entreprises canadiennes disposent dorénavant d'un bel argument à formuler à l'encontre des tiers qui enregistrent sans droit des noms de domaines reprenant leurs marques de commerce, particulièrement lorsqu'il s'agit de concurrents.

Ici, la combinaison des mots clés achetés de Google et du nom de domaine (tels qu’ils ont été présentés dans les résultats de recherche de Google et générés par ces mots clés) est ce qui a créé un résultat problématique. Puisque tout ce que montrait l’annonce du défendeur se limitait au nom de domaine, rien n’évitait la confusion des internautes, lesquels étaient nécessairement forcés de cliquer pour comprendre qu’ils ne traitaient pas ici avec la bonne entreprise. Par contre, il est important de noter que cette décision ne dit PAS que le simple achat de mots clés s'avère, lui, un problème :

More significantly, the critical factor in the confusion component is the message communicated by the defendant. Merely bidding on words, by itself, is not delivery of a message. What is key is how the defendant has presented itself, and in this the fact of bidding on a keyword is not sufficient to amount to a component of passing off, in my view.

Conclusion (et c'est majeur) : OUI, en droit canadien, le choix et l'utilisation d'un nom de domaine peuvent entraîner la contrefaçon de la marque de commerce d'une autre entreprise, peu importe le contenu du site Web hébergé derrière ce nom de domaine. Résultat : un tel comportement ouvre la porte à une poursuite par l'entreprise lésée, en contrefaçon de sa marque, que ce soit par injonction ou autrement.

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About the Author

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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