I. Introduction
Dans le cadre d’une demande pour autorisation d’exercer une action collective, un désistement doit-il être autorisé par le tribunal comme c’était le cas sous l’ancien Code de procédure civile ? Oui, selon la décision Krimed c. Uber Technologies inc.1. Ceci découle non seulement d’une lecture cohérente de l’article 213 C.p.c., mais aussi du principe voulant que le tribunal doive assurer la saine gestion de l’instance.
II. Les faits
Le 19 décembre 2014, M. Krimed dépose une « requête pour autorisation d’exercer un recours collectif » en vertu de l’ancien C.p.c.
Un peu plus de deux ans plus tard, le 30 mars 2016, M. Krimed et une autre partie déposent une deuxième demande pour autorisation sensiblement similaire, et ce, en vertu du nouveau C.p.c.
Le 20 mai 2016, M. Krimed déclare au tribunal qu’il désire se désister de sa première procédure.
Un désistement est alors déposé le 1er juin 2016.
Entre autres, le tribunal doit décider si le désistement s’effectue automatiquement à la suite de son dépôt ou si, comme c’était le cas sous l’ancien C.p.c., une autorisation judiciaire est requise. Le tribunal se prononce en faveur de cette deuxième option.
III. La décision (l’honorable Mark G. Peacock)
Le tribunal reconnaît d’emblée que contrairement à l’ancien C.p.c. (art. 1010.1 C.p.c.), le nouveau C.p.c. ne contient aucun article qui prévoie que les dispositions portant sur le déroulement de l’action collective s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à l’étape de l’autorisation.
Or, le fait que selon l’article 585 C.p.c. un désistement doit être autorisé lors du déroulement de l’action collective n’est d’aucune pertinence pour l’étape procédurale précédente.
Il faut plutôt tenir compte de l’article 213 C.p.c. :
213. Le demandeur qui se désiste en totalité de sa demande en justice met fin à l’instance dès que l’acte de désistement est notifié aux autres parties et déposé au greffe. Le désistement remet les choses en état ; il a effet immédiatement s’il est fait devant le tribunal en présence des parties. Les frais de justice sont à la charge du demandeur, sous réserve d’une entente convenue entre les parties ou d’une décision du tribunal.
Le tribunal est d’avis que cette disposition ne peut s’appliquer dans le contexte d’une action collective :
[23] [...] Selon les termes exacts de cet article, « le demandeur qui se désiste en totalité de sa demande en justice met fin à l’instance … ». Il convient de rappeler que dans le Code de procédure civile, la requête en autorisation se trouve sous le Titre III « Règles particulières à l’action collective ». Ainsi, dans la requête amendée en autorisation, M. Krimed n’est pas le « demandeur » et il n’y a pas d’« instance » tant que l’action collective n’est pas autorisée. (Soulignements du tribunal)
De plus, le tribunal observe que l’article 9, al. 2 lui impose « d’assurer la saine gestion des instances en accord avec les principes et les objectifs de la procédure » et que l’article 25 C.p.c. lui permet également de « suppléer à l’absence de moyens pour exercer un droit par toute procédure qui n’est pas incompatible avec les règles que le Code contient ».
Le tribunal ajoute qu’il lui appartient par ailleurs de « veiller sur les intérêts des membres potentiels »2.
IV. Commentaire de l’auteur
Cette décision est importante puisqu’elle établit clairement qu’un désistement doit être autorisé par le tribunal, à l’étape de l’autorisation d’une action collective tout comme à l’étape du déroulement de l’instance. À cet égard, elle s’harmonise avec la jurisprudence précédente développée sous l’ancien C.p.c. Elle s’harmonise aussi avec la conception de l’action collective préconisée par le juge LeBel, alors de la Cour d’appel, dans l’arrêt Thompson c. Masson. Cet arrêt précise que « [d]ans le cas d'un recours collectif, la procédure se décompose en plusieurs temps. La requête en autorisation constitue un mécanisme de filtrage et de vérification et seul un jugement favorable permettra la formation et l'exercice du recours. Avant que ce jugement ne soit rendu, le recours n'existe pas, du moins sur une base collective »3. Bref, le particularisme de la procédure elle-même nécessite des règles tout aussi particulières.
1 2016 QCCS 2768.
2 Id., par. 29.
3 1992 CanLII 3662 (QC C.A.), p. 5.