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La distinction à faire entre des recommandations de vérifications « préachat » et des recommandations de vérifications « postachat » émises par un inspecteur préachat

Par Me Bryan-Éric Lane, LANE, avocats et conseillers d’affaires inc.
La distinction à faire entre des recommandations de vérifications « préachat » et des recommandations de vérifications « postachat » émises par un inspecteur préachat

Dans un billet antérieur, qui traitait de l’arrêt de la Cour d’appel Leroux c. Gravano (EYB 2016-261191 – Texte intégral | Fiche quantum), nous avons souligné qu’un avertissement abstrait ou d’ordre général formulé par un inspecteur préachat ne constituait pas en principe un indice positif d’un vice, si l’inspecteur n’a pas décelé d’indices ou de signes particuliers pouvant être annonciateurs de l’existence potentielle d’un vice ou d’une problématique quelconque en lien avec la composante faisant l’objet de la vérification recommandée. Autrement, et comme la Cour d’appel l’a souligné dans cet arrêt, toute forme de limitation de responsabilité d’un inspecteur préachat formulée sous forme de recommandation constituerait un indice positif d’un vice.

Il est fréquent, voire usuel, de lire dans des rapports d’inspection préachat des recommandations générales de procéder à des vérifications de composantes que l’inspecteur n’a pu vérifier. Toutefois, et comme la Cour l’a mentionné dans l’arrêt Gravano susmentionné, on ne peut opposer à l’acheteur de telles recommandations générales et abstraites si l’inspecteur n’a rien constaté de problématique, et ce, malgré le fait qu’il ait recommandé de procéder à des vérifications.

Il est également fréquent de lire dans des rapports des recommandations de procéder ultérieurement à certains travaux d’entretien ou à certaines réparations, une fois que le promettant-acheteur sera devenu propriétaire. Ces recommandations commandent par leur nature un suivi après l’achat, ce qui les distingue de recommandations qui commandent, par leur nature, un suivi avant l’achat pour constater si un vice existe.

«La recommandation de sceller et de réparer les fissures et celle de consulter un « contracteur » pour ce faire ne commandent pas, par leur nature même, un suivi avant l’achat. Faire sceller des fissures ne s’inscrit pas dans la démarche d’un acheteur pour constater si un vice existe. Le suivi consiste à faire faire un travail d’entretien ou de réparation une fois devenu propriétaire.»

Dans l’arrêt Giagnotti c. Anania (EYB 2016-266263 – Texte intégral | Fiche quantum), la Cour d’appel fait la distinction entre des recommandations de « vérification préachat » et des recommandations « postachat », lesquelles ne commandent pas, par leur nature même, un suivi avant l’achat.

Dans cette affaire, le juge de première instance a reproché aux acheteurs de ne pas avoir suivi les recommandations qui leur ont été formulées par leur inspecteur préachat et consistant à procéder à des travaux de scellement et de réparation de petites fissures et de consulter un entrepreneur pour corriger cette situation.

De telles recommandations sont considérées par la Cour d’appel comme étant des recommandations postachat qui ne commandent aucune vérification à effectuer avant l’achat, faisant ainsi en sorte qu’on ne peut assimiler de telles recommandations comme étant des éléments qui devaient amener les acheteurs à consulter un expert avant la vente afin de pousser plus loin leur inspection de l’immeuble.

Considérant qu’aucune recommandation de procéder avant la vente à des vérifications particulières en lien avec ces petites fissures n’a été formulée par l’inspecteur préachat aux acheteurs, une simple recommandation de procéder à de tels travaux ne peut être assimilée à un indice grave/important qui devait amener les acheteurs à retenir les services d’un expert avant la vente :

c) Les recommandations aux Acheteurs et leur non-suivi
[66] Le Juge écrit :
[15] PRENANT ACTE que M. Forest, l’expert retenu par les demandeurs au moment de l’inspection de l’immeuble, leur a signalé, dans son rapport, plusieurs fissures et dangers d’infiltration d’eau et qu’il leur a suggéré d’effectuer des travaux pour éviter l’accumulation d’eau et des pressions latérales;
[16] PRENANT ACTE que l’expert retenu par les demandeurs au moment de l’inspection de l’immeuble leur a recommandé de consulter un contracteur;
[17] PRENANT ACTE que les demandeurs ont tous deux reconnu qu’ils n’ont pas donné suite à ces recommandations, ne daignant même pas rappeler l’expert qu’ils avaient retenu;
[...]
[29] CONSIDÉRANT, en tenant compte de tous ces facteurs, qu’un acheteur minimalement prudent à qui on a suggéré de pousser plus loin les vérifications, aurait suivi ce conseil;
[67] Quelles recommandations l’inspecteur adresse-t-il aux Acheteurs? Voici ce qu’il écrit dans son rapport :
Step# Component Comments
113 Exposed Foundation Concrete. Small settling cracks noted. Although not generally problematic, we recommended repairing and sealing these cracks to prevent damages caused by water infiltration. Therefore, we recommend consulting a licensed contractor to evaluate and correct this situation. See photo annexe #3, #4, #7.
[68] L’inspecteur a déjà fait cette recommandation aux Acheteurs de vive voix lors de la visite des lieux. (Voir l’extrait de sa déposition ci-dessus citée.)
[69] La recommandation de sceller et de réparer les fissures et celle de consulter un « contracteur » pour ce faire ne commandent pas, par leur nature même, un suivi avant l’achat. Faire sceller des fissures ne s’inscrit pas dans la démarche d’un acheteur pour constater si un vice existe. Le suivi consiste à faire faire un travail d’entretien ou de réparation une fois devenu propriétaire.
[70] Le Juge ne peut faire grief aux Acheteurs de ne pas avoir suivi ces recommandations « ne daignant même pas rappeler leur expert » (paragr. 17).
[71] C’est à tort que, dans sa conclusion (paragr. 29), le Juge qualifie ces recommandations postachat de « vérifications » préachat par un acheteur minimalement prudent.
[72] L’inspecteur, au terme de son inspection, ne recommande aux Acheteurs aucune démarche préachat additionnelle.

«Il faut donc faire la distinction entre une recommandation de consulter un spécialiste pour déterminer la cause d’une problématique potentielle et des déclarations génériques ou de simples conseils d’usage émis par un inspecteur préachat. De plus, de simples recommandations visant à effectuer des travaux d’entretien ou de réparation mineurs après la vente ne commandent pas à l’acheteur d’effectuer des expertises plus poussées avant la vente, sauf si on le lui recommande expressément de le faire.»

La Cour d’appel renverse donc le jugement de première instance et déclare que la problématique d’infiltrations d’eau par des fissures dans la fondation et la présence de moisissure à l’intérieur des murs constitue un vice caché couvert par la garantie légale de qualité.

Il faut donc faire la distinction entre une recommandation de consulter un spécialiste pour déterminer la cause d’une problématique potentielle et des déclarations génériques ou de simples conseils d’usage émis par un inspecteur préachat. De plus, de simples recommandations visant à effectuer des travaux d’entretien ou de réparation mineurs après la vente ne commandent pas à l’acheteur d’effectuer des expertises plus poussées avant la vente, sauf si on le lui recommande expressément de le faire.

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À propos de l'auteur

Diplômé en droit de l'Université de Sherbrooke, Me Bryan-Éric Lane oeuvre au sein de la firme LANE, avocats et conseillers d'affaires inc., qu'il a fondée en 2006. En parallèle à sa pratique en droit des affaires, Me Lane se spécialise en droit immobilier, et plus particulièrement en matière de recours pour vices cachés, domaine dans lequel il a développé avec les années une solide expertise. Me Lane a donné de nombreuses conférences en matière de recours pour vices cachés. Il a également collaboré avec les Éditions Yvon Blais au développement de l'outil de recherche La référence Quantum – Vices cachés.