Dans un billet antérieur, nous avons traité du fait qu’un vendeur non-professionnel qui excluait la garantie légale de qualité n’avait pas à divulguer à son acheteur les vices qu’il connaissait ou ne pouvait ignorer, étant toutefois entendu que cette exclusion de garantie ne lui serait d’aucun secours en cas de faute lourde ou intentionnelle de sa part envers son acheteur en vertu des dispositions de l’article 1474 C.c.Q., tel un dol.
Les acheteurs d’un immeuble découvrant des vices dans leur immeuble ont souvent tendance à assimiler promptement les représentations erronées et/ou fausses de leur vendeur à du dol. Il est fréquent de voir des plaideurs assimiler automatiquement une représentation fausse et/ou erronée à un dol, à tort dans certains cas selon nous. En effet, une représentation fausse et/ou erronée faite par un vendeur ne constitue pas automatiquement du dol. Comme le souligne l’auteur en droit Didier Lluelles dans son ouvrage Droit des obligations :
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Ainsi, la déclaration fausse et/ou erronée faite de bonne foi ne constituera pas en principe un dol. Pour qu’on puisse conclure à du dol, il faut démontrer que le déclarant avait l’intention de tromper, qu’il a eu un comportement malhonnête. Le vendeur qui fait à son acheteur une déclaration trompeuse, fausse et/ou erronée, de bonne foi, ne pourra commettre un dol puisque son comportement n’est pas empreint de la mauvaise foi que requiert le dol. La Cour d’appel nous avait rappelé, dans l’arrêt Mangiola c. Pucella (EYB 2004-71513 (C.A.)) qu’on ne peut conclure à un dol si le déclarant (le vendeur en l’espèce) était de bonne foi lorsqu’il a fait à son acheteur des déclarations fausses et/ou erronées :
Pour prouver le dol, il ne s’agit pas seulement de démontrer la fausseté et/ou l’inexactitude de la représentation/déclaration faite par le vendeur : encore faut-il démontrer l’intention de tromper par ce dernier. C’est ce que nous rappelle l’Honorable Dominique Langis, dans le jugement qu’elle a rendu en 2013 dans l’affaire Matteau c. Vigneault (2013 QCCQ 10428, EYB 2013-226800 (C.Q.) – Texte intégral | Fiche quantum). Dans cette affaire, les acheteurs/demandeurs ont acquis sans garantie légale de qualité un immeuble de leurs vendeurs. Ayant découvert quelques années plus tard une problématique au niveau des fondations de l’immeuble, les acheteurs allèguent que leurs vendeurs ne peuvent bénéficier de la clause d’exclusion de garantie pour le motif que les vendeurs connaissaient l’existence des vices en cause au moment de la vente et qu’ils ont fait des fausses représentations à ce sujet.
Le tribunal nous rappelle que si on veut rendre inapplicable une clause d’exclusion de garantie en raison de fausses représentations faites par un vendeur, une preuve très précise s’avère nécessaire :
À la lueur de ces principes, le tribunal conclut à ce qui suit :
Cette décision nous rappelle que le fardeau de preuve requis pour prouver le dol va au-delà de la simple démonstration du caractère faux et/ou erroné de la déclaration. Le dol requiert plus que cela : il requiert l’intention malhonnête et volontaire d’induire son cocontractant en erreur. Comme la Cour du Québec nous l’a rappelé récemment, en 2016, dans l’affaire Cayer c. Bartolone (2016, QCCQ 5774, EYB 2016-267589 (C.Q.) – Texte intégral | Fiche quantum), celle-ci citant les auteurs en droit Jean-Louis Beaudoin et Pierre-Gabriel Jobin, le fardeau de preuve requis en matière de dol est assez lourd :
En conclusion, le praticien qui désire invoquer le dol en matière de vices cachés se doit d’être en mesure de faire une preuve très précise, qui nécessite un fardeau assez lourd, à l’effet que le vendeur a non seulement fait une déclaration fausse et/ou erronée, mais qu’il avait au surplus l’intention malhonnête d’induire en erreur son acheteur, étant toutefois entendu que le dol doit avoir été déterminant et surtout qu’il doit porter sur un élément affectant objectivement la valeur d’un immeuble, comme nous en avons parlé dans un billet antérieur. En résumé, une représentation erronée/fausse ou inexacte, mais faite de bonne foi, ne constitue pas un dol.
