Skip to content

Filature mortelle : l’ex-policier dont la conduite dangereuse a entraîné la mort d’un garçon de cinq ans est condamné à huit mois de prison

Résumé de décision : R. c. Ouellet, EYB 2018-304264 (C.Q., 20 novembre 2018)
Filature mortelle : l’ex-policier dont la conduite dangereuse a entraîné la mort d’un garçon de cinq ans est condamné à huit mois de prison

L'accusé, un policier d'une équipe de filature qui est entré en collision avec un véhicule alors qu'il faisait du « rattrapage », une technique consistant à reprendre contact avec le sujet d'une filature le plus rapidement possible afin d'éviter la détection ou la perte du sujet, a été déclaré coupable d'avoir conduit d'une façon dangereuse pour le public, compte tenu de toutes les circonstances, et d'avoir ainsi causé la mort d'un enfant de cinq ans. Les parties suggèrent de façon commune une peine de huit mois d'emprisonnement ainsi qu'une interdiction de conduire pour une période de 12 mois. Il s'agit d'évaluer si cette suggestion est raisonnable en regard de l'ensemble des circonstances.

Un tribunal n'est pas lié par une suggestion commune ne provenant pas d'une négociation qui englobe un plaidoyer de culpabilité de la part de l'accusé. Cela dit, la suggestion commune faite ici est celle d'avocates expérimentées et il faut la considérer sérieusement.

L'infraction commise est l'une des plus graves au Code criminel et les conséquences de cette conduite dangereuse ont été dévastatrices pour la famille de la victime et même pour celle de l'accusé. L'événement se déroule dans un contexte particulier. L'accusé est dans le cadre de son travail. Au volant d'un véhicule banalisé et tentant de rejoindre le sujet d'une filature, il conduit d'une façon qui dénote une insouciance et une témérité assez préoccupantes, aucunement adaptée à l'environnement qui prévalait à ce moment (quartier résidentiel, à 8 h du matin, une journée de semaine). Qui plus est, absolument rien ne justifiait une telle prise de risque. Même si, à strictement parler, le père de la victime a coupé la voie empruntée par l'accusé, comment lui reprocher son erreur d'évaluation en regard de l'ensemble des circonstances ? Il s'agit malgré tout d'un facteur contributif pertinent dont il faut tenir compte. La responsabilité de l'accusé est donc prépondérante.

À titre de circonstances atténuantes, l'on retient les remords et les regrets exprimés par l'accusé lors des observations sur la peine, l'absence d'antécédents judiciaires chez ce dernier, les effets collatéraux de la condamnation, notamment la destitution de l'accusé à titre d'agent de la paix, les circonstances particulières du cheminement du dossier, le faible risque de récidive, la personnalité de l'accusé et le fait que ce dernier constitue un actif pour la société. Quant aux facteurs aggravants, l'on retient le manque de jugement flagrant adopté par une personne dont la tâche première était la protection de la société, l'âge de la victime et l'ampleur des conséquences pour la famille de la victime.

Dans l'arrêt Silbande, rendu en 2014, la Cour d'appel du Québec fait une recherche approfondie des peines imposées en matière de conduite dangereuse causant la mort ou des lésions corporelles, énonce une liste de facteurs expliquant la disparité entre les peines et souligne que la dénonciation et la dissuasion générale sont des objectifs à considérer, mais qu'ils ne doivent pas être nécessairement prédominants. En l'espèce, la peine suggérée par les parties, laquelle se situe dans le bas de la fourchette des peines ordinairement infligées pour des infractions de même nature, peut, à première vue, paraître clémente. En effet, un message doit être envoyé aux policiers et aux personnes conduisant des véhicules d'urgence. Il ne faut surtout pas que ces derniers se laissent influencer par une culture d'entreprise ou par une impression d'impunité. Le pouvoir d'excéder les limites permises dans certaines situations, ou de contrevenir aux règles de la sécurité routière, doit toujours être exercé en ayant à l'esprit l'obligation d'assurer la sécurité des autres usagers de la route. Les policiers ne sont jamais exonérés de leur obligation d'agir avec prudence comme n'importe lequel usager de la route. Ce principe est d'autant plus d'actualité ou d'importance dans un cas de filature ou de surveillance. Toutefois, lorsque l'on considère l'ensemble des circonstances, le degré de responsabilité de l'accusé et la prépondérance des facteurs atténuants, la peine suggérée par les parties est raisonnable.

Pour ces motifs, l'accusé est condamné à une peine d'emprisonnement de huit mois et il lui sera interdit, une fois la peine purgée, de conduire un véhicule pour une période de 12 mois.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

Ouvrir une session | Demander un essai gratuit

Également d’intérêt
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.