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La Cour d’appel se prononce sur la notion d’indignité

Résumé de décision : Larochelle c. Paquet, EYB 2017-275428 (C.A., 24 janvier 2017)
La Cour d’appel se prononce sur la notion d’indignité

Ce litige porte sur un testament olographe fait en novembre 2011 par la testatrice, qui était la mère de l'appelant et la conjointe de l'intimé. L'appelant se pourvoit contre le jugement qui a, d'une part, accueilli l'action de l'intimé en reconnaissance du testament olographe et, d'autre part, rejeté la demande reconventionnelle de l'appelant qui réclamait l'annulation du testament pour cause de captation et une déclaration d'indignité à succéder à la défunte dont le décès est survenu en juillet 2012.

L'appel est rejeté. Notons que les conclusions recherchées en appel ne visent que la déclaration d'indignité. En effet, l'appelant demande la nullité des « legs particuliers octroyés au demandeur-intimé dans le testament olographe du 21 novembre 2011 pour cause d'indignité et d'ingratitude », excluant, de ce fait, la nullité de ce testament. Nous examinerons donc l'argumentation de l'appelant sous cet angle.

L'appelant fait valoir que le jugement omet de trancher la question de l'indignité de l'intimé de succéder. Il souligne, à juste titre, que la section « Question en litige » du jugement ne mentionne que la captation. Cela étant, le jugement énonce expressément les prétentions de l'appelant concernant l'indignité. Il est cependant vrai qu'à compter de l'énoncé de la question en litige, le jugement ne traite plus expressément de l'indignité. Certes, le rejet de la demande emporte, par le fait même, celui des prétentions de l'appelant concernant l'indignité de succéder de l'intimé qui repose, pour l'essentiel, sur la même trame factuelle. La juge devait néanmoins trancher explicitement la question. Toutefois, la Cour bénéficie de l'ensemble de la preuve administrée en première instance, si bien qu'il est possible de trancher cette question en appel. L'appelant appuie sa demande sur les paragraphes (1) et (3) de l'article 621 C.c.Q., lesquels font nécessairement référence à des événements ayant précédé le décès. Or, parmi les raisons alléguées au soutien de sa demande de déclaration d'indignité, les deuxième, troisième et quatrième reposent sur la même trame factuelle que celle visant les allégations de captation. Or, la juge estime ces allégations sans fondement. L'intimé n'a posé aucun geste ayant influé sur le consentement libre et volontaire de la défunte dans la rédaction de son testament de 2011. Ces constats de la juge trouvent appui dans la preuve et l'appelant ne démontre aucune erreur manifeste et déterminante à cet égard. Par ailleurs, les allégations au sujet de la disparition des bijoux ne sont d'aucune utilité dans l'analyse de la question de l'indignité, la disparition étant postérieure au décès. Restent les premier et cinquième éléments qui ne sont pas expressément traités dans le jugement. Le premier, relatif à l'attitude de l'intimé envers sa conjointe affligée de graves problèmes de santé, se rattache au paragraphe 621(1) C.c.Q., lequel exige la preuve de sévices contre le défunt ou un comportement hautement répréhensible envers lui. La preuve ne démontre pas que l'intimé a posé envers sa conjointe de tels gestes.

Enfin, le cinquième élément soulevé par l'appelant, selon lequel l'intimé aurait fait obstacle à la modification ou à la révocation de son testament par la défunte, ne trouve aucun écho dans la preuve. Au contraire, les parties ont qualifié la testatrice de personne forte, ayant du caractère et très autonome, trait de personnalité souligné par la juge. Dans ce contexte, rien dans la preuve ne démontre que l'intimé a entravé de quelque façon que ce soit la liberté de tester de sa conjointe, conclusion qui s'harmonise avec celle de la juge concernant l'absence de captation.

Dans son mémoire, l'appelant allègue trois autres événements qui démontreraient l'indignité de l'intimé. Or, à cet égard, les relations acrimonieuses entre les héritiers ne peuvent en soi constituer une cause d'indignité de l'intimé. Les gestes posés par l'intimé envers l'appelant lors de l'hospitalisation de la défunte, dans les jours précédant son décès, témoignent de cette animosité, sans plus. En outre, la preuve ne démontre aucunement que l'intimé a tenté d'empêcher la défunte de modifier son testament, ni à ce moment ni auparavant. L'événement concernant le dépôt de l'urne survient après le décès de la testatrice, et, de ce seul fait, est sans pertinence pour trancher la question de l'indignité.

L'appelant soulève plusieurs erreurs qu'il qualifie de manifestes et déterminantes dans l'appréciation de la preuve et de la crédibilité des témoins, en particulier celle de l'intimé. Comme l'appelant ne requiert plus la nullité du testament pour cause de captation, et vu les motifs énoncés précédemment concernant l'absence de preuve d'indignité, seuls quelques commentaires supplémentaires s'imposent.

L'appelant ne soumet qu'une interprétation différente de celle retenue par la juge sans pointer d'erreurs manifestes et déterminantes. Les contradictions qu'il soulève n'ont aucun caractère décisif. Par exemple, le fait que la défunte ait remis l'enveloppe contenant son testament olographe au comptable ou à sa secrétaire n'est pas déterminant, pas plus que le moment de la remise de celle-ci. De même, l'erreur de l'intimé sur la valeur de l'hypothèque grevant l'appartement n'a pas l'importance que souhaiterait lui donner l'appelant.

Enfin, l'appelant ne réussit pas à identifier une erreur manifeste et déterminante dans les conclusions de la juge rejetant son argument selon lequel la défunte s'était sentie obligée de léguer ses FERR à l'intimé pour le convaincre de rester à ses côtés malgré sa maladie. Au contraire, le délai de plus de deux années écoulé entre le diagnostic de la maladie de Parkinson de la testatrice, en juin 2009, et la modification du testament survenue en novembre 2011 appuie la conclusion de la juge en ce sens.

En somme, la preuve démontre que les allégations concernant l'indignité de succéder de l'intimé sont infondées.

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