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Le déménagement hors du Québec de l’enfant et du parent gardien autorisé par la Cour supérieure fait perdre à cette dernière compétence sur les ordonnances modificatives de droit d’accès

Résumé de décision : Droit de la famille – 18126, EYB 2018-289683 (C.A., 26 janvier 2018)
Le déménagement hors du Québec de l’enfant et du parent gardien autorisé par la Cour supérieure fait perdre à cette dernière compétence sur les ordonnances modificatives de droit d’accès

L'appelante se pourvoit à l'encontre d'un jugement du juge Riordan ayant rejeté son moyen déclinatoire à l'encontre de la demande de l'intimé en confirmation et en modification des droits d'accès lui ayant été accordés par la juge Monast dans une ordonnance antérieure. À l'époque du jugement Monast, les deux parties vivaient au Québec ; la juge a autorisé la mère à déménager avec l'enfant en Ontario.

L'appel est accueilli. Il ne s'agit pas ici d'une demande initiale de garde et d'accès. Plutôt, cet appel pose la question de savoir si la Cour supérieure a compétence pour confirmer et modifier les conditions d'accès d'une précédente ordonnance en regard d'un enfant dont le déménagement à l'extérieur du Québec a été autorisé par la Cour supérieure.

La compétence de la Cour supérieure de décider en matière de garde est normalement régie par le domicile de l'enfant visé. Les règles établies par les articles 3093 et 3142 C.c.Q. gouvernent manifestement les demandes initiales d'accès ou de garde, et c'est à tort que l'on prétend ici qu'elles ne s'étendent pas à une demande pour confirmer et modifier des accès établis dans un jugement antérieur de la Cour supérieure.

Le but fondamental de toute ordonnance d'accès ou de garde doit être la sauvegarde de l'intérêt de l'enfant. En droit international privé, cela signifie que la Cour décidant de la garde et des accès doit considérer cet intérêt et doit être pourvue adéquatement pour évaluer ceux-ci, et que les règles de compétence territoriale doivent décourager l'enlèvement d'enfant et le « forum shopping ». Les articles 3093 et 3142 C.c.Q. respectent ces objectifs. La question n'est pas de savoir si ces articles excluent la compétence de la Cour supérieure de confirmer ou de modifier un droit d'accès conféré par un jugement autorisant un déménagement, mais plutôt de savoir s'ils permettent de limiter la compétence de la Cour supérieure dans de telles circonstances. Si la Cour supérieure a autorisé le parent gardien à déménager avec l'enfant, comme ici, il n'y a plus désormais besoin de prévenir un déplacement illicite ou du « forum shopping ». Le déménagement autorisé par une cour est, de sa nature même, licite. Donc, dans la mesure où l'article 3142 C.c.Q. visait à limiter le déplacement illicite d'enfants, son but a été atteint. Il peut être défendu que les cours québécoises demeurent pour un certain temps le forum approprié pour interpréter ses propres jugements et pour les modifier pour tenir compte de circonstances qui ont changé, comme l'enseigne une certaine jurisprudence. Toutefois, bien qu'il y ait un certain mérite à l'idée de la compétence continue, le cadre législatif adopté au Québec a prévu expressément autre chose. L'article 3142 C.c.Q. est clair : les autorités québécoises ont compétence pour décider de la garde d'enfant (qui inclut les droits d'accès), pourvu que l'enfant soit domicilié au Québec. En conséquence, une fois que la Cour supérieure, par un jugement final, autorise le parent gardien à déménager avec l'enfant afin d'établir un nouveau domicile à l'extérieur du Québec, alors la Cour supérieure perd sa compétence de décider du sort de l'enfant. Cela découle d'un choix politique compatible avec la Convention de La Haye de 1996, qui prévoit un modèle juridictionnel largement accepté en dehors des États-Unis voulant que la cour de la résidence habituelle de l'enfant ait compétence pour décider de questions.

Conséquemment, une fois que la Cour supérieure a autorisé le parent gardien à déménager avec l'enfant dans une autre juridiction et à établir un nouveau domicile là-bas, cette autorisation est devenue une ordonnance finale non sujette à appel ou à révision au Québec, et que le parent gardien a effectivement déménagé dans la nouvelle juridiction avec l'enfant et établi son domicile là-bas, le parent non gardien doit appliquer les principes du droit international privé pour s'assurer que le jugement québécois sur l'accès soit reconnu et exécuté dans la nouvelle juridiction. Le parent non gardien ne peut simplement retourner devant la Cour supérieure pour chercher soit l'exécution soit la modification de l'ordonnance d'accès.

Il n'est pas dans le cadre de notre appel de décider des questions juridictionnelles relatives à la garde et aux droits d'accès relatif à un enfant dans le contexte d'une séparation ou d'un divorce. Qu'il suffise de dire que les règles gouvernant la juridiction de la Cour supérieure dans de telles circonstances peuvent être différentes que celles qui sont en jeu lorsqu'il n'y a pas de telles procédures pendantes entre les parents de l'enfant visé.

Appliquant ces principes au présent cas, une fois que le jugement Monast est devenu final et que l'appelante est effectivement déménagée en Ontario avec l'enfant, la Cour supérieure a perdu sa compétence d'exécuter ou de modifier ses ordonnances d'accès. Cette compétence appartient désormais aux cours de l'Ontario.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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