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Même si l’état d’aliénation ou de faiblesse d’esprit du testateur a été démontré prima facie, le testament a été signé au cours d’un intervalle de lucidité et est valide

Larocque c. Gagnon, EYB 2016-268775 (C.A., 3 août 2016)
Même si l’état d’aliénation ou de faiblesse d’esprit du testateur a été démontré prima facie, le testament a été signé au cours d’un intervalle de lucidité et est valide

L'ancienne conjointe du défunt (l'appelante) se pourvoit en sa qualité de tutrice de sa fille mineure contre le jugement déclarant valide le testament devant témoins rédigé par le fils du défunt (l'intimé) et signé par le défunt 14 jours avant son décès. L'appelante plaide la captation et l’incapacité de tester du défunt à la date du testament. Le juge de première instance a conclu que même si l’appelante a fait la démonstration prima facie d’un état d’aliénation ou de faiblesse d’esprit, l'intimé a démontré que le testament a été signé au cours d’un intervalle de lucidité.

Le jugement statuant sur une demande en vérification de testament est appelable sur permission seulement alors qu'une action en nullité de testament est appelable de plein droit. Or, les parties semblent s’être entendues implicitement pour mener un litige hybride. Considérant que les arguments de l'appelante portent tous sur la validité du testament au fond, le jugement est exceptionnellement appelable de plein droit.

Pour infirmer un jugement sur une question de fait, il est nécessaire de démontrer l'existence d'une erreur manifeste et déterminante. La prétention voulant que le juge de première instance aurait dû rejeter l’expertise de l’intimé, au motif que son rapport a été préparé en 2012 afin de déterminer l'état d’esprit du défunt en 2010, est rejetée. Le but premier de la consultation n'empêchait pas l'expert de formuler une opinion sur la capacité de tester du défunt au moment de l'évaluation. L’omission du juge de souligner la nature du mandat confié à cet expert ne constitue pas une erreur manifeste et déterminante. Finalement, il n’était pas déraisonnable de tenir compte du fait que les consultations des experts de l’intimé étaient plus contemporaines à la confection du testament que celles des experts de l’appelante.

La prétention voulant que le juge de première instance n'aurait pas dû accorder de valeur au témoignage de l'intimé, étant donné qu'il a frauduleusement antidaté un mandat en cas d’inaptitude dans le but de faire obstacle à la demande d’homologation du mandat de l'appelante, est rejetée puisque cette conduite blâmable a été soupesée. À tout événement, la preuve des témoins ordinaires n'a pas été déterminante pour conclure à la capacité de tester du défunt en 2012, le juge s’étant plutôt fondé sur la preuve d’expert pour tirer cette conclusion. Conclure que les deux témoins n’étaient pas des proches du défunt, alors que l'un d'eux était un cousin de la famille et l'autre, un collègue de longue date, n’invalide pas le testament.

L’appelante n’a pas démontré que la conclusion du juge quant au caractère raisonnable des dispositions testamentaires est entachée d’une erreur révisable. Le fait, pour le défunt, d'écarter son ex-conjointe et de revenir à la désignation de deux de ses enfants et deux de ses petits-enfants comme légataires universels n'est pas déraisonnable au point de mettre en doute sa capacité de tester. Le commentaire du défunt selon lequel il ne voulait pas causer de tort à l'appelante est loin de constituer un engagement formel de lui léguer des biens.

La captation est souvent difficile à établir. Il n’y a pas, en l'espèce, de preuve directe, grave et concordante que l’intimé ou sa soeur ont détourné la volonté du testateur. La complicité du défunt dans la confection du mandat en cas d’inaptitude antidaté tend à démontrer que personne ne s’est emparé de sa volonté au moment où il a signé son dernier testament. Finalement, le fait que le défunt ait choisi d'avantager sa fille adoptée lors de son union avec l'appelante milite en faveur du rejet de l'allégation de captation. Le pourvoi est rejeté sans frais.


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