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Un «fellow» en neuroradiologie d’intervention qui a commis un grand excès de vitesse alors qu’il était en route vers l’hôpital et qui a invoqué une défense de nécessité est acquitté.

Résumé de décision : Montréal (Ville de) c. Ghostine, EYB 2014-243856 (C.M., 1er octobre 2014)
Blogue juridique

Résumé de décision

Le défendeur est accusé d'avoir conduit un véhicule routier à une vitesse de 91 km/h dans une zone où la limite de vitesse est de 50 km/h. Cette infraction que l'on qualifie de «grand excès de vitesse» n'est pas contestée par le défendeur. Ce dernier, qui est «fellow» en neuroradiologie d'intervention, invoque une défense de nécessité. Il était de garde au moment des événements et répondait à un appel concernant une patiente qui souffrait d'une rupture d'anévrisme et dont l'état s'était détérioré.

Il y a trois exigences qui permettent de déterminer si la défense de nécessité peut être admise. Tout d'abord, il doit y avoir une situation urgente de danger imminent et évident. La deuxième exigence est qu'il n'y ait aucune solution raisonnable et légale autre que celle d'enfreindre la loi. La troisième exigence est qu'il y ait proportionnalité entre le mal infligé et le mal évité. La norme en vertu de laquelle ces exigences doivent être évaluées est claire. Pour les deux premières, il s'agit d'une norme objective modifiée, alors que pour la troisième, il s'agit d'une norme purement objective. Quant au fardeau de preuve, si l'accusé fournit suffisamment d'éléments de preuve pour soulever la question, il incombe à la poursuivante de contredire cette preuve hors de tout doute raisonnable. Pour que la défense de nécessité soit invoquée avec succès, le tribunal doit avoir un doute raisonnable sur les trois exigences préalablement identifiées.

En l'espèce, il ne fait aucun doute que la complication survenue chez la patiente du défendeur est une condition médicale sérieuse qui nécessite des soins d'urgence. Le Tribunal est convaincu que le défendeur croyait sincèrement que sa patiente nécessitait des soins d'urgence et qu'elle faisait face à un danger imminent. Cette croyance sincère repose en outre sur des motifs raisonnables, soit la connaissance préalable de la condition de la patiente, en plus des informations obtenues du résident en neurochirurgie, par téléphone.

En ce qui concerne la deuxième exigence, le Tribunal est convaincu que le défendeur croyait sincèrement qu'il n'y avait aucune solution raisonnable et légale autre que celle d'enfreindre la loi. La poursuivante plaide que la nécessité invoquée par le défendeur est variable: ce dernier a choisi de conduire à une vitesse excessive, mais a respecté les feux rouges. Selon elle, si le défendeur a attendu les feux rouges, il pouvait certainement réduire sa vitesse. Cet argument ne peut être retenu. L'objectif du défendeur était de se rendre le plus rapidement possible au chevet de sa patiente. Le défendeur a choisi de conduire rapidement, plus vite que la vitesse permise, mais «prudemment». Aurait-il fallu qu'il enfreigne d'autres normes de sécurité routière pour que sa défense soit acceptée? La réponse est non, bien évidemment. Par ailleurs, l'objectif du défendeur est fondé sur des motifs raisonnables. En effet, la présence du défendeur était requise à l'hôpital par le résident en neurochirurgie. Le défendeur possède une expertise restreinte qui ne pouvait s'exercer qu'à l'hôpital. Il était, avec un autre médecin qui était aussi de garde, mais qui demeurait plus loin que lui, la seule ressource disponible pour répondre à l'urgence. La poursuivante plaide que le fait que le défendeur n'a pas téléphoné à l'hôpital pendant les cinq minutes qu'a duré l'intervention policière fait en sorte que sa défense doit échouer. Cet argument doit être rejeté. Le défendeur a expliqué qu'un tel délai respecte les attentes de l'hôpital et que c'est pour cette raison qu'il n'a pas cru bon de prévenir quelqu'un. La preuve révèle aussi que le défendeur a dit au policier plusieurs fois que le temps pressait.

La troisième exigence exige une pondération entre le mal infligé (excès de vitesse) et le mal évité (lésions neurologiques permanentes chez la patiente). Tout excès de vitesse comporte des risques pour autrui. Cependant, à la lumière des faits mis en preuve au sujet des conditions favorables de conduite et du comportement «prudent» du défendeur, le Tribunal conclut que la troisième exigence est satisfaite. La vitesse excessive du défendeur n'est pas disproportionnée par rapport aux lésions neurologiques permanentes chez la patiente.

Pour ces motifs, le défendeur est acquitté de l'infraction reprochée.

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