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Une amende d’un million de dollars est infligée à une compagnie pour son implication dans le cartel qui contrôlait les prix de vente de l'essence ordinaire dans les marchés de Sherbrooke, Magog et Victoriaville

Résumé de décision : R. c. Pétroles Global inc., EYB 2015-251118 (C.S., 17 avril 2015)
Une amende d’un million de dollars est infligée à une compagnie pour son implication dans le cartel qui contrôlait les prix de vente de l'essence ordinaire dans les marchés de Sherbrooke, Magog et Vic

La défenderesse est une personne morale qui, en raison des gestes de son cadre supérieur, a été reconnue coupable de trois chefs d'accusation de complot pour empêcher ou réduire indûment la concurrence dans la vente au détail de l'essence ordinaire. Les marchés visés étaient ceux de Sherbrooke, Magog et Victoriaville. Trois employés de la défenderesse ont reçu leurs peines après avoir plaidé coupables à des chefs d'accusation de complot.

La peine à infliger à la défenderesse doit tenir compte des principes généraux de détermination de la peine. Les infractions desquelles la défenderesse a été reconnue coupable peuvent uniquement être poursuivies par acte criminel. À l'époque pertinente, ces infractions donnaient lieu à une amende maximale de 10 M$ (l'amende maximale est désormais de 25 M$). Le crime de la défenderesse était principalement motivé par l'appât du gain. Il faut également souligner qu'il concernait l'essence ordinaire, soit un bien difficilement remplaçable. En plus de faire mal à la défenderesse financièrement, l'amende devra répondre aux objectifs de dissuasion, d'exemplarité et de dénonciation. Il devra également y avoir un lien entre le profit illicite et l'amende. Sachant que le taux de détection des cartels varie entre 15 % et 20 %, l'amende optimale au plan économique correspondrait à un montant qui varie entre cinq et sept fois le « surprix ». N'empêche, il n'est pas opportun de fixer l'amende en recourant seulement à un calcul.

L'article 718.21 C.cr. énumère des facteurs particuliers qui doivent être considérés lorsqu'une peine est infligée à une organisation. Les trois premiers facteurs se rapportent à la turpitude morale de celle-ci. La défenderesse a retiré des avantages de la perpétration des infractions : elle a réalisé un « surprofit » estimé à 645 000 $. Le complot était d'une grande envergure et a exigé d'importants efforts de coordination. Qui plus est, il a duré longtemps (deux ans à Victoriaville, 12 à 13 mois à Sherbrooke et Magog). Les trois critères suivants concernent l'intérêt public. La défenderesse est une compagnie solvable qu'il n'y a évidemment pas lieu de rendre insolvable. Il sera donc approprié de moduler le paiement de l'amende. En outre, le genre de crime visé en l'espèce est difficile à détecter : les frais d'enquête se sont chiffrés à 81 465 $ en ce qui concerne la défenderesse (et à 1 330 595 $ pour l'ensemble du cartel). L'un des employés de la défenderesse a écopé d'une amende de 10 000 $. Les deux autres employés ont été condamnés à purger une peine d'emprisonnement avec sursis de 12 mois. L'un de ces deux employés devra également effectuer une donation de 5000 $. Les quatre derniers facteurs à évaluer concernent la réhabilitation, la réadaptation et le risque de récidive. Deux des trois employés qui étaient impliqués dans le complot ne travaillent plus pour la défenderesse. Il en va autrement du troisième employé. Il n'y a eu aucune restitution dans le présent dossier. La défenderesse est néanmoins visée par deux recours collectifs. Bien qu'elle n'ait pas instauré de politique écrite au sujet du respect de la Loi sur la concurrence (la Loi), cette question est désormais abordée lors des rencontres de gestion.

Le tribunal ne dispose d'aucun précédent en l'espèce, à l'exception de peines peu pertinentes qui résultent d'une suggestion commune.

La défenderesse a soutenu que ses actionnaires et ses hauts dirigeants ignoraient tout des infractions. Cela n'est pas susceptible d'avoir un impact sur la peine, étant donné que l'ancienne théorie de l'identification ne s'applique plus. Les gestes du cadre supérieur de la défenderesse ont ici suffi à engager la responsabilité pénale de cette dernière.

Le ministère public suggère une amende variant entre 2,2 M$ et 2,6 M$. De son côté, le procureur de la défenderesse avance que l'amende ne devrait pas dépasser 645 000 $. Cette dernière suggestion est écartée d'emblée, puisqu'elle ne répond aucunement aux objectifs de dissuasion et d'exemplarité.

Vu ce qui précède, le tribunal inflige une amende de 1 M$ à la défenderesse. Un premier versement de 100 000 $ devra être effectué d'ici 30 jours. Le solde sera payable en trois versements égaux de 300 000 $. En outre, le tribunal prononce une ordonnance d'interdiction fondée sur l'article 34 de la Loi, afin d'empêcher la défenderesse et ses employés de poser des gestes qui favoriseraient la répétition de l'infraction.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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