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Le dopage dans le contexte du sport professionnel au sein de la LNH

Par Me Marianne Saroli
Le dopage dans le contexte du sport professionnel au sein de la LNH

Ce texte est extrait d’une chronique publiée dans l’outil de recherche en ligne La référence. Nous profitons de ce début de saison de hockey pour vous offrir le contenu relatif à la LNH.

INTRODUCTION

Le concept du sport « propre » est de plus en plus remis en doute en ce que la prise de substances améliorant la performance athlétique menace son intégrité. Les attentes sont de plus en plus élevées, ce qui peut donner l'impression chez les athlètes que leurs aptitudes naturelles ne suffisent pas pour exceller. Toutefois, des substances améliorant la performance athlétique sont malheureusement offertes pour répondre à ces attentes. Comme le sport est intimement lié au concept de performance, certains sont prêts à tout pour gagner. Cela dit, la consommation de produits dopants constitue une pratique illégale à géométrie variable, selon les règles adoptées par les organismes réglementant le sport et ses athlètes. Quoi qu'il en soit, le dopage n'est pas un phénomène récent, mais très ancien. En effet, déjà en Grèce antique, les athlètes s'assujettissaient à des traitements spéciaux pour devenir plus performants. Ce n'est cependant que vers les années 1920 que le dopage a commencé à faire l'objet de réglementations dans le monde des sports. Depuis, l'encadrement en matière de dopage sportif a beaucoup évolué.

L'une de ces évolutions est la subordination obligatoire au Code mondial antidopage (CMA) par les athlètes professionnels souhaitant devenir membres de leur fédération de sport national et désirant participer aux différents tournois sportifs. En fait, toute épreuve sanctionnée par la fédération internationale doit elle-même se conformer au CMA. Au Canada, les athlètes bénéficiant de soutien financier de Sport Canada ainsi que les athlètes participant au Sport interuniversitaire canadien (SIC) doivent se soumettre aux règles du Centre canadien pour l'éthique dans le sport (CCES).

L'autorité du CCES découle d'ententes entre les parties et ne résulte pas de l'application d'une législation internationale ou nationale, bien qu'il puisse être envisageable qu'elle le devienne éventuellement. Ce système comporte un puissant effet dissuasif pour créer une vigilance auprès des athlètes et pour lutter contre le dopage sportif. Cependant, comme il s'agit d'un système juridique privé et non public, il existe deux limites fondamentales : les parties visées et la sanction.

Puisqu'il s'agit d'un régime de droit privé, les parties visées doivent obligatoirement avoir accepté, tacitement ou expressément, d'être liées aux règles établies par l'Agence mondiale antidopage (AMA). Conséquemment, l'AMA (ou le CCES) n'a aucune juridiction sur les ligues de sport professionnel qui choisissent de ne pas adhérer à son programme antidopage.

De façon générale, les politiques antidopage du sport professionnel se distinguent du sport amateur, notamment parce que la plupart des fédérations sportives internationales sont assujetties à l'application du CMA. Ainsi, les plus grandes exceptions sont les ligues professionnelles, lesquelles développent leurs propres critères qui ne sont pas nécessairement alignés sur ceux de l'AMA. En effet, les ligues professionnelles coordonnent généralement leurs programmes antidopage dans leurs conventions collectives. Au sein des quatre ligues majeures, chacune d'elles utilise des tests distincts pour une variété de substances et les peines sont différentes d'une ligue à l'autre.

Par conséquent, les sports professionnels ont élaboré des politiques de dopage qui leur sont propres puisque les équipes sportives professionnelles sont des entreprises privées et que les athlètes professionnels sont des salariés. Les lois du travail accordent aux employés le droit de se syndiquer et le droit de négocier collectivement leurs conditions de travail. Comme la plupart des sports professionnels en Amérique du Nord ont des associations de joueurs, ils sont assujettis aux lois du travail. Par exemple, la MLB, la LNH, la NFL et la NBA sont soumises à l'application du National Labor Relations Act et le dépistage de drogues peut constituer une condition d'emploi. Les ligues sportives professionnelles et les associations de joueurs doivent collectivement négocier les politiques relatives au dopage.

La ligue professionnelle doit alors s'entendre avec l'Association sur les conditions du programme antidopage qu'elle veut adopter et elle devra habituellement leur donner un avantage en retour, comme l'augmentation du salaire minimum chez les joueurs. De son côté, l'Association des joueurs doit protéger les droits de ses membres et leurs conditions d'emploi, mais aussi s'assurer qu'ils travaillent dans un environnement sécuritaire en développant un programme antidopage efficace.

Or, la popularité des athlètes a exposé au grand public tant leurs exploits sportifs que leurs inconduites, comme la consommation de drogues récréatives ou les contrôles positifs à des substances interdites. Malheureusement, le nombre d'athlètes professionnels ayant fait l'usage de drogues récréatives ou de produits dopants visant à améliorer leur performance a considérablement augmenté au cours des dernières années.

LES POLITIQUES DE LA LNH

Du côté de la LNH, une politique antidopage a été insérée à la convention collective en 2005, suivant le lockout. Par exemple, les joueurs de la LNH sont systématiquement testés deux fois par saison. Durant la saison estivale, la convention collective permet aux dirigeants de la LNH de tester un maximum de 60 joueurs aléatoirement.

Par ailleurs, la convention collective de la LNH possède un programme relatif aux abus de substances et à la santé comportementale (SABH ou substance abuse and behavioural health). C'est l'article 47 de la convention qui couvre l'usage de produits dopants en précisant que les abus de stupéfiants et les problèmes de comportement chez les joueurs peuvent être traités par le SABH. En effet, ce programme offre un traitement progressif qui est adapté aux besoins des joueurs. L'athlète doit d'abord se soumettre à un examen médical et psychologique, qui permettra ensuite d'établir la durée et la nature du traitement.

Selon les termes de la convention collective, une première infraction entraîne une suspension de 20 matchs sans solde accompagnée d'une participation obligatoire au programme SABH institué par la ligue pour une évaluation et de possibles traitements. Une deuxième incartade engendre une suspension de 60 matchs sans solde et une troisième entraîne une suspension permanente. Il est assez exceptionnel qu'un joueur de la LNH soit suspendu pour violation aux règles antidopage de la ligue. L'un des rares exemples remonte au 6 novembre 2014. Carter Ashton, un ancien joueur des Maple Leafs de Toronto, avait été suspendu 20 matchs sans salaire pour avoir enfreint les règlements du programme antidopage après avoir subi un contrôle antidopage positif à du Clenbutérol. Un autre exemple est survenu le 2 septembre 2018 après que la LNH ait suspendu le défenseur des Golden Knights de Vegas Nate Schmidt pour 20 matchs en raison d'une violation à la politique antidopage de la ligue. Comme le prévoit la convention collective, ces suspensions devaient être accompagnées d'une obligation à participer au programme SABH.

Dans un autre ordre d'idées, il importe de faire état de quelques arrestations de joueurs de la LNH ayant fait la manchette au cours des dernières années pour des infractions reliées à la drogue. En avril 2014, l'ancien joueur du Lightning de Tampa Bay Ryan Malone a été accusé de possession de cocaïne et de conduite avec facultés affaiblies. L'affaire s'est soldée par un règlement à l'amiable. L'ancien attaquant des Kings de Los Angeles Jarret Stoll a été accusé en 2015 à Las Vegas de possession de cocaïne, bien qu'il ait plaidé coupable à une infraction moindre.

Spécifions qu'en vertu du SABH, l'athlète est suspendu sans salaire pendant son traitement s'il est déclaré coupable d'une infraction criminelle relativement à une possession de stupéfiants. Subséquemment, il ne pourra réintégrer son milieu de travail que si les médecins l'autorisent. Par exemple, même si Ryan Malone avait conclu une entente à l'amiable, il devait néanmoins se soumettre au SABH.

Selon le vice-président de la LNH, Bill Daly, le nombre de joueurs prenant de la cocaïne est en hausse dans la LNH. La Ligue souhaite ajouter cette drogue à la liste de produits interdits, mais pour ce faire, les joueurs doivent accepter de modifier la convention collective. Ce sujet sera peut-être abordé lors de la négociation collective de la prochaine convention.


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Le dopage en contexte sportif
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À propos de l'auteur

Me Marianne Saroli est avocate en droit civil et sportif. En plus d’exercer en pratique privée, elle a des mandats avec des organisations sportives, notamment avec le Tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne, en Suisse. Passionnée d’écriture et de sport, elle est analyste légale sportive à RDS et collaboratrice au Globe and Mail. Aux Éditions Yvon Blais, elle a publié plus de 70 textes.

Elle donne des formations aux organismes sportifs et elle est souvent conférencière invitée. Par ailleurs, son expertise en droit sportif est régulièrement sollicitée par les médias (RDI, Radio-Canada, 91,9 Sports). Elle est membre du Barreau du Québec depuis 2009.