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L'acheteur des actions d'une société par actions ne peut poursuivre son vendeur sur la base de la garantie légale de qualité si le principal bien faisant partie du patrimoine de la société est atteint d'un vice caché

Par Me Michaël Lévesque, LANE, avocats et conseillers d’affaires inc.
L'acheteur des actions d'une société par actions ne peut poursuivre son vendeur

Ce billet traite de la décision Villa Royale inc. c. Roy (EYB 2016-272859 – Texte intégral), dans laquelle le tribunal pose la question suivante : l’acheteur des actions d’une société par actions peut-il poursuivre son vendeur si le principal bien faisant partie du patrimoine de la société est atteint d’un vice ?

Dans cette décision, le bien faisant l’objet du recours en cause est une résidence pour personnes âgées dont la propriétaire est une société par actions, la société Villa Royale inc.

En 2009, les défendeurs Aline Betty et Michel Roy (les « Vendeurs ») ont personnellement vendu les actions de la société Villa Royale inc. à une autre société par actions, la société Gaston Vachon, notaire inc., laquelle a par la suite fusionné avec Villa Royale inc. La nouvelle entité résultant de la fusion a conservé la dénomination sociale Villa Royale inc.

En 2015, la Régie du bâtiment du Québec informe la propriétaire de la résidence pour personne âgée Villa Royale inc. que son bâtiment est dérogatoire à l’égard de certaines normes statutaires : ce dernier n’étant pas muni de gicleurs automatiques, comme la réglementation applicable en matière de sécurité l’exige.

Alors que les travaux correctifs requis pour rendre l’immeuble conforme à la Loi s’élèvent à 188 284,50 $, la propriétaire de l’immeuble Villa Royale inc. intente un recours en diminution du prix de vente des actions contre les Vendeurs des actions, par lequel elle leur réclame une somme équivalente au montant des travaux correctifs requis pour rendre l’immeuble conforme.

La rédaction de la procédure laisse voir selon le tribunal « tantôt un recours pour vices cachés, tantôt une action en dommages pour vices de construction et tantôt une action en dommages pour vices de consentement ».

Dans cette affaire, le tribunal est saisi d’une demande en irrecevabilité de ce recours fondé sur le fait que les défendeurs (les Vendeurs) ont vendu des actions d’une entreprise et non un immeuble pour lequel on semble faire une réclamation pour des vices cachés.

En tenant compte du fait que les Vendeurs ont vendu les actions de Villa Royale inc., un actif incorporel et non un actif corporel, le tribunal nous rappelle que des actions ne peuvent faire l’objet de la garantie légale de qualité :

[21] Bien que Villa se défende d’avoir déposé une action pour vices cachés, la lecture de cette procédure et la plaidoirie de son procureur s’y apparentent : « …n’aurait jamais payé le prix fixé de 885,000$ pour les actions…», « …a participé activement à la construction de cet immeuble. Il ne pouvait donc pas ignorer les problèmes », et « en réduction du prix de vente des actions ».
[22] Or, par un texte de vente qui ne laisse rien à redire, les vendeurs ont vendu des actions et non un immeuble.
[23] De fait, des actions sont des titres incorporels, « une sorte ¨d’intérêt¨ dans la compagnie qui n’est ni celui d’un propriétaire, ni celui d’une créancier, mais plutôt celui, mesurable en argent, conférant à l’actionnaire certains droits ou intérêts par la loi et les termes d’un contrat (l’acte constitutif) ». Une action est ni un titre de propriété ni une créance sur les biens de la compagnie, mais une unité de son capital-actions.
[24] Ce faisant, puisqu’incorporelle, une action d’une société ne peut être atteinte d’un vice caché puisque la garantie de qualité est conçue pour assurer l’utilité du bien et son usage. Tant la jurisprudence que la doctrine ont écarté l’application des règles de la garantie de qualité pour de tels titres.
[25] La procédure de Villa est irrecevable s’il s’agit d’une action pour vices cachés puisqu’il s’agit d’une vente d’actions et non d’actifs et qu’au surplus, Villa est demeurée propriétaire de l’immeuble depuis sa construction. Cette option est éliminée.

« des actions sont des titres incorporels, « une sorte ¨d’intérêt¨ dans la compagnie qui n’est ni celui d’un propriétaire, ni celui d’une créancier, mais plutôt celui, mesurable en argent, conférant à l’actionnaire certains droits ou intérêts par la loi et les termes d’un contrat (l’acte constitutif) ». Une action est ni un titre de propriété ni une créance sur les biens de la compagnie, mais une unité de son capital-actions. »

Non seulement le tribunal souligne qu’un bien incorporel, en l’occurrence les actions d’une société par actions, ne peut servir de fondement à un recours en vices cachés, mais dans ce cas précis Villa Royale inc., bien que fusionnée à l’Acheteur, est toujours demeurée la propriétaire de l’immeuble faisant l’objet du recours.

Plus particulièrement, ce sont les actions de Villa Royale inc. qui ont été vendues et non l’immeuble, celui-ci n’ayant pas changé de propriétaire. Dans ce contexte, Villa Royale inc. ne peut véritablement poursuivre en vices cachés ses anciens actionnaires (les Vendeurs) qui ont vendu leurs actions relativement à des vices cachés affectant un immeuble pour lequel ils n’en étaient pas propriétaires, celui-ci ayant toujours appartenu à Villa Royale inc.

Considérant que Villa Royale inc. invoque au surplus le vice de consentement en alléguant le dol commis par les Vendeurs lors de la vente de leurs actions à la société Gaston Vachon, notaire inc, le tribunal rejette la demande en irrecevabilité, pour le motif que c’est le juge du fond pourra déterminer, à la lueur de la preuve qui sera présentée, si les Vendeurs ont ou non commis un dol. Au surplus, la demanderesse Villa Royale inc. invoque des vices de construction au niveau de travaux de construction auxquels l’un des défendeurs (Roy) a participé, et pour lesquels il a donné des instructions, ou même géré le chantier. Vu ces affirmations, le tribunal est d’avis qu’il pourrait y avoir responsabilité personnelle potentielle de ce défendeur « pour ne pas avoir respecté les règles de construction d’usage à l’époque ».

« Ce faisant, puisqu’incorporelle, une action d’une société ne peut être atteinte d’un vice caché puisque la garantie de qualité est conçue pour assurer l’utilité du bien et son usage. Tant la jurisprudence que la doctrine ont écarté l’application des règles de la garantie de qualité pour de tels titres. »

En terminant, et nonobstant la non-applicabilité de la garantie légale de qualité à une vente d’actions, le traitement de la non-conformité de l’immeuble découlant de l’absence de gicleurs automatiques sous l’angle d’un vice caché, c’est-à-dire sous l’angle de la garantie légale de qualité de l’article 1726 C.c.Q., est selon nous erroné.

En effet, la non-conformité d’un immeuble à l’égard d’une loi n’est pas couverte par la garantie légale de qualité.

Dans un récent billet publié en date du 15 mai 2017, nous avons souligné qu’une dérogation à une norme ne constitue pas automatiquement un vice caché au sens de la garantie légale de qualité édictée à l’article 1726 C.c.Q. puisque la garantie légale de qualité assure/garantit l’usage physique du bien. Plus particulièrement, « la preuve doit donc démontrer de manière prépondérante que la jouissance paisible de l’immeuble est compromise, ou que son utilité est en péril en raison de la présence du vice» et que « sans cette démonstration, le recours en vice caché doit échouer ». Plus particulièrement, la garantie légale de qualité couvre le déficit d’usage d’un bien causé par un vice caché.

Il faut ainsi distinguer le déficit d’usage du déficit d’ordre juridique, qui se veut quant à lui une non-conformité/une violation à l’égard d’une norme de droit public s’appliquant au bien vendu.

Une non-conformité/une violation d’un bien, tel un immeuble, à l’égard d’une norme de droit public n’affectera en principe son usage/son utilisation physique.

Plus particulièrement dans cette affaire, on ne pouvait prétendre que la non-conformité en cause, c’est-à-dire l’absence de gicleurs, avait pour effet d’empêcher l’utilisation/l’usage physique de l’immeuble à titre de résidence pour personnes âgées.

Bien que le tribunal semble la traiter sous l’angle du vice caché, la présence d’une contravention/d’une violation à une limitation de droit public, comme c’est le cas en l’espèce avec l’absence de gicleurs automatiques, est une problématique qui se devait d’être traitée non pas sous l’angle de la garantie légale de qualité de l’article 1726 C.c.Q., mais plutôt sous celui de la garantie légale du droit de propriété contre les violations à l’égard des limitations de droit public de l’article 1725 C.c.Q., qui se lit ainsi :

1725. Le vendeur d’un immeuble se porte garant envers l’acheteur de toute violation aux limitations de droit public qui grèvent le bien et qui échappent au droit commun de la propriété.
Le vendeur n’est pas tenu à cette garantie lorsqu’il a dénoncé ces limitations à l’acheteur lors de la vente, lorsqu’un acheteur prudent et diligent aurait pu les découvrir par la nature, la situation et l’utilisation des lieux ou lorsqu’elles ont fait l’objet d’une inscription au bureau de la publicité des droits.

Les garanties des articles 1725 et 1726 C.c.Q. ayant des conditions et des finalités distinctes, on ne peut pas parler d’un vice caché lorsqu’on est en présence d’une non-conformité/d’une violation à l’égard d’une limitation de droit public qui affecte un bien, puisque cela n’est pas couvert par la garantie légale de qualité : celle-ci ne couvrant que l’atteinte à l’usage physique/le déficit d’usage causé par un vice, ce que n’entraîne pas une seule non-conformité/violation à l’égard d’une norme de droit public, tel un règlement en matière de sécurité imposant la présence de gicleurs automatiques.

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