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Affaire Red Label -- Les détenteurs de droits quant à des métaéléments (meta-tags) voient rouge

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Blogue juridique

La Cour fédérale rendait récemment une décision se prononçant sur la légalité pour une entreprise de copier les mots-clés et les métaéléments (en anglais, meta-tags) du site Web d'un concurrent, pour intégration dans son propre site. En définitive, la Cour fédérale affirme dans sa décision relative à l'affaire Red Label Vacations que la copie des métaéléments d'un tiers ne sera généralement pas génératrice de responsabilités, et ce, que ce soit en matière de marque de commerce ou de droits d'auteur.

La décision en question est celle de Red Label Vacations Inc. (redtag.ca) v. 411 Travel Buys Limited (411travelbuys.ca), 2015 FC 19 (CanLII).

Cette décision s'insère dans un débat remontant aux débuts des affaires en ligne, à savoir dans quelle mesure les métaéléments qu'on insère dans le code HTML d'un site Web (code invisible pour un visiteur du site Web, en temps normal) peuvent ou non être un geste fautif du point de vue de la propriété intellectuelle.

Dans cette affaire, le demandeur (une agence de voyages exploitée en ligne) s'est plaint du comportement qu'on pourrait qualifier de parasitaire d'un concurrent ayant copié les métaéléments de son site Web.

Le premier chef de réclamation à ce sujet a trait aux droits d'auteurs que le demandeur 411 Travel Buys prétendait détenir dans ses métaéléments. Le tribunal refusera finalement de donner droit à cette réclamation de contrefaçon, en affirmant au passage qu'il sera généralement peu probable que des métaéléments du genre de ceux dont on est en présence ici puissent réellement faire l'objet de droits d'auteurs.

En effet, étant presque exclusivement composé de mots-clés communs à l'industrie dont il est question (l'industrie du voyage, en l'occurrence), le tribunal conclut ici qu'il n'y a pas eu suffisamment de créativité dans le choix ou la préparation des éléments visés. Selon le tribunal, l'absence de créativité exercée en créant les métaéléments visés ne satisfait pas les critères qu'énonce la jurisprudence (dont l'arrêt de la Cour suprême CCH Canadian Ltd c. Law Society of Upper Canada) pour pouvoir les qualifier de véritables oeuvres originales au sens de la Loi sur le droit d'auteur. Puisque l'on n’était pas en présence d'une oeuvre suffisamment originale, au sens de la loi, la copie n'était pas ce que l'on pourrait qualifier de contrefaçon et le recours ayant trait aux droits d'auteur doit, donc, être rejeté sur cette base.

Toujours quant aux droits d'auteur, le tribunal continue néanmoins en affirmant que même si les métaéléments avaient été des oeuvres protégées par des droits d'auteur, l'ampleur de la copie par le défendeur dans cette affaire n'était pas suffisante pour considérer que légalement, il y ait eu ici contrefaçon. Plusieurs critiquent d'ores et déjà cette décision à ce sujet, compte tenu des faits, des critères et de l'analyse qu'applique le juge dans sa décision pour affirmer qu'il n'y avait pas ici de reproduction d'une partie substantielle de l'oeuvre originale. À tout événement, cependant, le recours quant à la question des droits d'auteur est bel et bien rejeté.

Le second chef de réclamation se rapportant à cette affaire avait trait à l'aspect des marques de commerce, alors que le site Web du défendeur comprenait à dessein des métaéléments (non visibles pour l'internaute, en temps normal) référant directement aux marques de commerce ou aux noms commerciaux du concurrent. En telle situation, la question se posait, en droit, à savoir s’il y avait alors un problème relatif aux droits quant aux marques du concurrent ou encore, à tout le moins, au délit de substitution (en anglais, passing off). La Cour fédérale répondra par la négative à ces deux questions, en affirmant que, dans les faits de cette affaire à tout le moins, l'inclusion de marques de commerce d'un tiers dans ses métaéléments et mots-clés ne constitue pas de la contrefaçon de ces marques. Qui plus est, le tribunal précisera ici qu'un tel comportement n'équivaut pas non plus à un délit de substitution, ni que cela a pour effet de diminuer l'achalandage relié aux marques de commerce visées.

Selon le tribunal, il n'existe pas de risque de confusion issue du simple fait de faire en sorte que les résultats de recherche sur un moteur de recherche soient énumérés avec ceux d'un détenteur de marque de commerce. Le seul résultat est que les consommateurs ont alors un choix à faire entre deux prestataires de services, tels qu'identifiés par les résultats de recherche, un choix qui n'emportera normalement ni délit de substitution ni confusion (donc pas de violation de la Loi sur les marques de commerce).

Étrangement, le tribunal, ici, refuse aussi la réclamation en vertu de l'article 22 de la Loi sur les marques de commerce, en se justifiant par son interprétation voulant que la jurisprudence exige l'emploi de la marque telle qu'enregistrée. En obiter, le juge mentionne de toute façon que même s’il y avait eu un tel usage, l'invisibilité de l'usage en question aurait à elle seule fait rejeter ce recours.

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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