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Envoi non autorisé de photos intimes : oui, même au nouveau conjoint, c’est une faute civile

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Envoi non autorisé de photos intimes : oui, même au nouveau conjoint, c’est une faute civile

La Cour supérieure entendait récemment une affaire civile issue d’un cas de transmission de photos intimes d’une requérante, sans son consentement.

La décision N.G. c. F.B. (2017 QCCS 5653) repose sur une trame de faits impliquant un ex-conjoint du sujet de photographies intimes qui en transmet copie à autrui, par Internet. En telles circonstances, en vertu du droit québécois, la victime dispose-t-elle d’un recours ?

Bien qu’une infraction pénale visant ce genre de comportement existe désormais au Canada, l’affaire dont il est ici question est campée dans un contexte de droit de la responsabilité civile (extracontractuelle) qu’impliquerait un tel comportement. Si un tel geste constitue une faute civile (c.-à-d. au sens de l’art. 1457 C.c.Q.), alors le sujet des photos en question peut disposer d’un recours contre celui qui diffuse ainsi sans droit sa photo, même à défaut de ce qu’on pourrait qualifier de « publication » comme telle. La question qui se pose ici en est donc une de « faute » du défendeur (c.-à-d. avoir fait quelque chose qu’une personne raisonnable n’aurait pas fait, en sachant qu’un préjudice pourrait en découler). Dans ce cas-ci, on parlait notamment d’une faute vu l’atteinte au droit à la vie privée et à la dignité de la requérante, laquelle n’avait évidemment jamais consenti à un tel usage de ses photos d’elle nue.

Selon la demanderesse, non seulement y avait-il eu faute, mais aussi plusieurs formes de préjudices (dont du stress, etc.) en résultant, ce qui donnait ouverture à des dommages-intérêts, qu’elle chiffrait à 40 000 $.

Le défendeur quant à lui niait avoir posé le geste reproché dans le but de nuire à la requérante. Malheureusement pour lui, en droit civil, peu importe l’intention qui l’animait au moment d’expédier les photos, c’est le geste qui compte, joint à la connaissance qu’un tort risquait d’en résulter pour le sujet des photos en question.

Dans son jugement du 24 octobre dernier, le juge Villeneuve se dit d’accord que l’envoi de photos montrant la requérante nue à autrui s’avère générateur de responsabilité. De façon générale, on pourra donc retenir de cette affaire qu’une transmission de photos intimes (sans le consentement du sujet) peut s’avérer une faute civile, donnant ainsi ouverture à un recours en responsabilité civile, pour peu qu’un préjudice en découle.

Ici, d’ailleurs, les faits spécifiques de l’affaire en comprenaient au moins deux susceptibles d’avoir influé sur la décision du juge voulant que le comportement du défendeur s’avère fautif, incluant le fait que :

  • Lors des événements, le défendeur avait insinué qu’il avait carrément publié les photos en question sur Internet, contribuant ainsi à créer un climat de panique et de détresse psychologique chez la demanderesse ; et
  • Les manœuvres du défendeur avaient notamment pour but de convaincre la demanderesse d’accepter une offre de règlement dans une instance familiale alors en cours entre les parties.

Malheureusement pour la réclamation pécuniaire de la demanderesse, par contre, on doit aussi prendre en compte ici le fait que le seul et unique destinataire des photos en question avait été le nouveau conjoint de la requérante et non un étranger. Cette absence d’une diffusion vers autrui, au-delà de ce seul et unique destinataire, permet au juge de limiter l’octroi de dommages à 10 000 $, dont 7 000 $ en dommages moraux et 3 000 $ en dommages punitifs.

L’avenir nous dira quel traitement offriront nos tribunaux civils dans les cas de diffusion de photos de sujets nus à des tiers, voire à la grandeur d’Internet.

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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