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Un tribunal le répète : au Québec, nier qu’on a reçu un courriel ne suffit plus de nos jours

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Un tribunal le répète : au Québec, nier qu’on a reçu un courriel ne suffit plus de nos jours

Dans une affaire récente en matière de contrats de service, les tribunaux ont à nouveau eu l’opportunité de réitérer que le mode de communications qu’est le courriel s’avère généralement désormais un mode sur lequel on peut compter. La Cour du Québec rendait en effet, le 9 janvier dernier, une décision dans l’affaire Devmar Développement de marchés international inc. c. Cellulaire 3D inc. (2018 QCCQ 53), dans laquelle la question de la réception de courriels échangés entre les parties se révèle déterminante quant à une partie du litige. En effet, au fil du temps, certains avis et certaines communications auraient été échangés entre les parties, parfois verbalement, parfois par lettre, parfois par courriel. Résultat : il n’est pas clair que le contrat en question a été renouvelé.

Comme dans l’affaire Philippe Faure inc. c. Bouhous (dont nous traitions récemment), la décision ici vient appliquer les articles 3 et 31 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (la « Loi »), particulièrement en ce qui a trait à la mesure dans laquelle on peut présumer qu’une communication expédiée par courriel a été faite régulièrement et, donc, qu’on devrait présumer sa réception par le destinataire.

La question en litige ici touchait une réclamation de Devmar Développement de Marchés International inc. (« Devmar ») pour 15 000 $ qui lui seraient dus par Cellulaire 3D inc. (« Cellulaire 3D »), en vertu d’un contrat de service. Alors que Devmar prétend au renouvellement du contrat au fil du temps, Cellulaire 3D, elle, prétend plutôt qu’il n’y a pas eu renouvellement automatique puisqu’elle a fait part de son intention de mettre fin à l’entente à l’autre partie. En somme, si le contrat avait été renouvelé, les frais de service étaient exigibles, à défaut non.

Devmar nie avoir reçu certains courriels de Cellulaire 3D, lesquels auraient influé sur le renouvellement de l’entente. À ce sujet, citant la Cour d’appel dans l’arrêt de 2012 Services financiers Paccar ltée c. Kingsway, compagnie d’assurances générales, le tribunal vient rappeler que nier la connaissance d’un courriel ne suffit pas pour renverser la présomption que prévoit désormais notre Loi. Pour ce faire, il faudrait apporter une preuve suffisante qui dépasse le simple fait de nier qu’on a reçu le courriel en question. Voilà, c’est (re)dit : à moins d’une anomalie ou d’une situation particulière, on peut présumer qu’une partie reçoit généralement ses courriels.

Malgré cette conclusion, l’application de la clause de renouvellement au contrat s’avère fatale au dossier de Cellulaire 3D. La décision condamne en effet ultimement Cellulaire 3D à payer les frais réclamés par Devmar, en grande partie parce que Cellulaire 3D a fait défaut de respecter les exigences formelles (prévues dans ce contrat de service), lorsqu’elle a avisé Devmar de son intention de ne pas acquiescer au renouvellement. Puisque les parties avaient pris la peine d’exiger un avis par écrit à cette fin, le prétendu avis verbal qui a été donné ne saurait constituer un véritable avis au sens de l’entente. Encore aujourd’hui, le respect des règles de formalisme que s’imposent les parties (au moment de contracter) peut se révéler essentiel pour que certains gestes soient jugés valablement posés. Ce faisant, l’entente s’est renouvelée et les frais de service visés sont exigibles.

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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