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L’avis et son rôle clé en matière d’actions collectives

Par Me Shaun Finn, BCF, Avocats d’affaires
L’avis et son rôle clé en matière d’actions collectives

 

I. L’importance de l’avis aux membres du groupe

Selon l’article 571 C.p.c., « [l’]action collective est le moyen de procédure qui permet à une personne d’agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres d’un groupe dont elle fait partie et de le représenter » (nos italiques). La qualification « sans mandat » n’est pas sans conséquence. Elle annonce que cette procédure permet à une personne, le représentant, de plaider pour autrui, les membres du groupe, à condition qu’elle obtienne une autorisation préalable.

Comme les membres du groupe ne sont pas sollicités afin d’accorder un mandat au représentant du groupe, il est essentiel qu’ils soient mis au courant d’une action envisagée, autorisée, accueillie ou réglée qui pourrait avoir une incidence sur leurs droits. D’où l’importance primordiale de l’avis.

En effet, selon la Cour d’appel de l’Ontario, la Cour d’appel du Québec et la Cour suprême du Canada, un avis inadéquat peut avoir des conséquences juridiques importantes1.

I. Le nouveau Guide sur les avis aux membres

Récemment, le Comité sur l’action collective du Barreau du Québec a rédigé un Guide sur les avis aux membres. Ce guide, qui est maintenant disponible en ligne2, explique comment les divers avis exigés par le Code de procédure civile devraient être conçus et rédigés. Le document est le fruit d’une longue discussion qui a eu lieu dans le domaine des actions collectives concernant l’efficacité des avis traditionnels, souvent rédigés dans un langage dense et complexe et publiés dans les grands journaux, face aux attentes d’un public de plus en plus pressé, technologiquement calé et branché sur les médias sociaux.

Dans un premier temps, le Guide explique qu’un avis est publié principalement dans trois circonstances :

1° pour [apprendre aux membres] qu’une action collective a été autorisée et qu’ils ont le droit de s’exclure du groupe ;

2° pour les informer qu’une transaction intervenue avec le défendeur sera soumise à l’approbation du tribunal et qu’ils ont le droit de s’y opposer ;

3° pour les informer qu’ils peuvent soumettre une réclamation selon le processus ordonné par le tribunal3.

Des avis peuvent également s’avérer nécessaires dans d’autres cas où les droits des membres du groupe pourraient être touchés. De plus, l’article 581 C.p.c. précise que « [l]e tribunal peut, en tout temps au cours de la procédure relative à une action collective, ordonner la publication ou la notification d’un avis aux membres lorsqu’il l’estime nécessaire ».

Dans un deuxième temps, le Guide souligne l’importance de tenir compte du contexte particulier de l’action collective en cause. Au lieu de choisir une méthode de publication ou de distribution d’avis consacrée par les us et coutumes, les avocats devraient plutôt s’interroger sur le moyen le plus approprié pour rejoindre, susciter l’intérêt et bien informer les membres du groupe. Ces moyens peuvent inclure : a) une lettre ou un courriel transmis directement aux membres ; b) une annonce dans un journal ; c) un affichage dans un lieu public ; d) un message télédiffusé ; e) un message radiodiffusé ; f) une page affichée sur un site Internet, et même g) une vidéo diffusée sur YouTube4.

Enfin, le Guide insiste sur l’importance de rédiger l’avis « en termes clairs et concis »5. Le Guide ajoute que le texte de l’avis « doit être adapté aux destinataires et ceux-ci doivent [s’en] sentir interpellés ». Toutefois, « le message devra se faire dans le respect des droits et obligations des parties, et ne devra porter atteinte à la réputation du défendeur »6.

I. L’utilité du nouveau Guide

La parution du Guide est bienvenue, car celui-ci place l’avis aux membres dans le contexte du nouveau C.p.c. tout en formulant des recommandations utiles et fournissant des exemples concrets. S’inspirant sûrement de l’article 581 C.p.c., ses auteurs ont été à la fois clairs et concis dans leurs propos, s’en tenant à l’essentiel.

Il ne fait aucun doute qu’une approche plus réaliste à l’avis est nécessaire afin de réaliser l’économie judiciaire, l’accès à la justice et la modification de comportements. L’article 18 C.p.c., qui exige que les démarches des parties soient « proportionné[e]s à la nature et à la complexité de l’affaire », impose lui aussi un devoir de pragmatisme et de rigueur. Or, un avis qui n’est pas susceptible d’informer les membres du groupe de leur droit de s’exclure d’une procédure, de s’opposer à un règlement ou d’effectuer une réclamation n’est qu’une pure formalité et porte atteinte à l’économie du régime d’actions collectives. Dans ce régime, la notification est en quelque sorte la contrepartie procédurale au délaissement du principe selon lequel nul ne peut plaider pour autrui.

Encore faut-il, cependant, que l’avis respecte les droits de la partie défenderesse en utilisant un langage qui n’est pas exagéré ou culpabilisant et en n’imposant pas des coûts de publication, d’affichage ou de distribution déraisonnables. De plus, bien qu’ils puissent innover, les avocats ne sauraient s’entendre sur l’affichage d’une annonce risquée qui porterait atteinte à la dignité de la profession ou qui lui donnerait un caractère de lucre.


1 Currie v. McDonald's Restaurants of Canada Ltd., 2005 CanLII 3360 ; Hocking c. Haziza, 2008 QCCA 800 ; Société canadienne des postes c. Lépine, [2009] 1 R.C.S. 549.
2 http://www.barreau.qc.ca/pdf/listes-registres/guide_avis_membres_actioncollective.PDF.
3 Ibid., p. 5.
4 Ibid., p. 7.
5 Ibid., p. 8.
6 Ibid.

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© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.

À propos de l'auteur

Shaun E. Finn

Shaun E. Finn
Avocat, BCF, Avocats d’affaires

Shaun E. Finn est un avocat du service montréalais du litige de BCF et coresponsable de l'équipe stratégique en défense d’actions collectives du cabinet. Sa pratique comprend des dossiers complexes en litige commercial et en actions collectives.

Après avoir été stagiaire et auxiliaire juridique à la Cour d’appel du Québec, en 2004, Me Finn a plaidé au Tribunal administratif du Québec, à la Cour municipale, au Tribunal canadien du commerce extérieur, à la Cour supérieure du Québec, à la Cour d’appel du Québec, et à la Cour d’appel fédérale.

Dans le cadre de son travail en actions collectives, Me Finn a représenté des sociétés et institutions défenderesses dans les secteurs de la responsabilité de produits, des sinistres collectifs, de la protection des consommateurs, du respect de la vie privée et des valeurs mobilières. Il a été cité par divers tribunaux, dont la Cour supérieure du Québec, la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, la Cour d’appel du Québec et la Cour suprême du Canada. Il a également été interviewé par Law Times, Investment Executive et par National pour faire valoir son point de vue sur les tendances nationales en matière d’actions collectives.

Me Finn a écrit deux ouvrages portant sur le recours collectif :

Recours singulier et collectif : Redéfinir le recours collectif comme procédure particulière
(Montréal : Yvon Blais, 2011)

Class Actions in Quebec: Notes for Non-residents
(Montréal : Carswell, 2014)

Il prépare actuellement une deuxième édition de Recours singulier et collectif, dont la publication est prévue au printemps de 2016.

Me Finn est auteur collaborateur de Defending Class Actions in Canada (2e, 3e et 4e éd.) et a publié plusieurs articles juridiques dans la Revue du Barreau canadien, le Revue canadienne des recours collectifs, la Revue générale de droit, Développements récents, Class Action Defence Quarterly, La référence et le blogue juridique des Éditions Yvon Blais (une société Thomson Reuters).

Me Finn enseigne également en matière d’actions collectives à la Faculté de droit de l’Université McGill à titre de chargé de cours.

Me Finn est titulaire d’un B.C.L. et d’un LL.B. de l’Université McGill, ainsi que d’un LL.M de l’Université Laval. Avant ses études en droit, il a obtenu un B.A en Société et culture occidentales au Liberal Arts College de l’Université Concordia, et a terminé des études de cycle supérieur en journalisme (Dip. Journ.) et en littérature anglaise (M.A.).