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La valeur des pertes non pécuniaires subies par la victime d’une chute sur un trottoir est évaluée à 80 000 $

Hébert c. Montréal (Ville de), EYB 2016-270088 (C.S., 6 septembre 2016)
La valeur des pertes non pécuniaires subies par la victime d’une chute sur un trottoir est évaluée à 80 000 $

Alors qu'elle se promenait, par une matinée ensoleillée, la victime demanderesse, une femme de 59 ans, a subi une chute en mettant le pied dans une ouverture importante se trouvant en bordure du trottoir. Elle réclame une indemnité de 215 120 $ à la Ville défenderesse.

L'agent technique en génie municipal, mandaté par la Ville pour lui faire rapport, a visité les lieux de l'accident la journée même. Il témoigne que l'ouverture serait vraisemblablement survenue pendant l'hiver lors d'une opération de déneigement. Celle-ci a une largeur de neuf pouces, une longueur de 11 pieds et comporte une dénivellation totale de six pouces de la surface du trottoir à la rue. Étant donné le flux important de piétons circulant à cet endroit, le risque élevé de bris par la machinerie utilisée lors des déneigements et l'absence de système adéquat permettant la détection de ceux-ci, la Ville aurait pu faire preuve d'une plus grande vigilance. L'agent technique a conclu qu'aucune intervention particulière n'était nécessaire et que le trou n'était pas dangereux. Or, la dimension de celui-ci contredit ses affirmations. Il ne peut résulter de la conséquence d'une usure normale, comme il le soutient. Ses arguments principaux pour justifier l'absence de réparation antérieure et à venir, soit le risque de la survenance d'un nouveau dommage, et la considération financière liée à l'importance du nombre de trous similaires dans l'arrondissement, n'ont pas de valeur. Si les déneigeurs ne peuvent accéder à cette rue par la ruelle sans occasionner de dégâts, la Ville devrait leur interdire d'emprunter ce chemin. Du reste, elle pourrait échelonner les réparations à être envisagées par ordre de priorité sur une période donnée. Elle pourrait également marquer la chaussée à l'aide de peinture de couleur vive pour mettre en évidence les ouvertures les plus dangereuses. Celle en cause était dangereuse et représentait un risque important pour la sécurité des piétons. La Ville n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. Aucune des justifications invoquées ne permet d'écarter sa responsabilité.

Il n'est pas possible de retenir que le trou était caché par l'ombre projetée sur le trottoir par les voitures stationnées sur la rue. Les photos mises en preuve sont contradictoires sur cette question. Il est, toutefois, manifeste que la dénivellation considérable de l'ouverture dans la bordure n'était pas si apparente. Il est très probable que la victime n'ait pas remarqué la situation des lieux auparavant, bien qu'il s'agisse d'un parcours qu'elle a l'habitude d'emprunter. Une personne qui circule sur le trottoir porte généralement son champ de vision directement devant elle. Le fait que le trou se trouve au bord du trottoir rend moins apparent, dans une certaine mesure, le danger qu'il représente. La victime marchait devant deux de ses collègues de travail. Les sandales qu'elle portait au moment des événements ne sont pas en cause. Considérant les dimensions de l'ouverture, quiconque mettrait le pied dans la dénivellation perdrait, à tout le moins, l'équilibre, peu importe ses chaussures. Il est certain que la victime n'avait pas à se concentrer de façon démesurée sur chacun de ses pas. Il aurait, cependant, été plus prudent de porter attention, à intervalles réguliers, à l'endroit où elle posait les pieds, sachant que les trottoirs ne sont pas exempts d'imperfections. Vu l'endroit où elle marchait, à l'extrémité gauche du trottoir, le trou aurait dû lui être visible. Elle a manqué de vigilance et a, par le fait même, commis une faute contributive. Compte tenu de sa négligence à percevoir le danger, elle doit supporter 30 % de ses dommages.

La victime a subi une fracture de la hanche droite. Elle a été hospitalisée pendant quatre jours et a séjourné dans un centre de réadaptation pendant 20 jours. Son incapacité totale temporaire (ITT) a duré six mois. Une incapacité partielle permanente (IPP) de 15 % persiste. Elle ne peut plus sauter, elle doit se tenir pour monter les escaliers, certains de ses mouvements sont plus limités, de même que la possibilité d'accomplir ses tâches domestiques et de pratiquer ses activités sportives. Elle ressent toujours une certaine douleur dans différentes circonstances et demeure avec une légère boiterie. Une cicatrice résultant de l'intervention chirurgicale subie est également présente. La Ville soumet des décisions dans lesquelles des indemnités plus ou moins élevées ont été accordées. Le tribunal a pris l'initiative de repérer des causes comparables au cas à l'étude dans lesquelles des sommes plus importantes ont été octroyées. Ainsi, dans la décision A. (E.) c. Barsalou, EYB 2011-199716, c'est un montant de 90 000 $ (101 378 $ indexés au taux de juillet 2016 selon la Fiche quantum - Préjudice corporel de cette décision) qui a été accordé pour pertes non pécuniaires à une femme âgée de 62 ans, s'étant fracturé la hanche à la suite d'une chute et présentant une IPP de 11 %. Au même chef de réclamation, dans l'affaire Briand c. Duguay, REJB 1996-84888, un homme de 65 ans, conservant une IPP de 19 % résultant de fractures du bassin et d'une hanche, a obtenu 62 500 $ (93 996 $ indexés au taux de juillet 2016 selon la Fiche quantum - Préjudice corporel de cette décision). Tout bien considéré, les pertes non pécuniaires de la victime, dans le présent dossier, sont évaluées à 80 000 $. Quant à ses pertes pécuniaires, elles sont admises à la somme de 20 000 $.

Pour ces motifs, la Ville est condamnée à verser 70 000 $ à la victime.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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