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Une indemnité de 200 000 $ est octroyée à une patiente et son conjoint en raison des fautes commises par le personnel infirmier et des médecins lors d’une césarienne

Résumé de décision : Roy c. Mout, EYB 2015-251191 (C.A., 23 avril 2015)
Blogue juridique

La patiente a donné naissance à son deuxième enfant, par césarienne, au centre hospitalier défendeur, le CHUM Saint-Luc. Elle a obtenu son congé après trois jours d'hospitalisation. Deux jours plus tard, elle a quitté son domicile en ambulance en raison d'une douleur aiguë au dos et d'oedèmes aux jambes et aux bras. Elle a alors été admise à l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins (BMP). Après deux jours, elle a été transférée au CHUM Saint-Luc, où il a finalement été découvert qu'une bactérie, le staphylocoque doré (staphylococcus aureus), s'était infiltrée dans son sang lors de l'intervention chirurgicale et s'était, par la suite, logée dans l'articulation sacro-iliaque, lui occasionnant une arthrite septique et une sacro-iliite, dont elle garde de douloureuses et restrictives séquelles. Son conjoint et elle, tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de tuteurs de leurs deux enfants mineurs, ont donc entrepris un recours en responsabilité médicale contre les intimés, soit les deux centres hospitaliers impliqués et les dix médecins rencontrés à la suite de la césarienne et l'hospitalisation à l'hôpital BMP quelques jours plus tard. Leur requête ayant été rejetée en première instance, ils se pourvoient.

La juge de première instance a retenu que certaines négligences avaient été commises lors de l'hospitalisation de la patiente à l'hôpital BMP, mais qu'il n'y avait pas de lien causal entre ces manquements et les dommages. Notamment, en ce qui a trait à l'omission de la Dre Mout, qui avait la responsabilité de la patiente à la suite de son admission, d'administrer plus promptement une antibiothérapie. Les intimés ont raison de plaider que c'est à bon droit que la juge ne s'est pas fiée au témoignage d'une des témoins expertes entendues établissant que plus un médecin attend pour administrer les antibiotiques, plus il y a de risques de conséquences irréversibles. Non seulement cette experte n'avait aucune connaissance des séquelles conservées par la patiente, mais en plus son analyse ne reposait que sur des hypothèses qui ne pouvaient rendre probables les conclusions limitées qu'elle proposait. Tout au plus, la Dre Mout aurait commencé l'antibiothérapie une journée avant qu'elle ne soit administrée au CHUM St-Luc. L'expert des intimés a soulevé le fait qu'une administration plus précoce n'aurait rien changé et n'aurait vraisemblablement pas permis d'éviter les conséquences de l'arthrite septique. Selon lui, comme les tests n'ont pas révélé d'évidence majeure de destruction articulaire, qu'il n'y a pas eu de développement d'un abcès ni de complications subséquentes, le processus destructeur engagé par la bactérie ne devait pas être en place depuis si longtemps. Il faut donc conclure qu'il a été maîtrisé suffisamment rapidement. Par conséquent, la conclusion de la juge de première instance quant à l'absence de lien de causalité entre le retard à administrer l'antibiothérapie et le préjudice corporel n'est entachée d'aucune erreur déterminante.

Il a aussi été déterminé en première instance que des fautes avaient été commises par le personnel hospitalier du CHUM avant que la patiente n'obtienne son congé à la suite de sa césarienne, de même que par les membres du personnel de l'hôpital BMP lors de son hospitalisation deux jours plus tard, mais que celles-ci n'avaient pas engendré le préjudice corporel. Cette conclusion n'est pas contestée. Les appelants allèguent plutôt que l'ensemble des manquements retenus a eu pour effet de leur causer un important préjudice moral. Au total, pas moins de dix-sept fautes successives ont été commises par différents médecins et infirmiers. Il n'est pas surprenant, dans ces circonstances, que la patiente affirme ne pas avoir été prise au sérieux et avoir cru qu'elle allait mourir. Les multiples manquements constatés par la juge de première instance sont, à n'en pas douter, à l'origine des souffrances morales et des craintes des appelants. Les dommages moraux qu'ils ont subis ne dépendent aucunement du préjudice corporel occasionné à la patiente. La juge ne les a d'ailleurs pas condamnés au paiement des dépens après avoir conclu qu'ils avaient de bonnes raisons de se questionner quant à la responsabilité des intimés en raison des nombreuses fautes révélées par la preuve. Elle a cependant commis une erreur manifeste et déterminante en ne considérant pas les dommages moraux des appelants comme une conséquence directe de ces fautes.

Les parties se sont entendues quant au quantum des dommages. L'admission a été réalisée en cours d'instance au regard de la réclamation détaillée des appelants telle qu'elle se trouvait alors et qui englobait tous les dommages qu'ils prétendaient avoir subis. Les intimés n'ont pas jugé utile, à ce moment, d'exiger que les dommages moraux soient précisés. Ils sont mal venus de le requérir maintenant. Leur admission constitue un contrat judiciaire qui lie le tribunal. Il n'y a toutefois pas de lien de causalité entre les réclamations pécuniaires et celles liées au préjudice corporel.

La patiente était en bonne santé au moment de son hospitalisation en vue de son accouchement. Elle a été infectée par une bactérie virulente qui, en se logeant dans son articulation sacro-iliaque, lui a laissé des séquelles importantes et douloureuses. Elle a souffert énormément et ressent toujours des douleurs. Elle demeure grandement handicapée. Les fautes des intimés lui ont fait vivre des périodes de grandes angoisses et de stress qui ont nui à sa qualité de vie. Elle a cru que sa mort était imminente, vécu divers troubles et inconvénients et subi une perte de jouissance de la vie. Elle a droit à la somme de 150 000 $ admise pour l'ensemble de ses dommages moraux.

Les faits étant survenus pendant la période des fêtes, ce temps de l'année est désormais pénible pour le conjoint de la patiente. Les souvenirs de son épouse souffrante lui reviennent en mémoire. Il a vécu des moments d'angoisse extrême, il a eu peur de perdre sa femme et a dû prendre en main la situation pour s'assurer qu'elle était bien traitée lors des hospitalisations. Le montant admis de 50 000 $ pour couvrir ses dommages moraux est accordé.

Force est de reconnaître que les deux enfants de la patiente subissent plusieurs inconvénients en lien avec le handicap limitant de leur mère. Or, aucune preuve n'est venue établir comment ils auraient vécu ces perturbations. Cette réclamation est rejetée.

Les membres fautifs du personnel infirmier des centres hospitaliers n'ont pas été poursuivis personnellement. Bien qu'ils n'aient commis aucune faute, l'hôpital BMP et le CHUM St-Luc sont tenus responsables à titre de commettants pour les dommages moraux occasionnés par leurs préposés. Leur condamnation est toutefois in solidum.

Les Dres Mout, Dupuis, McGee et Durand ont commis une suite de fautes successives qui ont toutes contribué au préjudice moral dont les appelants ont souffert. Elles sont donc tenues solidairement responsables des dommages.

Comme il n'a pas été démontré que le quantum des dommages était actualisé au moment où il a été admis, la prétention des intimés en lien avec l'indemnité additionnelle et la double indemnisation est rejetée.

Pour ces motifs, les Dres Mout, Dupuis, McGee et Durand sont condamnées solidairement et les centres hospitaliers CHUM Saint-Luc et BMP sont condamnés in solidum à payer 150 000 $ à la patiente et 50 000 $ à son conjoint avec intérêts et indemnité additionnelle à compter de l'assignation.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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