Le plaignant était un étudiant inscrit au programme de Technique de soins infirmiers du Cégep de Trois-Rivières. Il a effectué un stage au CIUSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec, l’employeur, dans le cadre du cours Soins ambulatoires et intégration. Durant son stage, il a dû s’absenter à quatre reprises. Il allègue que son échec au stage est lié à ces absences, qui sont protégées par l’art. 10 de la Loi visant à assurer la protection des stagiaires en milieu de travail (Loi sur les stagiaires). S’estimant victime d’une pratique interdite, il conteste son échec par une plainte fondée sur l’art. 20 de la Loi sur les stagiaires.
La Loi sur les stagiaires, sanctionnée en 2022, vise à offrir une meilleure protection aux personnes effectuant un stage en milieu de travail. Notamment, elle permet aux stagiaires de s’absenter pour cause de maladie et pour des raisons familiales ou parentales. Dans ce cadre, l’art. 25 de la Loi sur les stagiaires confère une présomption, similaire à celle prévue à l’art. 17 C.t., voulant qu’une mesure ait été imposée en raison de l’exercice d’un droit protégé. En l’instance, le plaignant s’est absenté pour plusieurs motifs. Premièrement, il s’est absenté afin de prendre soin de son enfant de deux ans qui était malade et qui ne pouvait pas se présenter à la garderie. Le fait qu’il s’agisse de l’enfant de sa conjointe n’affecte pas négativement sa crédibilité, puisque le droit au congé est le même. L’employeur prétend que le plaignant n’a pas pris les moyens raisonnables afin d’éviter de s’absenter. Toutefois, l’art. 11 de la Loi sur les stagiaires précise que l’obligation est de prendre les moyens raisonnables afin de « limiter la durée de l’absence ». Puisque la durée minimale du congé est d’une journée, sauf si l’employeur consent à fractionner les journées, il faut conclure que l’obligation est de prendre les moyens raisonnables afin d’éviter une absence qui excéderait une journée. Or, l’absence n’a été que d’une journée ; il a donc exercé son droit correctement. Il a aussi présenté un travail supplémentaire afin de compenser son absence, conformément à la politique du Cégep. Deuxièmement, il s’est absenté en raison d’un dégât d’eau survenu chez lui. Il ne s’agit pas d’un motif protégé par la Loi sur les stagiaires. Finalement, les deux autres journées d’absence ont été prises pour cause de maladie. Il a informé son enseignante qu’il souffrait de « gastro ». Contrairement à la prétention de l’employeur et du Cégep, le fait de ne pas avoir remis un billet médical ne fait pas en sorte que le droit protégé n’a pas été exercé. L’art. 11 de la Loi sur les stagiaires dispose que l’employeur ou l’établissement d’enseignement peuvent demander une pièce justificative lorsque les circonstances le justifient, en considérant notamment la durée de l’absence. Aucun billet médical ne lui a été demandé. Quant au plan de cours, il exige que toutes les absences soient justifiées. Cependant, il ne peut pas faire perdre le bénéficie du droit prévu à l’art. 11 de la Loi sur les stagiaires, une disposition d’ordre public.
L’employeur plaide que l’évaluation jugeant de l’échec du stage ne constitue pas une sanction au sens de l’art. 20 de la Loi sur les stagiaires. L’utilisation de l’expression « mettre fin à un stage » ne limite pas le recours uniquement aux évaluations qui interrompent le stage. Par ailleurs, l’énumération n’est pas exhaustive et elle fait mention de « toute autre sanction ». Comme pour l’art. 15 C.t. ou pour l’art. 122 LNT, la mesure de représailles doit être interprétée largement afin de permettre de réaliser pleinement le but de la loi.
Puisque le stagiaire bénéficie de la présomption, l’employeur ou le Cégep doit démontrer une autre cause juste et suffisante à la mesure. Ces derniers affirment que les absences à des journées d’apprentissage entraînent des conséquences naturelles qui ne peuvent pas être compensées par les mesures d’accommodement. L’art. 4 de la Loi sur les stagiaires précise que ces mesures ne doivent pas imposer une contrainte excessive. Cet argument est rejeté, car la plainte ne vise pas le non-respect de cette disposition, mais le non-respect du droit de s’absenter pour une durée maximale de 10 jours pour un des motifs prévus à l’art. 11 de la Loi sur les stagiaires. L’évaluation du stagiaire fait mention de certaines lacunes. Cependant, l’enseignante fait mention de ces absences. Bien qu’elle offre également d’autres explications, il appert que ce motif a été considéré dans la décision de mettre fin au stage. Par conséquent, la plainte doit être accueillie.
L’art. 30 de la Loi sur les stagiaires permet au TAT d’ordonner la réintégration du stagiaire. Toutefois, contrairement au souhait de ce dernier, il n’est pas possible de conclure à la réussite du stage. Conséquemment, la réintégration doit se faire dans le même bloc et dans le second bloc de stage. Le stagiaire réclame également une somme de 2 500 $ à titre de dommages-intérêts moraux. L’art. 30 de la Loi sur les stagiaires est similaire à l’art. 128 LNT et permet au TAT de « rendre toute décision qui lui paraît juste et raisonnable », dont le versement de dommages-intérêts. De la même façon que dans le cadre d’un recours fondé sur l’art. 124 LNT, il n’est pas nécessaire de recourir à la théorie de l’abus de droit pour accueillir la réclamation. En revanche, le stagiaire doit en faire la preuve ainsi du lien de causalité avec la mesure contestée. À la suite de l’échec du stage, le stagiaire a décidé de ne plus suivre les cours théoriques, puisqu’il se serait nécessairement retrouvé en situation d’échec. En raison de ces difficultés académiques, il a été suspendu durant une session du Cégep ; en partie à cause de mesures disciplinaires reçues dans le passé. En perdant son statut d’étudiant, il a également perdu son emploi de préposé aux bénéficiaires. Il a donc subi du stress et une certaine instabilité financière. Il n’est pas retourné au Cégep après la suspension et il étudie désormais dans un autre établissement. La preuve sur les dommages est mince et une partie des conséquences est attribuable à son comportement antérieur. Pour ces raisons, la réclamation est rejetée.