Les appelants cherchent à faire déclarer inconstitutionnelle la Loi sur l'immatriculation des armes à feu (la LIAF). Ils se pourvoient à l'encontre du jugement de la Cour supérieure qui en a maintenu la constitutionnalité. Ils demandent à la Cour d'appel d'invalider la LIAF et d'ordonner la destruction des données colligées au registre. Le Procureur général du Canada est mis en cause, mais il n'a pas pris part aux procédures.
La Loi sur les armes à feu fédérale (adoptée en 1995) créait deux types de registres, dont le RCAF, un registre unique qui contient des fichiers relatifs aux certificats d'enregistrement de toutes les armes prohibées, armes à autorisation restreinte et armes d'épaule. En 2012, le Parlement fédéral adoptait une loi qui supprimait l'obligation d'enregistrer les armes d'épaule et qui décriminalisait la possession d'une arme d'épaule non enregistrée. Cela a amené l'Assemblée nationale à adopter la LIAF. Celle-ci est entrée en vigueur en 2018.
Les appelants invoquent une présomption d'invalidité qui n'existe pas. Une loi provinciale qui a des effets similaires à une loi fédérale abrogée n'est pas forcément invalide. Elle peut être justifiée par la théorie du double aspect. De toute manière, la LIAF n'a pas les mêmes effets que l'ancienne législation fédérale. Elle concerne l'enregistrement ou l'immatriculation des armes. Elle n'a pas d'effet juridique sur le régime fédéral des permis. Elle ne s'intéresse ni au droit de propriété ni à l'usage des armes d'épaule.
Par ailleurs, les appelants se contentent d'énoncer ce que fait la LIAF au lieu d'en rechercher le caractère véritable. Au vu de la preuve intrinsèque et extrinsèque, le juge de première instance s'est bien dirigé en concluant que ce caractère véritable était la sécurité publique et non le contrôle des armes. Dès lors, il s'agit de déterminer si cet objet peut se rattacher à un ou plusieurs champs de compétence provinciale. La Cour suprême a déjà laissé entendre que l'enregistrement des armes pouvait relever de la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils. Les appelants ont tort de prétendre que la sécurité publique concernerait exclusivement le droit criminel. Dans les faits, la LIAF ne possède pas les caractéristiques d'une législation criminelle. Elle ne prévoit pas d'interdiction. Elle ne criminalise pas la possession d'une arme à feu non immatriculée. Les obligations positives qu'elle édicte sont assorties de dispositions pénales visant seulement à en assurer le respect, comme cela est envisagé au par. 92(15) de la Loi constitutionnelle de 1867. Ultimement, la théorie du double aspect trouve application. Si la législation fédérale « vise à améliorer la sécurité publique en régissant l'accès aux armes à feu, au moyen d'interdictions et de sanctions », la LIAF se propose plutôt d'assurer la sécurité publique en colligeant des informations au sujet des armes à feu présentes au Québec et en mettant ces informations à la disposition des agents de la paix. D'un côté, la législation fédérale se rattache à la compétence de droit criminel. De l'autre, la LIAF se rattache aux compétences provinciales d'administration de la justice et de propriété et droits civils. Le juge de première instance n'a pas erré en concluant à un tel rattachement. Notons qu'il a valablement dressé un parallèle avec l'arrêt R. v. Dyck dans lequel la Cour d'appel de l'Ontario confirmait la validité constitutionnelle du registre de délinquants sexuels de la province.
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