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La Cour d'appel se penche sur la validité constitutionnelle de dispositions législatives qui portent sur la rémunération et le régime de retraite des juges de paix magistrats

Résumé de décision : Conférence des juges de paix magistrats du Québec c. Québec (Procureur général), EYB 2014-241922 (C.A., 11 septembre 2014)
La Cour d'appel se penche sur la validité constitutionnelle de dispositions législatives qui portent sur la rémunération et le régime de retraite des juges de paix magistrats

Les juges Dalphond, Bouchard et Vauclair. Des juges de paix magistrats et la Conférence des juges de paix magistrats du Québec (les appelants) contestent la validité des articles 27, 30 et 32 de la Loi modifiant la Loi sur les tribunaux judiciaires et d'autres dispositions législatives eu égard au statut des juges de paix (la Loi) et de l'article 178 de la Loi sur les tribunaux judiciaires (LTJ), alléguant que ces dispositions ne respecteraient pas les exigences constitutionnelles en matière d'indépendance judiciaire. Ayant été déboutés en première instance, ils interjettent appel.

Dans l'arrêt Pomerleau, cette Cour a invalidé l'ancien régime provincial relatif aux juges de paix, étant d'avis que ce régime ne garantissait pas l'indépendance judiciaire de ces derniers. En adoptant la Loi, le législateur a tenté de remédier à la situation. La nouvelle législation instaure un nouveau régime. Elle crée les postes de «juge de paix magistrats» (JPM) et de «juge de paix fonctionnaires», en remplacement des charges de «juge de paix à pouvoirs restreints» (JPPR) et de «juge de paix à pouvoirs élargis» (JPPE).

Le principe d'indépendance judiciaire est garanti par la Constitution. Il n'exige pas l'uniformité dans la rémunération et les autres avantages conférés aux juges.

Le juge de première instance n'a pas commis d'erreur révisable lorsqu'il a conclu que la nouvelle législation avait créé de nouvelles charges, tout en remplaçant les anciennes. Les appelants avaient tort de prétendre que le titre des JPPE aurait tout simplement été modifié. D'une part, la charge de juge de paix fonctionnaire implique des pouvoirs plus restreints que celle de JPPR. D'autre part, la charge de JPM n'équivaut pas à celle de JPPE, et ce, pour de nombreuses raisons. Entre autres choses, les attributions ne sont pas les mêmes. Les JPM sont nommés par le conseil exécutif, et non par le ministre de la Justice. Qui plus est, un JPM est nommé à titre inamovible jusqu'à 70 ans. La rémunération et les autres avantages des JPM sont assujettis à un processus de révision périodique. Enfin, les JPM sont dorénavant intégrés à la Cour du Québec. Par ailleurs, les six personnes qui étaient JPPE ont été nommées à titre de JPM, parce qu'elles étaient réputées posséder les capacités requises aux termes de l'article 26 de la Loi. Elles ont prêté un nouveau serment, en application de l'article 35.

Le gouvernement a fixé le palier de rémunération de départ des JPM par décret, sans qu'un comité indépendant se prononce sur la question. Le juge de première instance a valablement déterminé qu'il n'était pas obligatoire pour le gouvernement d'obtenir l'avis préalable d'un tel comité. Il faut savoir que le décret n'a eu d'effet qu'à partir du moment où les 27 nouveaux JPM ont été nommés, quelques mois après son adoption. Le décret ne visait pas les six anciens JPPE. Trois ans plus tard, un comité sur la rémunération des juges (CRJ) s'est penché sur la rémunération des JPM. Le CRJ a alors retenu que la rémunération de départ était adéquate. Par la même occasion, il a recommandé une augmentation de 16 000 $. Ce n'est pas tout. En première instance, les appelants ont admis que leur rémunération n'était pas sous le minimum requis pour assurer leur indépendance. Considérant ce qui précède, force est de conclure qu'une personne raisonnable et bien informée ne conclurait pas que les niveaux de traitement fixés par le décret étaient indicatifs d'une tentative de manipulation des JPM ou qu'ils étaient trop bas pour garantir leur indépendance. Dans un autre ordre d'idées, il n'était pas illégal que les anciens JPPE reçoivent temporairement une rémunération supérieure à celle des JPM nouvellement nommés. Non seulement une telle distinction n'est pas inhabituelle, mais rien dans la Constitution n'exige que les détenteurs d'une même charge bénéficient d'un traitement égal.

La garantie d'inamovibilité fait en sorte de mettre à l'abri le détenteur d'une charge de toute intervention discrétionnaire ou arbitraire de la part de l'exécutif ou de l'autorité responsable des nominations. Les JPPE bénéficiaient sans doute de ce droit à l'inamovibilité. N'empêche, le législateur pouvait choisir d'abolir la charge comme il l'a fait, dans le contexte d'une réforme d'intérêt public. La Loi avait comme objectif de remédier à l'inconstitutionnalité d'un régime, et non de révoquer les JPPE. D'ailleurs, il faut rappeler que les six JPPE ont été nommés à titre de JPM. L'article 27 de la Loi prévoyait leurs nouvelles conditions de travail. Les modifications aux conditions sont positives à plusieurs égards. Il y a néanmoins une conséquence neutre et une autre conséquence qui est plutôt négative. Les anciens JPPE ne se sont pas plaints de leurs nouvelles conditions au moment où la Loi a commencé à s'appliquer à eux, en 2004. Ils ont prêté serment à titre de JPM et ont même opté pour le régime de retraite du personnel d'encadrement. Il est trop tard, en 2008, pour qu'ils cherchent à réclamer un traitement supérieur, rétroactivement jusqu'à 2004. Quoi qu'il en soit, tout indique qu'une personne raisonnable conclurait que les conditions des JPM (anciens JPPE) impliquent une plus grande indépendance. De plus, rien ne démontre que le gouvernement aurait tenté de manipuler financièrement les JPM (anciens JPPE). Les conséquences associées à l'abolition de la charge de JPPE ont été minimisées. Au surplus, les anciens JPPE ont conservé une rémunération supérieure à celle que deux commissions indépendantes avaient jugé adéquate pour un JPM.

Les appelants, en contestant l'article 178 LTJ, soutiennent que le régime de retraite qui leur est offert (celui du personnel d'encadrement) ne serait pas adéquat au point de vue constitutionnel. Ils font valoir que le régime en cause serait moins avantageux que celui des juges de la Cour du Québec. Qui plus est, ce régime contrôlé par le gouvernement serait conçu pour les fonctionnaires responsables de l'encadrement de la fonction publique. Rien dans la Constitution n'exige que les juges disposent d'un régime de retraite qui leur est réservé et qui serait contrôlé par eux. Le régime doit tenir compte des particularités des fonctions des juges, tout en assurant une sécurité financière adéquate. Qui plus est, le droit à la rente ne doit pas être discrétionnaire et doit être à l'abri des ingérences arbitraires du législatif ou de l'exécutif. En l'espèce, les CRJ qui se sont penchés sur la question en sont venus à la conclusion que le régime de retraite du personnel d'encadrement était bien adapté à la situation des JPM. Les appelants n'ont pas démontré que les décisions des CRJ seraient déraisonnables à ce chapitre. Encore une fois, force est de conclure qu'une personne raisonnable et bien informée ne conclurait pas que le seuil minimal requis constitutionnellement a été enfreint ou que la participation au régime de retraite du personnel d'encadrement expose les JPM à des tentatives de manipulation financière par le gouvernement.

Pour tous ces motifs, l'appel est rejeté.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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