Skip to content

Le devoir d'assistance du juge qui préside le procès d'un accusé non représenté n'est jamais minimal, même lorsqu'un avocat est désigné en vertu de l'article 486.3 C.cr. pour procéder au contre-interrogatoire de la plaignante. L'avocat ainsi désigné ne peut être considéré comme l'avocat de l'accusé au sens large du terme.

Résumé de décision : R. c. Hotte, C.S., 13 juillet 2020.
Le devoir d'assistance du juge qui préside le procès d'un accusé non représenté n'est jamais minimal, même lorsqu'un avocat est désigné en vertu de l'article 486.3 C.cr. pour procéder au contre-interr

Le devoir d'assistance du juge qui préside le procès d'un accusé non représenté vise notamment à faire comprendre à ce dernier qu'il sera en situation désavantageuse en procédant sans l'aide d'un avocat. Le juge doit alors, au minimum, informer l'accusé non représenté de sa position désavantageuse et lui réitérer qu'il devrait consulter un avocat. Certes, la portée du devoir d'assistance peut varier selon les circonstances. Mais, minimalement, le juge explique sommairement le déroulement des procédures à l'accusé non représenté pour que ce dernier puisse faire des choix éclairés en temps utile. D'une manière plus explicite, certains éléments s'avèrent cruciaux lors de la mise en œuvre du devoir d'assistance du juge. L'on parle ici des explications sur l'exclusion des témoins, le respect des règles de preuve, la façon de mener un contre-interrogatoire, le type de questions et leur longueur, la différence entre une question et un commentaire, et la différence entre le témoignage et la plaidoirie. Et même dans les cas où tout cela est fait, il faut parfois plus.

Dans la présente affaire, l'assistance à l'accusé se révèle foncièrement inexistante. En effet, aucune explication n'a été fournie à l'accusé, que ce soit avant la tenue du procès ou lors du procès lui-même. Il y a donc absence de tout effort pour assister un justiciable non représenté. Le ministère public reconnaît que l'assistance apportée a été minimale, mais que c'est ce qui était approprié dans les circonstances. En effet, selon le ministère public, le devoir d'assistance était minimal en raison du fait que l'accusé a été dûment assisté d'un avocat nommé en vertu de l'art. 486.3 C.cr. pour les fins du contre-interrogatoire de la plaignante. Au soutien de son argumentaire, le ministère public invoque l'arrêt Jarrah de la Cour d'appel du Québec. Or, l'affaire Jarrah se distingue de la présente affaire, car l'accusé avait été représenté par avocat au début de son procès et le juge du procès avait apporté une assistance considérable à l'accusé. Lorsqu'elle affirme que la présence d'un avocat désigné selon l'art. 486.3 C.cr. dégage le juge de son obligation d'assistance pour la durée de la prestation de l'avocat, la juge Thibault vise donc le contre-interrogatoire d'un témoin selon les modalités de cette disposition, et non le devoir d'assistance plus large du juge du procès qui avait été amplement satisfait dans cette affaire. Il faut éviter de donner une portée trop large aux observations nuancées formulées par la juge Thibault dans l'arrêt Jarrah. Le devoir d'assistance du juge envers l'accusé n'est jamais minimal, même lorsqu'un avocat est désigné selon l'art. 486.3 C.cr. Certes, un effort imparfait ne portera pas toujours atteinte au droit d'avoir un procès équitable. C'est l'exécution en substance de ce devoir qui importe, pas un formalisme rigide. Néanmoins, il est extrêmement difficile en l'espèce de comprendre pourquoi le juge n'a fourni aucune explication à l'accusé. Il semble raisonnable de conclure que la présence de l'avocat nommé pour procéder au contre-interrogatoire de la plaignante, y compris ses interventions constructives, est le seul facteur qui permette de comprendre que le juge d'expérience qui présidait le procès n'ait fourni à l'accusé aucune des informations essentielles et requises par le devoir d'assistance. Même s'il existe un débat jurisprudentiel au sujet de la nature de la relation entre un accusé et l'avocat nommé pour contre-interroger la plaignante selon l'art. 486.3 C.cr., l'avocat ainsi désigné ne peut être considéré comme l'avocat de l'accusé au sens large du terme, car il n'agit que pour les fins limitées du contre-interrogatoire du plaignant. La désignation d'un avocat pour procéder au contre-interrogatoire d'un plaignant constitue une modulation du système contradictoire afin de protéger les témoins vulnérables. L'avocat désigné selon l'art. 486.3 C.cr. et l'avocat de la défense jouent des rôles foncièrement différents.

En résumé, l'accusé possède le droit constitutionnel de choisir de se représenter seul et il ne peut exiger un procès parfait. Cependant, les conséquences d'un tel choix et les désavantages qui en résultent sont tels que le devoir d'assistance du juge vise à s'assurer que l'accusé dispose de l'information pertinente afin de prendre consciemment une telle décision à ce sujet. Dans le présent dossier, l'accusé n'a reçu aucune de ces informations. Il n'a reçu aucune information avant de décider de témoigner ou non. Le juge n'a pas entendu ses observations avant de rendre son jugement sur sa culpabilité. Contrairement aux circonstances qui prévalaient dans l'affaire Jarrah, la présence d'un avocat désigné pour procéder au contre-interrogatoire de la plaignante n'atténue pas ici ni ne tempère les devoirs qu'avait le juge du procès. Il ne s'agit malheureusement pas d'un cas où les informations communiquées étaient insuffisantes à certains égards. Les informations étaient tout simplement inexistantes. Dans de telles circonstances, seul un nouveau procès s'avère indiqué. L'apparence de justice, le droit d'être entendu et l'équité envers l'accusé sont en cause. La justesse du verdict ne doit pas être considérée ou évaluée pour décider du sort du pourvoi.

You May Also Like
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.