Alors qu'elle était commis comptable, l'accusée a volé son employeur sur une période de six mois en faisant des chèques, 14 au total, à l'ordre de son mari et en les déposant dans leur compte conjoint. Le montant total dérobé est de 22 000 $. L'accusée a été victime de violence conjugale sur une très longue période, soit près de dix ans. Les questions d'argent étaient souvent au coeur de cette violence. L'accusée a fait les chèques afin de ne pas contrarier son mari à propos de l'argent. Elle reconnaît que ce qu'elle a fait est mal. Elle dit avoir choisi entre deux maux, la violence de son mari ou le vol de son employeur. Elle travaille maintenant dans une banque. Un casier judiciaire lui ferait perdre son emploi. Son avocat demande une absolution inconditionnelle. Le ministère public reconnaît la problématique de violence conjugale et concède qu'il s'agit là d'un facteur atténuant. Il demande cependant au tribunal de surseoir au prononcé de la peine et de rendre une ordonnance de probation assortie, entre autres, de l'obligation d'effectuer 240 heures de travaux communautaires. Selon lui, une absolution banaliserait le vol impliquant un abus de confiance, lequel exige l'exemplarité.
Il s'agit effectivement d'un vol d'employeur qui consiste dans la trahison d'un lien de confiance. Le nombre de chèques que l'accusée a faits, la période sur laquelle le vol s'est échelonné et le montant total dérobé ne peuvent non plus être ignorés. Ce sont toutes des circonstances aggravantes. Au chapitre des circonstances atténuantes, l'on retient que l'appropriation illégale d'argent a eu lieu dans un contexte trouble de violence conjugale et que l'argent a été utilisé pour payer les dépenses à la maison, et non pour acheter des biens de luxe. L'accusée a en outre plaidé coupable, elle n'a pas d'antécédents judiciaires et elle éprouve d'importants remords, qui sont considérés comme étant particulièrement sincères. De plus, l'accusée s'est reprise en main après avoir été hébergée de longues périodes dans un organisme venant en aide aux femmes victimes de violence conjugale et avoir suivi une longue thérapie. L'accusée a même pris des arrangements avec la compagnie d'assurance qui assurait l'employeur floué et a remboursé 10 400 $. Elle était prête à continuer à procéder au remboursement, mais la compagnie d'assurance s'est dite satisfaite du dédommagement et a décidé de fermer le dossier. Qui plus est, l'accusée a un emploi stable et un fils de neuf ans dont l'intérêt est que sa mère travaille.
Les remords sont ici omniprésents et la réhabilitation est assurée. La longue thérapie suivie a donné à l'accusée les outils nécessaires pour mener une vie stable avec son fils. Faire perdre à l'accusée son emploi serait contre-productif. S'il y a une chose qui ne doit pas être banalisée, c'est la violence conjugale que l'accusée a subie pendant près de dix ans. L'importance et la durée de cette violence et son lien étroit avec la commission de l'infraction mitigent complètement le poids des circonstances aggravantes. La problématique de violence conjugale est en fait si importante qu'on ne peut, d'un côté, prendre appui sur celle-ci afin de faire bénéficier l'accusée d'une absolution et, de l'autre, en faire abstraction pour imposer des conditions comportant des travaux communautaires et une probation. Il est grand temps que l'accusée puisse tourner la page sur cette partie douloureuse de sa vie. Il y a lieu, donc, de l'absoudre inconditionnellement.