Nous sommes saisis, au stade provisoire, d’une « Demande introductive d’instance en injonction interlocutoire provisoire, interlocutoire et permanente » présentée par l’UQAM. Au présent stade, celle-ci ne demande pas que le campement propalestinien installé sur sa propriété soit démantelé, mais elle souhaite qu’il soit clairement circonscrit et encadré sécuritairement, dans le respect des droits de tous.
Plus spécifiquement, l’UQAM demande qu’il soit ordonné aux défendeurs de permettre l’accès, la sortie et la libre circulation à ses immeubles (bâtiments et terrains) et de cesser tout geste ou comportement entraînant directement ou indirectement la dégradation ou détérioration des biens meubles et immeubles lui appartenant ou se trouvant sur sa propriété, incluant par le vandalisme, le retrait de biens, le vol de biens, l’altération de biens et la destruction de biens.
Pour obtenir l’émission d’une injonction interlocutoire sollicitée, le demandeur doit démontrer : 1) une apparence de droit; 2) un risque de préjudice sérieux ou irréparable si l’injonction n’est pas prononcée ; et 3) que la prépondérance des inconvénients milite en sa faveur. Au stade provisoire, il doit en sus établir une urgence à agir.
À la lumière des prétentions de l’UQAM, nous comprenons que l’enjeu fondamental tourne autour de l’exercice par les défendeurs de leur droit à la liberté d’expression, incluant leur droit de manifester, versus l’exercice, par l’UQAM, de ses droits à titre de propriétaire du complexe, et ce, à un point où l’exercice intégral des droits des défendeurs brime l’exercice intégral des droits de l’UQAM, et vice versa. Une question très sérieuse quant à l’étendue et la portée de chacun de ces droits se soulève donc et cette question suffit à satisfaire le premier critère portant sur l’apparence de droit.
Le critère du risque de préjudice sérieux ou irréparable est aussi satisfait. Tout au long de l’audition, nous avons clairement indiqué aux parties que l’élément de sécurité des lieux était primordial pour nous et que, si cela s’avérait nécessaire, nous interviendrions de façon urgente pour corriger la situation. Or, la preuve présentée en défense ne nous satisfait pas que cet élément de sécurité des lieux est sous contrôle. Afin d’éviter qu’un événement malheureux se produise et que l’UQAM subisse ainsi un préjudice sérieux ou irréparable, il est essentiel que des mesures de sécurité appropriées soient mises en place immédiatement. Les mesures de sécurité demandées ne nuiront pas à l’exercice des droits fondamentaux des défendeurs, d’autant que le tribunal ramènera à deux mètres le « dégagement de trois mètres de ses installations » demandé par l’UQAM. Il s’agit simplement au présent stade de bien encadrer la manifestation qui a lieu actuellement, et ce, afin qu’elle se déroule en toute sécurité pour toutes les parties, sous réserve de leurs droits respectifs à faire valoir lors des étapes subséquentes du processus d’injonction.
Les mesures de sécurité ordonnées étant à l’avantage de tous, il n’est pas nécessaire d’analyser le critère de la prépondérance des inconvénients. Il suffit de mentionner que de ne pas mettre en place ces mesures continuerait à créer de sérieux inconvénients au niveau de la sécurité pour l’UQAM et que de les mettre en place ne fait que réduire la superficie du campement, sans nuire aux droits des défendeurs.
Finalement, vu les faits révélés par la preuve, il y a définitivement urgence à bien circonscrire et encadrer globalement l’exercice du droit à la liberté d’expression des défendeurs, incluant celui de manifester pacifiquement et sécuritairement. Il s’agit vraisemblablement ici d’un cas où il est préférable de prévenir que de guérir. Ajoutons que, dans l’état actuel de la situation, aucune des parties ne sera brimée par la mise en place des mesures ordonnées. En fait, ces mesures pourraient même faciliter le rapprochement entre les parties et permettre de procéder le plus rapidement possible à la prochaine étape de l’injonction, soit celle de l’interlocutoire.
Vu l’urgence de la situation, le tribunal ordonne l’exécution provisoire nonobstant appel de son jugement. Ses ordonnances vaudront jusqu’au 6 juin 2024.