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Pour avoir écrit dans leurs procédures déposées devant la Division des petites créances que l’entreprise de construction demanderesse agissait en collusion avec d’autres entrepreneurs et la Ville de Québec pour les évincer de leur propriété, et pour avoir réitéré ces propos à deux reprises devant des juges de la Cour du Québec, les défendeurs sont condamnés à payer des dommages moraux de 2 000 $

Résumé de décision : Camille Blais & Fils ltée c. Landry, EYB 2019-310337 (C.Q., 28 mars 2019)
Pour avoir écrit dans leurs procédures déposées devant la Division des petites créances que l’entreprise de construction demanderesse agissait en collusion avec d’autres entrepreneurs

Le couple défendeur habite à Québec. En 2014, Immeubles Roussin ltée a acquis les trois résidences jouxtant la leur, afin de les démolir et de construire des immeubles à condos locatifs. Ils se sont ainsi retrouvés au milieu d'un immense chantier de construction. En août 2016, l'entreprise de construction demanderesse (Blais) a été engagée en tant que sous-traitant pour effectuer des travaux de forage et d'installation de pieux. Au terme de ces travaux, les défendeurs ont chacun déposé une demande en dommages-intérêts devant la Division des petites créances (DPC). Ils reprochent à Blais de les avoir empêchés d'obtenir la libre jouissance de leur propriété en omettant de mettre en place des mesures d'atténuation suffisantes. Ils allèguent que Blais a « agi en collusion avec les Roussin et les deux sont en collusion avec la ville de Québec dans leurs actions concertées visant à déposséder les propriétaires visés par la densification de Labeaume ». Ils répètent le mot collusion à deux autres reprises dans le paragraphe. Ils le réitèrent encore le 6 décembre 2016, devant un juge de la DPC. Blais considère que ces fausses accusations de collusion sont diffamatoires à son endroit. En mai 2017, n'ayant eu aucune réponse à sa mise en demeure, elle a déposé la présente action. En novembre 2017, les défendeurs ont réitéré leurs accusations devant la juge de la DPC chargée de l'instruction de leurs demandes.

La notion de diffamation dans un acte de procédure s'apprécie en tenant compte de la pertinence des allégations aux fins du droit recherché et du comportement de celui qui les émet. Or, force est de conclure qu'il n'était pas utile que les défendeurs accusent Blais de collusion pour faire valoir leurs droits, dans le cadre des recours exercés devant la DPC. Les défendeurs réitèrent devant la présente Cour avoir subi de nombreux inconvénients et désagréments des travaux exécutés par Blais. Ils expliquent que ceux-ci ont été faits de manière à exagérer les inconvénients dans le but de les évincer. Initialement, le projet de Roussin représentait quatre phases, dont une construite sur leur propriété. Malgré la pression, ils ont refusé de vendre. Selon eux, la complicité entre la Ville, Roussin et Blais représente un effort concerté pour leur faire céder leur immeuble. Pour le défendeur, le mot collusion signifie simplement « des gens qui s'entendent entre eux pour faire quelque chose ». Sa conjointe ajoute qu'on a monté ce mot en épingle et qu'ils n'ont jamais voulu diffamer Blais. Le tribunal ne peut cependant accepter la proposition que les défendeurs, qui sont éduqués et articulés, ne savaient pas ce qu'ils faisaient lorsqu'ils ont utilisé ce mot. Comme l'explique Blais, depuis la Commission Charbonneau, le mot collusion associé à une entreprise de construction est explosif. Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'une accusation très grave qui peut avoir des conséquences désastreuses pour l'entrepreneur qui en est l'objet.

Les défendeurs affirment qu'ils n'ont jamais reçu la mise en demeure. S'ils l'avaient reçue, ils auraient aussitôt modifié les actes de procédure déposés devant la DPC. Pourtant, malgré le dépôt de la présente demande et sa référence à la mise en demeure, ils ont quand même refusé de retirer le mot collusion de ces procédures. Plus encore, ils ont réitéré leurs propos dans leur défense à la présente action, en insistant sur le fait qu'ils sont vrais. Pourtant, absolument rien dans la preuve ne permet même de penser qu'il y a eu collusion, ni même une concertation entre les intervenants, pour nuire aux défendeurs. En ce sens, leurs affirmations sont non fondées à leur face même. Le tribunal estime qu'ils ont été téméraires.

Blais ne démontre pas avoir subi de pertes pécuniaires en lien avec l'atteinte à sa réputation. Elle n'a perdu aucun contrat et sa réputation est toujours aussi bonne. Quant à son préjudice moral, tenant compte de l'ensemble des circonstances, il est arbitré à 2 000 $. La réclamation de dommages punitifs est rejetée. Par ailleurs, le tribunal prend acte de l'engagement, pris à l'instruction par les défendeurs, de modifier leurs procédures devant la DPC afin d'y retirer les allégations faisant référence à la collusion.


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