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Une erreur s’est glissée dans vos déclarations de revenus 2014, avez-vous un recours contre la personne qui les a confectionnées ?

Par Me Lorraine Talbot, Talbot Kingsbury Avocats
Blogue juridique

Une fois la « saison fiscale » terminée, vous-même ou plusieurs personnes de votre entourage découvrirez que vos rapports d’impôts n’ont pas été remplies conformément aux règles fiscales, ou encore que la personne qui a préparé vos impôts s’est manifestement trompée. Si vous subissez un dommage en raison de cette erreur, avez-vous un recours contre votre comptable ?

Comme pour la majorité des professionnels, les devoirs du comptable sont d’être fidèle et honnête à l’égard de son client. Dans le cadre de sa fonction, il se doit également de faire son travail avec sérieux et rigueur, car la moindre erreur de sa part peut engendrer des coûts pour son client. Étant chargé de l’élaboration des documents officiels, comme le bilan comptable et les déclarations fiscales, il doit se montrer très vigilant dans l’exercice de ses fonctions. Ces devoirs s’imposent toutefois uniquement aux comptables dûment membres de l’ordre professionnel adéquat.

En effet, bien que l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (ci-après l’Ordre) regroupe actuellement près de 44 000 membres et candidats à la profession, il existe pourtant beaucoup plus de « comptables » qui, le moment venu, offrent de préparer vos impôts. Ces personnes sont plutôt des « préparateurs d’impôts » à qui les devoirs professionnels des comptables dûment membres d’un ordre professionnel n’incombent pas. Que peut donc faire le client d’un tel préparateur d’impôt lorsque cette personne a commis des erreurs dans ses déclarations de revenus ?

I- Faute et obligations professionnelles

Le principal devoir des membres de l’Ordre est de faire preuve d’un degré raisonnable d’habileté et d’attention dans le cadre de son mandat de vérification des états financiers et des affaires de son client, notamment lors de la production de ses impôts. Ce devoir est édicté par la Code de déontologie des comptables professionnels agréés auquel tous les membres de l’ordre sont assujettis.

Le client d’un comptable membre en règle de cet ordre professionnel bénéficie de plus de protections que le client d’un préparateur d’impôt. Effectivement, le client du comptable professionnel pourra bénéficier des protections qu’offrent les diverses lois et règlements en matière d’éthique et de déontologie professionnelle, en plus de bénéficier des recours de droit commun.

Une chose est certaine, le comptable ne peut être responsable du seul fait que le résultat escompté n'a pas été obtenu, d'autant plus que la comptabilité n'est pas une science exacte, mais simplement une approximation de la réalité quantifiable qu'elle tente de refléter le plus fidèlement possible. Là encore, dans l'évaluation de leur responsabilité, la jurisprudence tient compte de l'ensemble des circonstances propres à la situation, tels l'ampleur du mandat, la connaissance du client, le temps imparti pour accomplir sa tâche… etc.

En général, les tribunaux évaluent la responsabilité du comptable professionnel en comparant sa conduite avec celle d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances et exerçant la même profession. C’est sur la base d’une obligation de moyens que les juges statuent sur cette responsabilité professionnelle. Il est donc à l’avantage du contribuable de retenir les services d’un comptable membre en règle de l’ordre professionnel pertinent afin de bénéficier des protections qui en découlent. La situation n’est cependant pas la même pour ce qui est de la faute et des obligations du préparateur d’impôt.

II- Faute et obligations du préparateur d’impôt

Lorsque vous retenez les services d’un préparateur d’impôts, même si dans les faits une autre personne que vous prépare vos déclarations de revenus, vous demeurez le seul responsable de tous les renseignements qui y figurent. Effectivement, chaque contribuable signe lui-même son rapport d’impôts en déclarant que les chiffres qui s’y retrouvent sont exacts. Notez que, même si vous signez aussi une telle déclaration lorsque vous faites affaire avec un comptable professionnel, celui-ci n’est jamais dispensé de son obligation de conseil et pourra être tenu responsable, s’il a omis de vous faire bénéficier de certaines exemptions ou certains crédits alors que vous y aviez droit, puisque les règles déontologiques lui imposent plus de responsabilités qu’au préparateur d’impôt qui n’est soumis à aucune de ces règles.

Conséquence d’une erreur auprès de l’une des agences du revenu

L’inobservation des lois fiscales entraîne des conséquences graves. Lorsque le préparateur d’impôt transmet vos déclarations à l’agence du revenu concernée, celle-ci procède à une vérification, établit une cotisation et pourra imposer une pénalité s’il peut être démontré que le contribuable a demandé une exemption ou un crédit auquel il n’a pas droit. Dans un tel cas, on assimilera cette erreur à une fausse déclaration volontaire. L’agence provinciale ou fédérale concernée peut même entreprendre des enquêtes criminelles et pénales et recommander des poursuites contre les contribuables qui font la promotion de stratagèmes fiscaux, qui les organisent ou qui y participent d’une quelconque manière.

Réclamer des dommages auprès de mon préparateur d’impôts

Une fois que l’on a déterminé que vous êtes le seul responsable des erreurs qui peuvent se retrouver dans vos déclarations de revenus, vous est-il possible de réclamer à la personne qui a préparé vos impôts les dommages que vous avez subis ?

Lorsque l’agence du revenu établit que vous lui devez de l’argent, il est bien difficile d’échapper au paiement de cette dette compte tenu des garanties que la loi offre aux autorités fiscales pour réclamer les sommes qui leur sont dues. Dans ce cas, il est possible que vous soyez en mesure de réclamer certaines sommes à votre préparateur d’impôt.

D’abord, le préparateur d’impôt qui se trompe, alors qu’autant vous-même que les documents que vous lui avez remis lui auraient permis d’agir sans se tromper, engage sa responsabilité contractuelle.

On qualifie généralement le contrat qui intervient entre le contribuable et le préparateur d’impôts de contrat d’entreprise ou de service. Bien que le préparateur ait le libre choix des moyens pour remplir le mandat confié par son client, il est tenu d'agir au mieux des intérêts de ce dernier, avec prudence et diligence. Il est aussi tenu, suivant la nature du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de l’art, et de s'assurer, le cas échéant, que le service fourni est conforme au contrat. Notez que la forme de contrat importe peu ; qu’il soit oral ou écrit, le contrat de service lie les parties.

La jurisprudence reconnaît néanmoins que même si un client fournit l'information qu'il juge pertinente, le préparateur d’impôt doit solliciter toute autre information utile et nécessaire à la réalisation de son travail en plus de devoir honorer son engagement de produire les déclarations de revenus. Lorsqu'il manque à son obligation, il s'expose à un recours en dommages-intérêts, mais la preuve à faire pour que sa responsabilité soit engagée est plus difficile en raison du flou juridique qui entoure la portée de ses devoirs. Il peut donc s’avérer plus difficile de percevoir des dommages d’un préparateur d’impôts qui aurait commis une faute, puisque rien dans la loi ne l’oblige à s’assurer contre les conséquences de sa responsabilité et que rien ne garantit alors sa solvabilité. Si vous pensez que vous avez des droits à faire valoir sur ce point, les conseils de votre avocat pourraient vous être utiles, sans compter que le préparateur d’impôts peut éluder sa responsabilité, notamment à l’aide des clauses d’exonération que vous avez signées.

Clause d’exonération

Il arrive à l’occasion que le tribunal rejette l'argument selon lequel le préparateur d’impôts est exonéré par une clause qui stipulerait que les renseignements contenus dans la déclaration de revenus sont transmis et réputés avoir été transmis à la demande du client par le préparateur. Il en est de même pour l'attestation de véracité des renseignements. Dans tous les cas, le texte que l'on retrouve à la fin de la déclaration de revenus ne peut exonérer le préparateur d'une faute lourde commise en raison d'une interprétation erronée de la législation.

Notion de préparateur accrédité

Il existe d’ailleurs deux types de préparateurs : ceux qui sont accrédités auprès des agences provinciale et fédérale, et ceux qui ne le sont pas (le beau-frère). L’accréditation est un moyen de protection délivré par les agences du revenu à certaines personnes qui ne sont pas nécessairement membres de l’Ordre, mais qui remplissent tout de même certaines conditions. Cette licence permet entre autres au préparateur de déposer vos déclarations en ligne et d’attester lui aussi votre déclaration à titre de préparateur.

Pour l’obtenir, le préparateur doit systématiquement remplir un questionnaire une fois par année en plus de se soumettre à une enquête concernant ses antécédents judiciaires, particulièrement en matière de fraudes fiscales. La licence du préparateur lui impose alors un devoir de diligence, particulièrement au sujet de la confidentialité et du devoir de protéger les renseignements personnels qu’il obtient de ses clients.

Conclusion

Si vous faites affaire avec un comptable dûment membre de l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec pour la confection de vos déclarations annuelles de revenus, vos chances d’être indemnisé à la suite d’un dommage que vous pourriez subir en raison d’une faute commise par le professionnel sont meilleures que si c’est votre beau-frère ou un préparateur d’impôts qui a effectué le travail.

Par contre, si vous faites affaire avec un préparateur d’impôts accrédité, puisque son nom apparaîtra sur votre déclaration annuelle de revenus, vos recours contre lui en cas de faute en seront facilités, étant donné que le contrat entre lui et vous sera clairement établi.

Enfin, la pire chose à faire est de retenir les services de votre beau-frère ou d’un préparateur d’impôts non accrédité, puisque dès lors, le contrat entre eux et vous pourrait être difficile à établir dans la mesure où vous êtes le seul à signer vos déclarations et que celles-ci sont réputées transmises par vous personnellement. De plus, en cas de faute de ces derniers, un recours contre eux pourrait être illusoire, puisque la loi ne leur impose aucun devoir particulier ni aucune obligation de souscrire à des mesures de protection du public telle une assurance responsabilité.

Pour toutes questions, n’hésitez pas à communiquer avec Talbot Kinglsey Avocats !
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About the Author

Lorraine Talbot

Lorraine Talbot
Avocate associée

Me Lorraine Talbot est avocate associée et fondatrice de l’étude Talbot Kingsbury, Avocats. Elle a évolué dans divers domaines du droit, notamment en droit de la famille et des personnes, en médiation ainsi qu’en litige civil, ce qui l’a amenée à plaider devant les différentes instances des tribunaux de droit commun. Elle est également titulaire d’une formation en modes alternatifs de règlements de conflits.

En plus de siéger à plusieurs conseils d’administration d’organismes parapublics ou communautaires, Me Talbot s’impose également comme une actrice importante de la scène régionale en matière d’entrepreneuriat, notamment en étant membre de deux réseaux d’entrepreneurs et en s’y impliquant activement. Elle agit de plus à titre de mentore pour la cellule de mentorat mise en place par le CLDEM et est administratrice nouvellement élue au conseil d’administration du CLDEM.

Désireuse de partager son savoir et son expérience, Me Talbot collabore, depuis 2010, avec les Éditions Yvon Blais à la rédaction de textes et de commentaires destinés à la communauté juridique et relatifs à des décisions de jurisprudence. Elle est notamment coauteure d’un livre publié aux Éditions Yvon Blais intitulé La responsabilité de l’inspecteur préachat. Elle est également appelée sur une base régulière à donner des conférences sur divers domaines du droit.

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