Par
Sabrina Saint-Louis, Marceau Soucy Boudreau avocats
Dans un billet précédent, nous vous informions que le nouvel article 241 C.p.c. permet de faire rejeter avant l’instruction un rapport d'expertise lorsqu'il est manifeste qu'un témoin n'a pas les qualifications requises pour agir à titre d'expert, à savoir l’indépendance, l’impartialité et l’objectivité.
Dans la décision Post c. Media QMI inc. (Le Journal de Montréal) (EYB 2017-277990), la Cour devait trancher en ce sens et décider plus spécifiquement si l’expert en cause était partial. Les défenderesses étaient en effet d'avis que l'expert avait un parti pris contre Groupe Québecor, ce qui justifiait selon elles le rejet préliminaire du rapport d'expertise.
Fait intéressant à noter, Groupe Québecor avait soumis une demande quasi similaire avant l'entrée en vigueur du N.C.p.c. Cette demande avait été rejetée, la Cour concluant que cette question devait être tranchée par le juge du fond. Toutefois, comme l'indique le juge Décarie dans la décision qui nous occupe, « en vertu des articles 241 et 294 du Code de procédure civile, cette question doit maintenant être décidée de façon préliminaire, même si le Tribunal ne possède pas un éclairage complet pour décider d'une question si importante ».
Ainsi, la question que soulevaient les défenderesses était de déterminer si le rapport en cause était partial : « à savoir manifeste-t-il une préférence marquée sans souci d'équité ou de justice ? Est-il partisan ? » La Cour a finalement conclu que non puisqu’il n’y avait pas de preuve que l’expert en cause avait « usé de préjugés, de parti pris ou d’idées préconçues dans la façon de mener à bien son mandat d’expert », la démarche de l’expert n’étant par ailleurs pas « empreinte d’iniquité ou d’injustice ».
Sur ce qui précède, la Cour a précisé que l’article 241 C.p.c. ne vise pas à remettre en question la crédibilité d’un témoin expert ou sa force probante de son témoignage :
Il ne faut donc pas mêler les notions de partialité et de crédibilité/force probante puisque seule l’impartialité permet de faire rejeter de façon préliminaire le rapport d’expertise, outre le manque d’indépendance et d’objectivité. Ceci étant, toute preuve pertinente pour attaquer la crédibilité du témoin expert et la force probante de son témoignage pourra être présentée devant le juge du fond, lequel pourra alors soupeser la valeur de cette preuve.