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Décision de la C.F. quant à la marque LUSH: l’habit ne fait pas le moine, pas plus que le t-shirt la marque

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Décision de la C.F. quant à la marque LUSH: l’habit ne fait pas le moine, pas plus que le t-shirt la marque

La Cour fédérale (la « C.F. ») rendait dans la dernière année une décision intéressante en matière de marques de commerce et, plus précisément, de ce que cela veut dire en droit de véritablement employer une marque.

La décision en question, Riches, McKenzie & Herbert LLP c. Cosmetic Warriors Ltd (2018 FC 63), vient préciser qu’une entreprise ne peut pas nécessairement prétendre avoir des droits quant à une marque de commerce qu’on a imprimée sur des vêtements à des fins essentiellement promotionnelles. Si on a fait certaines ventes des vêtements en question, mais que cela s’est fait au prix coûtant, à des employés uniquement, on n’est pas réellement en présence de véritables ventes, du moins du point de vue du droit des marque de commerce.

L’explication repose sur la définition de l’emploi d’une marque quant à des produits, telle qu’énoncée à l’article 4 de la Loi sur les marques de commerce (la « LMC »). Comme on s’en souviendra, le paragraphe 4(1) énonce que :

  1. Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

La société Cosmetic Warriors Ltd. (« CW »), qui a perdu son enregistrement no TMA649, 810 à la suite de cette décision, fabrique et met en marché des produits cosmétiques et services afférents, dont des savons vendus dans ses magasins, en association avec la marque de commerce LUSH (la « marque »). L’enregistrement en question avait trait non pas aux savons LUSH, mais plutôt à des t-shirts.

La question qui se posait ici était de savoir si l’affichage de t-shirts imprimés LUSH sur des employés et la vente de quelques t-shirts achetés par des employés pouvaient justifier que CW conserve son enregistrement LUSH quant à des chandails. Puisque l’article 4 parle essentiellement de ventes, le fait que CW a vendu des t-shirts ne devrait-il pas suffire ? Eh non, de dire la C.F.

Ici, CW avait déposé en preuve un affidavit démontrant qu’elle avait vendu environ deux t-shirts dans chacun de ses magasins canadiens, sur une période d’environ 18 mois, pour un total d’environ 2000 $ de ventes.

Initialement, le Bureau des marques avait donné raison à CW, choisissant de croire que l’existence de ventes de t-shirts portant la marque suffisait pour conclure que la marque avait bel et bien été utilisée au Canada au cours des trois années en question.

Selon la C.F. dans cette affaire, la simple vente de biens à des employés, au prix coûtant, sera souvent inadéquate pour considérer en présence de véritables ventes. Dans un cas de ventes de minimis survenues uniquement à des employés, au prix coûtant, dans le contexte d'une entreprise qui n'a rien à faire avec ce type de produits, le seuil fixé par l’article 4 LMC n’est pas atteint.

Pas de vente dans la pratique normale du commerce, pas d’usage. Pas d’usage, pas d’enregistrement, c’est aussi simple que cela. On doit donc infirmer la décision du Registraire.

De plus, toujours selon la C.F., le refus de Registraire de présumer du prix d’achat des t-shirts LUSH par CW (de son fournisseur) que leur vente était de nature purement promotionnelle, dans l’esprit de CW, constituait une erreur en droit. Contrairement à la position adoptée par le Registraire sur cette question, cette preuve s’avérerait pertinente afin de déterminer si l’on était en présence d’objets purement promotionnels. En constatant de ce prix que les ventes aux acheteurs de t-shirts ont été effectuées au prix coûtant, il devient difficile de prétendre que le but ici était de favoriser le développement de la marque et de son achalandage quant à des vêtements. L’explication la plus plausible est qu’on appuyait ainsi l’entreprise de vente de cosmétiques.

Dans ce genre de situation, juridiquement, nous ne sommes pas en présence de ventes dans la pratique normale du commerce ; nous sommes plutôt en présence de simples efforts promotionnels.

Contrairement à ce qu’on pourrait penser en lisant une disposition aussi simple que l’article 4 LMC, ce concept d’emploi d’une marque n’est pas qu’une simple formalité qu’on peut satisfaire par deux ou trois ventes effectuées pour la forme. Qu’on se le tienne pour dit, il ne suffit pas de faire des ventes de quelques articles, ici et là, pour pouvoir sérieusement prétendre qu’on emploie réellement une marque. Encore faut-il que l’achalandage de l’entreprise impliquée touche ce type de biens, à défaut, on pourrait bien avoir de la difficulté à défendre son enregistrement si jamais un tiers s’y attaque.

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About the Author

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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