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Ni estoppel ni res judicata en matière de confusion de marque, entre la Commission des oppositions et nos tribunaux, de dire la Cour fédérale

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Ni <em>estoppel</em> ni <em>res judicata</em> en matière de confusion de marque, entre la Commission des oppositions et nos tribunaux, de dire la Cour fédérale

Nos collègues chez Bereskin & Parr rapportaient il y a quelques jours qu’un dossier dans lequel ils sont impliqués s’est soldé dernièrement par une décision intéressante de la Cour fédérale, en matière de confusion de marques de commerce, dans le dossier de Mainstreet Equity Corp c. Canadian Mortgage Capital Corporation et al. La décision de la Cour dont il est question est une décision interlocutoire du protonotaire Aalto, dans un dossier de contrefaçon. Bien que ce soit une simple décision interlocutoire, elle s’avère néanmoins intéressante quant à un point en particulier.

Le dossier dont il est ici question débute, il y a quelques années, par la tentative de Canadian Mortgage Capital Corporation (« Capital ») d’enregistrer sa marque de commerce. Pendant le processus d’enregistrement, Mainstreet Equity Corp (« Mainstreet ») dépose et remporte une opposition à l’encontre de la demande, devant la Commission des oppositions de marques de commerce (la « Commission »).

Par suite de sa victoire en opposition, Mainstreet intente une poursuite en contrefaçon contre Capital, en Cour fédérale, alléguant à nouveau que la marque utilisée par Capital viole celle de Mainstreet. Par la suite, en cours de dossier, Mainstreet tente d’amender sa réclamation, afin d’y ajouter notamment des arguments basés sur les concepts de res judicata (la chose jugée) et d’estoppel. C’est au sujet de cette modification proposée de la réclamation que se prononçait, il y a quelques jours, le protonotaire de la Cour fédérale.

La raison qu’avait Mainstreet pour tenter d’invoquer les doctrines de res judicata et d’estoppel touchait l’échec de Capital dans le dossier d’opposition antérieur. Étant donné l’existence d’une décision rendue en bonne et due forme par la Commission qui statuait sur la question spécifique de la probabilité de confusion entre les marques en présence, ne devrait-on pas considérer la question comme réglée (jugée, même ?), plutôt que d’obliger les parties à débattre à nouveau de la question ? C’était essentiellement la question qui se présentait à la Cour fédérale, au stade interlocutoire du litige opposant Mainstreet et Capital.

Capital, elle, arguait qu’une partie (et surtout la Cour fédérale) n’est pas empêchée d’évaluer le risque de confusion entre deux marques, et ce, même si un dossier d’opposition en a déjà traité, peu importe son résultat. Selon Capital, peu importe que la Commission ait déterminé qu’une marque X portait à confusion avec une marque Y, les parties demeurent libres d’invoquer que ce n’est pas le cas devant les tribunaux, lesquels doivent (re)décider de la question en se basant sur les arguments et la preuve devant eux, sans égard à la décision préalable de la Commission. Capital fait d’ailleurs remarquer à ce sujet que la Cour d’appel fédérale s’était déjà prononcé sur la question.

Dans la décision récente de la fin janvier, la Cour fédérale se range derrière les arguments de Capital, à savoir que la Cour d’appel fédérale a effectivement statué préalablement sur cette question, en rejetant un tel argument de res judicata, dans l’affaire Alticor Inc. c. Nutravite Pharmaceuticals Inc. (2005 FCA 269 (CanLII)).

Aussi, devant la conclusion antérieure de la CAF qu’une décision de confusion dans le contexte d’une opposition ne lie par les tribunaux, on serait maintenant mal venu de permettre à Mainstreet de ramener de tels arguments dans le débat entre les parties en présence. Au passage, la Cour fédérale se prononce d’ailleurs aussi de la même façon quant à l’argument d’estoppel que voulait formuler Mainstreet, statuant que, même si Alticor ne mentionnait pas explicitement cette question, l’écarter se révèle simplement la conséquence logique de la règle quant à l’absence de res judicata dans un cas pareil.

Ce faisant, Mainstreet ne peut amender sa réclamation contre Capital afin d’arguer que la res judicata et/ou l’estoppel réglaient la question de la confusion entre les deux marques en présence. La Cour fédérale se prononcera donc, en temps et lieu, quant au risque de confusion, comme dans n’importe quel litige.

C’est donc reconfirmé, une partie peut très bien perdre un dossier d’opposition sur la base du fait que les marques en présence ne portent pas à confusion l’une avec l’autre (ou inversement), mais néanmoins ensuite intenter une poursuite pour contrefaçon de sa marque devant les tribunaux. Rien, en droit, ne l’empêche. Les dossiers d’opposition sont une chose, les poursuites devant nos tribunaux une tout autre.

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About the Author

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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