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Réflexion canadienne sur le droit de l’individu à nettoyer sa réputation en ligne, notamment sur les moteurs de recherche

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Réflexion canadienne sur le droit de l’individu à nettoyer sa réputation en ligne, notamment sur les moteurs de recherche

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada (le « Commissariat ») publiait récemment un projet de position (à des fins de commentaires), dans le cadre de travaux sur la question de savoir si le Canada permet et/ou devrait permettre aux individus vexés par ce qui est en ligne à leur sujet d’en forcer le retrait.

L’examen auquel s’est engagé le Commissariat à ce sujet a de quoi rappeler l’introduction du « droit à l’oubli » (« droit à l’effacement ») prévu par le nouveau Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne. À la suite de sa consultation de la population canadienne sur la question, le Commissariat constate notre tiraillement collectif entre l’absence de mécanismes de contrôle de la réputation des individus en ligne, d’une part, et la liberté d’expression, d’autre part.

La difficulté ici prend sa source dans le fait que : « dans l’environnement numérique, les gens portent généralement des jugements en se fondant sur les renseignements qu’ils lisent au sujet d’autres personnes ». Ainsi, dans le monde d’aujourd’hui, ce qui est écrit en ligne s’avère déterminant quant à la réputation des individus. Dans ce contexte, la question qui se pose est de savoir si, une fois une information (même véridique) mise en ligne, les individus devraient pouvoir en forcer le retrait si elle porte atteinte à leur réputation ou leur crée des difficultés liées à la perception d’autrui ?

Accessoirement, outre la possibilité de s’en prendre à la source d’un renseignement qui a été publié, devrait-on pouvoir contrôler la disponibilité trop facile d’un renseignement problématique en agissant contre les moteurs de recherche qui en facilitent (indirectement) la diffusion sur Internet ?

Dans ce contexte, le Commissariat suggère de voir à confirmer que les Canadiens ont le droit d’exiger :

  • le « déréférencement » de pages Web problématiques (souvent, le simple fait de retirer un document des résultats de recherche en réduira largement la diffusion et, donc, l’impact sur la perception de la collectivité quant à la réputation de l’individu ciblé), et/ou
  • la suppression/modification de renseignements dans les documents originaux disponibles en ligne.

À ce sujet, selon le Commissariat, la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la « LPRPDE ») s’applique bel et bien aux entreprises exploitant des moteurs de recherche. Aussi, puisque la LPRPDE accorde déjà aux individus le droit d’exiger des entreprises que les renseignements personnels erronés ou dont on n’a plus besoin soient modifiés, détruits, effacés ou dépersonnalisés, il n’y a pas ici de vide juridique à proprement parler. Par exemple, si un renseignement est incomplet ou erroné, un individu a en principe le pouvoir d’exiger que l’entreprise qui le détient agisse à ce sujet.

Pour ce qui est des moteurs de recherche, le Commissariat affirme qu’en certaines circonstances, le fait d’indexer certains renseignements (afin d’y diriger les internautes) dépasse ce qui s’avère acceptable comme utilisation d’un renseignement personnel et, donc, ce qui est permis par la loi. Par exemple, toujours selon l’interprétation de la LPRPDE par le Commissariat, lorsqu’un résultat de recherche peut causer un préjudice grave à un individu (sans réellement s’avérer d’intérêt public), le moteur de recherche en question devrait le supprimer de ses résultats de recherche (visant le nom de l’individu visé), du moins une fois informé de l’existence du problème.

En pratique, par contre, le Commissariat convient que dans le cas d’une telle demande d’un individu, une analyse au cas par cas pourra s’avérer nécessaire pour juger du caractère raisonnable de la contestation, notamment en en évaluant l’impact sur la liberté d’expression et l’intérêt public. On mentionne aussi qu’en certaines circonstances, le remède approprié pourrait plutôt être de rétrograder un résultat (dans le classement de résultats de recherche) ou, alternativement, de plus simplement signaler qu’il est inexact ou incomplet.

Dans ce contexte, force nous est collectivement de constater que notre système actuel n’offre pas de mécanisme facile de contestation des résultats de recherche de moteurs de recherche. Bref, peut-être la LPRPDE s’avère-t-elle compatible avec l’idée d’un « droit à l’effacement » (ou de déréférencement), mais la question s’avère complexe et actuellement loin d’être simple à invoquer pour les individus.

Dans ce contexte, le Commissariat recommanderait au législateur de confirmer son interprétation de l’effet de la LPRPDE quant à cette question et de clarifier noir sur blanc, dans la loi même, le droit des individus d’agir lorsqu’ils sont aux prises avec la persistance de renseignements préjudiciables en ligne, entre autres en les déréférençant chez les moteurs de recherche.

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About the Author

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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