À compter du 1er janvier 2016, un nouveau Code de procédure civile entrera en vigueur. Bien que celui-ci ne représente pas une transformation radicale du régime actuel, certaines modifications méritent néanmoins d’être soulignées.
- Le vocable « recours collectif » sera remplacé par « action collective », s’harmonisant ainsi avec l’expression anglaise (« class action »). Outre cette harmonisation, on ne comprend guère pourquoi le législateur a décidé de réviser un choix de mots qui date de 1978, qui est reconnu par les praticiens et qui est bien ancré dans la jurisprudence et la doctrine québécoise.
- Le nouveau Code prévoit que toute personne morale de droit privé, société, association ou autre groupement sans personnalité juridique peut être membre d’un groupe (art. 571) sans préciser, comme c’est le cas présentement (art. 999), que ces entités ne peuvent avoir plus de 50 personnes liées à elles par contrat de travail. Cette modification vient ainsi étendre la notion de « membre », qui pourrait théoriquement englober des investisseurs institutionnels, banques et grandes compagnies. Elle vient également qualifier l’objectif premier du recours collectif québécois, soit celui de « rétablir un certain équilibre entre le citoyen isolé et les entreprises et surtout celles qui ont le caractère de gigantisme que l’on connaît dans notre société »>1.
- En vertu du nouvel article 578, il sera désormais possible pour une partie intimée, sur permission d’un juge de la Cour d’appel, de se pourvoir contre une décision accueillant l’autorisation. La disposition met ainsi fin au droit d’appel « asymétrique » qui existe actuellement au Québec et qui en fait une juridiction singulière sur le plan nord-américain. Avec le temps, une intéressante jurisprudence sera élaborée à l’égard de l’autorisation d’interjeter appel ainsi qu’à l’égard de l’appel au fond d’un intimé. Ceci viendra sûrement enrichir les enseignements des tribunaux portant sur l’autorisation d’un recours collectif.
- Le nouvel article 577 statue que « [l]e tribunal ne peut refuser d’autoriser l’exercice d’une action collective en se fondant sur le seul fait que les membres du groupe décrit font partie d’une action collective multiterritoriale déjà introduite à l’extérieur du Québec ». Cette disposition codifie le principe de la courtoisie intraprovinciale (« comity ») qui devrait guider les tribunaux lorsqu’ils sont en présence d’un recours collectif qui dépasse les frontières d’une seule juridiction canadienne>2. Elle reprend également le courant jurisprudentiel selon lequel la simple existence d’un recours collectif parallèle ailleurs ne saurait pour autant constituer une fin de non-recevoir au Québec>3.
- Fait également écho au principe de la courtoisie intraprovinciale le nouvel article 594, lequel énonce à son deuxième paragraphe que, dans le cadre de l’homologation d’une transaction étrangère qui vise des résidents du Québec, « [l]e tribunal est tenu de s’assurer [...] que les modalités d’exercice des droits de ceux-ci sont équivalentes aux exigences imposées dans les actions collectives prises devant lui et que ces résidents peuvent exercer leurs droits au Québec suivant les règles qui y sont applicables [...] ». En d’autres mots, le législateur insiste ici sur la notion d’équité procédurale (« procedural fairness »), qui exige, entre autres, que les membres du groupe, peu importe la juridiction dans laquelle ils se trouvent et peu importe la langue officielle de cette juridiction, puissent jouir des mêmes droits processuels, dont ceux de recevoir un avis adéquat, de s’opposer au règlement et, le cas échéant, de s’en exclure. En ce sens, l’article 594 est l’incarnation législative du raisonnement qui se dégage des arrêts Currie v. McDonald's Restaurants of Canada Ltd.>4, Hocking c. Haziza et Lépine c. Société canadienne des postes, une trilogie primordiale en matière de recours collectifs transfrontaliers.
- Enfin, certains articles du Code maintenant en vigueur seront exclus du nouveau Code. Toutefois, comme l’expliquent les auteurs Me Lussier et Me Lauzon, compte tenu de l’économie du nouveau Code, ces articles se retrouvent consacrées pour la plupart à d’autres endroits, dans le cadre de dispositions à portée plus générale>5.
Contrairement à la réforme procédurale de 2003, qui avait simplifié l’autorisation et suscité un vif débat concernant la constitutionnalité des modifications législatives>6, l’action collective du nouveau Code ne s’avère pas particulièrement controversée, du moins à première vue. Outre l’élargissement de la notion de « membre » (art. 571) et la création d’un droit d’appel sur permission pour la partie intimée (art. 578), il reprend pour l’essentiel le contenu de son prédécesseur. Qui sait, cependant, si ces amendements, peut-être modestes en apparence, n’augurent pas une période de fécondité, voire de métamorphose jurisprudentielle.
1 Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 31e lég., 3e sess., no 7 (7 mars 1978), p. B-277.
2 Hocking c. Haziza, 2008 QCCA 800 ; Société canadienne des postes c. Lépine, [2009] 1 R.C.S. 549, par. 43 et 57.
3 Lebrasseur c. Hoffman-La Roche ltée, 2011 QCCS 5457 ; Melley c. Toyota Canada inc., 2011 QCCS 1229 ; Leroux c. Compagnie d'assurance-vie Manufacturers, 2014 QCCS, par. 9 (en obiter dictum).
4 2005 CanLII 3360.
5 « Du recours collectif à l’action collective : une évolution dans la continuité », Conférence du 17 septembre 2015/ABC – Division Québec, AZ-40024493, p. 21-23.
6 Pharmascience inc. c. Option Consommateurs, 2005 QCCA 437.