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Des voies de fait agrémentées de commentaires racistes sont plus graves que des voies de fait sans tels commentaires, mais moins graves que des voies de fait motivées par des préjugés racistes.

Résumé de décision : R. c. Charrette, C.M., 17 mars 2021.
Des voies de fait agrémentées de commentaires racistes sont plus graves que des voies de fait

Il faut imposer une peine au délinquant pour une infraction de voies de fait qu'il a commise contre la victime, une pure inconnue qu'il a croisée par hasard dans le stationnement de la bibliothèque de l'Île des Sœurs.

Après l'avoir sermonnée parce qu'elle roulait trop rapidement dans le stationnement de la bibliothèque et qu'elle tenait un téléphone, le délinquant s'est aperçu que la victime était derrière son véhicule et photographiait sa plaque d'immatriculation. Mécontent, le délinquant est sorti de son véhicule, a couru vers la victime et a élancé son bras vers elle pour s'emparer de son téléphone. Il tentait ainsi de l'empêcher de prendre des photos ou d'effacer les photos qu'elle avait déjà prises. Le délinquant a ensuite agrippé la victime par son hidjab. Ces gestes étaient gratuits. De plus, il est évident que le fait d'agripper la victime par son hidjab n'était pas un geste anodin et banal.

Le ministère public soutient que l'infraction était motivée par des préjugés racistes, ce qui constituerait un facteur aggravant. On ne saurait être du même avis. Sans contredit, le délinquant a fait des commentaires racistes pendant l'incident. On ne peut cependant être convaincu que celui-ci a interpellé la victime initialement en raison de préjugés racistes. De fait, la preuve ne permet pas de conclure que le délinquant avait constaté au départ que la victime portait un hidjab. Les premiers commentaires racistes ont été faits après l'interpellation initiale de la victime et alors que cette dernière ne répondait pas au délinquant qui la sermonnait. Le même raisonnement s'applique aux voies de fait. On ne peut conclure que ces dernières ont été commises par racisme ou par haine des femmes musulmanes voilées. Même s'il est fort possible que le délinquant ait agrippé la victime par son hidjab en raison de ses préjugés racistes, il est possible, aussi, que le délinquant ait agi de la sorte pour mieux retenir la victime et lui prendre plus facilement son téléphone.

Cela dit, le fait que le délinquant ait lancé à la victime un commentaire raciste pendant l'agression, après les autres commentaires qu'il avait lancés plus tôt, fait partie de la trame factuelle contextuelle et ne peut être ignoré. Il va sans dire que des voies de fait agrémentées de commentaires racistes sont plus graves que des voies de fait sans tels commentaires, quoique moins graves que des voies de fait motivées par des préjugés racistes.

Il est vrai que le délinquant a plaidé coupable, qu'il a agi de manière impulsive, qu'il a offert des excuses à la victime, qu'il est âgé de 77 ans et qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires. On parle donc d'un incident isolé dans un parcours de vie. Toutefois, vu les circonstances aggravantes, les objectifs de dénonciation et de dissuasion doivent être pris en compte. Concernant ces objectifs, il est certainement éprouvant et perturbant pour un délinquant de cet âge qui en est à ses premiers démêlés avec la justice de rencontrer un enquêteur et de subir un procès criminel. Cela a nécessairement eu un certain effet dissuasif. En outre, écoper d'un casier judiciaire à un tel âge est déjà en soi une punition.

À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de condamner le délinquant à payer une amende de 500 $ et de le soumettre à une probation pour une période d'un an. Cette peine dénonce les gestes et le comportement choquant du délinquant, mais tient compte, aussi, de sa situation particulière et de son passé sans tache. La peine assure, en outre, une protection à la victime.

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