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Procès devant jury : un juré n’a pas besoin d’être adéquatement vacciné contre la COVID-19.

Résumé de décision : R. c. Bissonnette, C.S., 13 septembre 2021
Procès devant jury : un juré n’a pas besoin d’être adéquatement vacciné

L'accusé demande que seuls les candidats jurés adéquatement vaccinés contre la COVID-19 puissent être sélectionnés pour former le jury qui entendra le procès qu'il doit subir. Le ministère public s'oppose à la demande de l'accusé et fait valoir qu'aucune question sur le statut vaccinal ne devrait être posée lors de la sélection du jury.

L'argumentation de l'accusé repose en grande partie sur une décision que la Cour supérieure de l'Ontario a rendue récemment (R. c. Frampton) et dans laquelle le juge Phillips a décidé que seuls les candidats jurés adéquatement vaccinés pourraient être sélectionnés pour former un jury. Pour rendre sa décision, le juge Phillips s'appuie sur la Loi sur les jurys et assimile la situation d'une personne non vaccinée à celle d'une personne incapable de remplir les fonctions de juré et pour laquelle une mesure d'adaptation ne peut être raisonnablement prise. Étant donné la différence entre le texte de la loi ontarienne et celui de la loi québécoise, on ne peut suivre le raisonnement du juge Phillips. En effet, contrairement à la loi ontarienne, la Loi sur les jurés ne permet pas que des candidats jurés soient déclarés inhabiles au motif d'une incapacité physique, même s'il fallait conclure que le fait de ne pas être adéquatement vacciné constitue une telle incapacité. Au Québec, la loi prévoit seulement l'inhabileté en raison d'une déficience ou d'une maladie mentale. Or, aussi surprenante que soit la décision d'une personne de ne pas se faire vacciner en période de pandémie, on ne peut assimiler, de quelque façon que ce soit, le refus de se faire vacciner à une déficience ou à une maladie mentale.

L'accusé soutient que les art. 5g) ou 5h) de la Loi sur les jurés pourraient aussi être utilisés pour interdire aux personnes non vaccinées de faire partie du jury. Cet argument ne peut être retenu. Il ne tient pas compte de la différence fondamentale qui existe entre le fait d'être inhabile selon la loi à accomplir la fonction de juré, d'une part, et le fait pour un candidat juré d'avoir la faculté de demander une exemption d'agir comme juré, d'autre part.

Par ailleurs, il convient de mentionner qu'aucune exigence de vaccination n'est actuellement prévue au Québec pour les candidats jurés appelés à faire partie d'un jury. La sélection d'un jury formé de jurés adéquatement vaccinés soulève également des enjeux quant au droit à la vie privée des candidats jurés. Qui plus est, l'exclusion automatique de tous les candidats jurés qui ne sont pas adéquatement vaccinés pose potentiellement un problème quant à la représentativité du jury. Certes, la représentativité d'un jury a un sens restreint et ne concerne que la procédure utilisée pour dresser la liste des candidats jurés, et non sa composition finale. Toutefois, la procédure de sélection ne peut servir à contrecarrer la représentativité qui est essentielle au bon fonctionnement d'un jury.

Même si aucun des arguments avancés par l'accusé n'est fondé sur le Code criminel, l'on doute que la procédure de mise à l'écart prévue à l'art. 633 C.cr. puisse être utilisée pour constituer un jury formé exclusivement de personnes vaccinées. Soulignons, entre autres, qu'une personne mise à l'écart peut être rappelée selon le par. 641(1) C.cr. en cas d'épuisement de la liste des candidats jurés.

Reste l'argument subsidiaire de l'accusé selon lequel, en vertu de sa compétence inhérente, un juge de la Cour supérieure posséderait un pouvoir d'exclure les candidats jurés non vaccinés. Cet argument doit être écarté. La sélection d'un jury doit impérativement respecter les règles prévues dans la Loi sur les jurés et dans le Code criminel. Il n'appartient pas au juge de la Cour supérieure d'innover en appliquant un régime différent de celui qui est prévu pour la sélection d'un jury.

Cela dit, ce n'est pas parce que l'on ne peut exclure automatiquement un candidat juré pour la seule raison qu'il n'est pas adéquatement vacciné que l'on ne peut accorder à ce dernier une dispense en raison des risques sanitaires qui ne sont pas complètement inexistants, malgré toutes les mesures sanitaires mises en place. Non seulement un candidat juré non vacciné, mais aussi un candidat juré adéquatement vacciné pourraient demander une dispense en raison de craintes liées à la COVID-19.

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