L'accusée a reconnu avoir fraudé la petite entreprise familiale où elle a travaillé pendant 19 ans, et avoir falsifié des livres et des documents comptables dont elle faisait la tenue dans le cadre de son travail. Il s'agit maintenant de déterminer la peine qui doit lui être imposée. Le ministère public propose une peine de quatre ans d'emprisonnement. L'avocat de la défense considère, quant à lui, qu'une peine d'emprisonnement avec sursis de deux ans moins un jour serait appropriée.
La fraude s'élève à 628 339 $, et à 889 239 $ si l'on tient compte des implications fiscales. La période infractionnelle s'étend, elle, entre les mois de mars 2011 et février 2014. Il ne s'agit donc pas d'un geste isolé. L'accusée a effectué de multiples transactions frauduleuses. Pour camoufler son comportement, l'accusée a aussi, à de multiples reprises, falsifié des documents comptables et fait de fausses inscriptions dans ceux-ci. En outre, l'accusée a trois antécédents judiciaires en semblable matière (l'accusée en est à sa quatrième fraude envers un employeur). Par ailleurs, l'accusée a abusé de la confiance que les propriétaires de l'entreprise avaient placée en elle. L'impact de la fraude sur cette entreprise ne peut non plus être ignoré.
Cela dit, l'accusée a plaidé coupable, elle a des remords, qui semblent sincères, et elle a remboursé totalement la victime. L'accusée avait gagné un million de dollars à la loterie — ce qui ne l'a pas empêchée de frauder son employeur et de payer ses cartes de crédit avec l'argent de ce dernier — et possédait également une maison. Elle a donc pu rembourser à l'entreprise la totalité de ses pertes, les frais d'expertise ainsi que les frais de justice (poursuite civile). Il s'agit d'un montant total de 1,3 million de dollars. Par ailleurs, l'âge (69 ans) et les problèmes de santé de l'accusée sont également pris en compte. Bien que ces facteurs ne soient pas des facteurs atténuants en soi, ils font partie de la situation particulière de l'accusée et sont pertinents dans le processus de l'individualisation de la peine. En outre, la couverture médiatique dans cette affaire a rendu difficile le maintien d'un emploi pour l'accusée. Bien qu'elle ne soit généralement pas considérée comme une circonstance atténuante, dans ce cas particulier, la couverture médiatique a eu un impact concret sur l'accusée et est donc pertinente. Enfin, le problème de jeu de l'accusée (achat compulsif de billets de loterie) doit aussi être considéré. Au moment de la commission des infractions, l'accusée dépensait entre 1 500 $ et 4 000 $ par mois en billets de loterie.
L'avocat de la défense propose une peine d'emprisonnement avec sursis (une partie de l'infraction s'est produite au moment où l'emprisonnement avec sursis était encore disponible). Considérant les condamnations antérieures de l'accusée et le fait que cette dernière n'a pas véritablement réglé le problème à la base de son comportement criminel, l'on craint que l'imposition d'une peine d'emprisonnement avec sursis ne mette en danger la sécurité de la collectivité. Par ailleurs, les facteurs aggravants sont tels que l'on estime qu'un emprisonnement avec sursis ne serait pas conforme à l'objectif et aux principes de détermination de la peine, même en gardant à l'esprit le principe de la modération.
Quelle est donc la peine appropriée ? Pour la première fois de sa vie, l'accusée a consulté une intervenante pour comprendre ce qui l'a incitée à frauder ses divers employeurs à de multiples reprises. Cependant, l'accusée n'a pas fait d'efforts supplémentaires pour poursuivre le traitement qu'elle a commencé. L'on reconnaît les défis posés par la pandémie, mais le témoignage de l'accusée révèle que celle-ci n'a pas fait le moindre effort pour identifier l'existence de ressources qui pourraient être disponibles même pendant cette période difficile. De plus, l'on n'est pas persuadé que le problème de jeu de l'accusée est réglé. Cela dit, l'accusée semble comprendre qu'elle ne peut plus occuper des emplois qui lui donnent accès aux livres comptables ou à l'argent. Et à l'audience, l'accusée a exprimé son intérêt pour la reprise de la thérapie. Dans les circonstances, l'on doit rendre une peine qui privilégie la dissuasion et la dénonciation, tout en laissant la place à la réhabilitation. Bien qu'elle soit embryonnaire, la réhabilitation de l'accusée est considérée comme sincère et l'on souhaite encourager sa poursuite. Somme toute, une peine d'emprisonnement de deux ans assortie d'une probation d'une durée de trois ans, dont deux avec suivi, est appropriée. Bien qu'une peine d'emprisonnement plus longue n'ait pas été déraisonnable, l'on estime qu'une longue période de probation est nécessaire dans les circonstances. L'on impose donc la peine d'emprisonnement la plus longue possible pouvant être assortie d'une ordonnance de probation.