La preuve concernant le meilleur intérêt de l’enfant en matière de garde n’est pas toujours chose facile. Le tribunal a un large pouvoir discrétionnaire quant à son appréciation de la preuve présentée.
Souvent, les témoignages des parents et des proches sont au cœur de la preuve présentée. Une preuve contradictoire quant à des faits et des situations courantes sont démontrées devant le tribunal afin de prouver, par exemple, que la capacité parentale de l’autre parent est remise en question, que l’enfant est pris dans un conflit de loyauté ou, dans les cas extrêmes, que l’une des parties fait de l’aliénation parentale.
Heureusement, la preuve devant la Chambre de la famille ne se limite pas à ses éléments de témoignages contradictoires et des outils sont mis en place pour éclairer le tribunal à rendre la décision qui protège le mieux le meilleur intérêt de l’enfant.
Un de ces outils est l’expertise psychosociale. Le recours à un expert psychologue ou travailleur social est chose courante en matière de garde, mais la demande en justice demandant d’ordonner une expertise n’est pas automatiquement accordée. En plus du critère légal de la proportionnalité, des critères propres à cette expertise doivent être respectés.
Tout d’abord, l’expertise doit tendre à éclairer le tribunal familial et non pas servir à prouver les prétentions d’une partie. L’expertise sera complète et peut toucher différents aspects psychosociaux tels que la relation parents-enfants, la relation entre les parents, le système familial, le mode de vie, la capacité parentale et le danger relié à un type de garde.
Deux types d’expertises sont disponibles : l’expertise dite publique réalisée par le Service d’expertise psychosociale de la Cour Supérieure et l’expertise privée réalisée par une psychologue membre de l’Ordre des psychologues.
Le service d’expertise du Service de la Cour Supérieure est sans frais. Le Service d’expertise psychosociale a une équipe composée principalement de travailleurs sociaux spécialisés en la matière qui vont rencontrer les parties, les enfants et peuvent même évaluer le milieu de vie de la famille en se déplaçant lorsque nécessaire. Leur rapport sera étoffé, complet et des recommandations seront rendues afin d’éclairer le tribunal dans sa prise de décision.
L’expertise psychosociale privée sera effectuée par un psychologue en cabinet privé. Le psychologue recevra les deux parties et les enfants et rendra un rapport étoffé suite à une analyse de l’aspect social, mais également de l’aspect psychologique de la famille. Le psychologue fera passer des tests psychologiques aux parents afin de cerner les aspects de leur personnalité qui ont un impact sur leur relation parent-enfant ou sur leur relation avec l’autre parent. Quant à l’enfant, le psychologue analysera également sa personnalité, sa façon de répondre au conflit et pourra émettre des hypothèses sur les conséquences psychosociales d’un type de garde ou d’un autre.
Le tribunal peut également imposer d’office une expertise par le Service d’expertise psychosociale privé si, alors que le dossier est présenté devant lui, il estime qu’une expertise servirait la justice et viendrait en aide au tribunal qui aurait à rendre jugement postérieurement. L’expertise sera commune et le choix de l’expert ne relève pas des parties.
Quant à l’expertise psychosociale privée, elle engendre des coûts d’expertise et des coûts de témoignage pour l’expert qui devra venir présenter son rapport au procès. Les parties auront à s’entendre sur un expert et, à défaut, elles pourraient demander de choisir chacune un expert et deux rapports seront alors produits en preuve.
Bien que la contre preuve soit légalement possible, il est rare qu’elle soit accordée par le tribunal, surtout depuis l’entrée du nouveau Code de procédure civile de 2016, qui favorise nettement les expertises communes et la proportionnalité des moyens de preuve utilisés et des procédures par rapport à l’ampleur du litige.
Rappelons-nous également que l’expertise doit servir le tribunal et l’intérêt de l’enfant avant tout. Ainsi, le tribunal prendra connaissance du rapport soumis au préalable par les parties, entendra la preuve des témoins incluant le témoin expert et rendra jugement. Le tribunal n’est jamais lié par les recommandations de l’expert. Le tribunal considérera les recommandations du rapport remis, mais il est libre d’user de tout son pouvoir discrétionnaire et de son appréciation de l’ensemble de la preuve afin de rendre sa décision. Il peut par exemple s’inspirer des recommandations, en retenir certaines et en écarter d’autres, les suivre à la lettre ou les écarter complètement. Le tribunal a le devoir de motiver sa décision et les raisons pour lesquelles il refuse de suivre les recommandations d’un expert psychosocial dont le rôle principal est de le guider dans son appréciation de la problématique.
Il est donc très important de choisir le type d’expertise qui correspond le mieux à la problématique présentée et le choix de l’expert. Sa qualité d’expert devra notamment être prouvée et acceptée par le tribunal lorsqu'un expert de pratique privée sera convoqué à présenter sa preuve. Son curriculum vitae et son expérience en la matière devront convaincre le tribunal quant à sa capacité de rendre une expertise de haute qualité.
Une expertise psychosociale ne fait pas en sorte de faciliter la preuve présentée, éviter les témoignages ordinaires ou les documents mis en preuve. Elle complète la preuve autrement présentée et est un outil de plus pour qu’une décision juste et respectant le critère du meilleur intérêt de l’enfant soit rendue.