Les demandeurs reprochent à 9213-7926 Québec inc., qui exploite à Saint-Basile-le-Grand une concession automobile sous le nom d’« Olivier Hyundai St-Basile », de leur avoir caché le fait que le véhicule électrique qu’ils ont acheté auprès d’elle avait servi comme véhicule d’essai pour la clientèle avant sa vente et livraison. Outre une réduction de leur obligation, ils réclament des dommages punitifs de 5 000 $.
Le contrat de vente de véhicule neuf signé par les parties ne fait mention d’aucun kilométrage. Cependant, au moment de sa signature, le 14 juillet 2017, les demandeurs ont posé des questions quant au kilométrage de 700 km indiqué à l’odomètre. Le représentant leur a déclaré que cela résultait du fait que le véhicule avait roulé d’une concession de Val-d’Or à une concession de Saint-Jérôme aux fins de livraison, puis qu’il avait ensuite roulé de Saint-Jérôme à Saint-Basile. Peu de temps après, voyant dans Google Map que la distance séparant Val-d’Or et Saint-Basile était passablement moindre que 700 km, les demandeurs ont vérifié les données d’utilisation du véhicule, auxquelles ils ont accédé par l’ordinateur de bord. Le relevé de ces données prouve 27 déplacements variant entre 9 et 35 km pour la période du 23 mai au 11 juillet 2017, puis un déplacement de 91 km le 12 juillet, jour où le véhicule a roulé de Saint-Jérôme à Saint-Basile. Par ailleurs, la facture d’achat émise par Hyundai Auto Canada prouve que le véhicule a été vendu directement au concessionnaire de Saint-Jérôme le 11 mai 2017. Il a été directement livré à Saint-Basile le 12 juillet. Aucun concessionnaire de Val-d’Or n’a jamais servi d’intermédiaire. Ainsi, les données d’utilisation du véhicule et la facture d’achat émise par le distributeur contredisent de façon claire et flagrante la déclaration de 9213 selon laquelle le véhicule a été livré à partir d’un concessionnaire de Val-d’Or.
9213 n’a présenté aucune preuve contradictoire quant aux faits relatés ci-dessus. Elle plaide essentiellement que les demandeurs ont acheté le véhicule au prix vendu en toute connaissance de cause, puisqu’ils savaient que le véhicule avait roulé 700 km avant d’en prendre possession. Selon elle, ils ont accepté ce kilométrage pour obtenir une livraison plus rapide du véhicule neuf qu’ils voulaient acheter. Ces arguments font toutefois abstraction de ce que prévoit la Loi sur la protection du consommateur. Premièrement, l’art. 42 LPC énonce qu’une déclaration verbale faite par un représentant du commerçant à propos d’un bien lie ce commerçant. Or, lorsque les demandeurs ont discuté avec le représentant de 9213, au début du mois de juillet 2017, pour lui expliquer que le véhicule qu’ils avaient acheté en mai chez Gabriel Hyundai n’avait toujours pas été livré et lui demander s’il pouvait leur vendre le modèle avec livraison immédiate, celui-ci leur a dit que c’était possible. Ils ont négocié un prix pour un véhicule précis et il a été décidé que, si les demandeurs réussissaient à faire annuler leur contrat avec Gabriel, la transaction se concrétiserait. Le représentant n’a jamais fixé de limite de temps sur le prix convenu. Il est donc étonnant que, à peine quelques jours plus tard, lorsque les demandeurs sont revenus le voir pour lui dire qu’ils avaient réussi à annuler leur autre contrat et pour conclure la transaction, il leur a dit que le véhicule convoité avait été vendu, mais qu’un autre véhicule identique était en voie de livraison à un prix majoré de 2 966,60 $. Il s’agit là d’une pratique interdite à l’égard du prix. En effet, l’art. 224 c) LPC refuse au commerçant la possibilité d’exiger pour un bien un prix supérieur au « prix annoncé ». La LPC ne définit pas cette notion, mais elle doit recevoir une interprétation large et libérale qui favorise l’accomplissement de l’objet de la loi. Ainsi, 9213 ne pouvait pas modifier unilatéralement le prix convenu avec les demandeurs lorsque ceux-ci lui ont manifesté leur intention de signer le contrat de vente.
Deuxièmement, la fausse déclaration pour expliquer les 700 km à l’odomètre constitue une représentation trompeuse au sens des art. 219 et 228 LPC. À l’évidence, 9213 a eu recours à une manoeuvre déloyale afin de justifier un kilométrage relativement élevé pour un véhicule prétendument neuf dans le but de contourner les dispositions de la loi qui traitent des contrats de vente d’automobiles d’occasion, plus particulièrement l’art. 156 d), qui indique que l’étiquette de vente apposée sur le véhicule doit divulguer, le cas échéant, le fait que l’automobile a été utilisée comme automobile pour la clientèle ou démonstrateur. La LPC ne définit pas la notion de « démonstrateur ». Par contre, le seul fait que l’automobile ait été utilisée pour la clientèle constitue la « fin autre » définie à l’art. 1 c) LPC. La définition exacte de « démonstrateur » importe donc peu en l’espèce. Cela dit, le Multidictionnaire indique que le mot « démonstrateur » constitue un anglicisme au sens de « voiture d’essai ». Force est donc de conclure que l’art. 156 d) utilise l’anglicisme « démonstrateur » comme synonyme de « voiture d’essai » ou, pour reprendre les termes utilisés dans la définition d’automobile d’occasion de l’art. 1 c), une « automobile utilisée par la clientèle à une fin autre que pour sa livraison ou sa mise au point ». L’argument de 9213 voulant que des essais multiples par plusieurs clients étant des acheteurs potentiels font partie du processus de livraison du véhicule est mal fondé juridiquement et ne peut être retenu. Le processus de livraison ne commence qu’après la conclusion du contrat de vente. Ici, le véhicule a été utilisé plusieurs fois avant la vente. Il ne peut non plus s’agir d’essais routiers aux fins de « mise au point », parce que les essais ont eu lieu après la vente du véhicule par le distributeur à un concessionnaire. Par conséquent, le véhicule ici vendu était une « automobile d’occasion ». 9213 a donc enfreint les art. 1c), 16, 40, 42, 224 c), 219, 228, 155 et 156 d) LPC.
Les demandeurs réclament 2 966,60 $ en réduction de leur obligation. Ils témoignent que, s’ils avaient su que le véhicule avait été utilisé aussi souvent, jamais ils n’auraient accepté de conclure la transaction pour le supplément exigé de 2 966,60 $. Ils auraient maintenu leur décision d’acheter le véhicule chez Gabriel Hyundai pour 2 966,60 $ de moins, même si le délai de livraison était plus long. Le tribunal en est convaincu. À tout événement, l’art. 253 édicte qu’il y a présomption que, si le consommateur avait eu connaissance des pratiques interdites du commerçant lors de la vente, il n’aurait pas contracté ou n’aurait pas donné un prix si élevé. Enfin, le fait pour 9213 de s’être livrée à une pratique interdite au regard du surplus de prix demandé pour le véhicule justifie à lui seul de faire droit à la réduction demandée.
Il convient aussi de condamner 9213 au paiement de dommages punitifs. En effet, la pratique qui consiste à vendre faussement comme véhicules neufs des véhicules d’essai est sans doute lucrative pour les commerçants, mais elle est hautement blâmable et de nature à compromettre sérieusement la confiance du consommateur dans un marché efficient de la vente de véhicules prétendument neufs. Tenant compte des trois objectifs poursuivis par l’octroi de dommages punitifs, soit la punition, la dissuasion et la dénonciation, des montants accordés en semblables matières par la jurisprudence et du prix de vente de 40 000 $ payé pour un véhicule d’occasion vendu comme véhicule neuf, le tribunal arbitre à 4 000 $ les dommages punitifs accordés.