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Le gouvernement met finalement sur la tablette l’idée d’ajouter un droit privé d’action à notre loi en matière de courriels et de pourriels

Par Me Sébastien Lapointe, Techtonik Legal inc.
Le gouvernement met finalement sur la tablette l’idée d’ajouter un droit privé d’action à notre loi en matière de courriels et de pourriels

On entendait ce matin un énorme soupir de soulagement de la quasi-totalité de la communauté des affaires, par un revirement auquel personne ne s’attendait. Les médias rapportent que le ministre Bains annonçait ce matin que le Canada met finalement sur la glace les dispositions de la loi canadienne en matière de pourriels (la « LCAP », ou « CASL », de son acronyme anglophone) visant à créer un droit privé d’action pour tous. On renverse ainsi la vapeur sur un processus qui devait en principe culminer le 1er juillet 2017 dans l’ajout à la LCAP d’un droit pour tous de poursuivre les entreprises délinquantes en matière de pourriels et de consentements reliés aux courriels.

Pour ce faire, le Bureau du Conseil privé a abrogé le décret d’adoption de la LCAP (de 2013), en en retirant simplement le paragraphe traitant de l’entrée en vigueur éventuelle des articles 47 et suivants de la LCAP. Pour l’instant, on suspend donc l’entrée en vigueur des dispositions en question… indéfiniment. Pas d’entrée en vigueur, pas de problème, de dire plusieurs.

Cette nouvelle a d’ailleurs de quoi réjouir de nombreuses entreprises qui s’inquiétaient passablement du risque que leur ferait courir un droit privé d’action. On croyait à ce sujet à un déluge potentiel de procédures à compter du 1er juillet prochain, particulièrement des recours collectifs, contre les entreprises de tous acabits. C’est vraisemblablement cette pression qui aura finalement eu raison des dents qu’on s’apprêtait à ajouter à la LCAP. C’est donc officiel, l’idée d’introduire dans la LCAP un droit privé d’action (sanctionnant le défaut d’une entreprise de se conformer à la LCAP) est pour l’instant écartée et sera éventuellement repensée.

En attendant, plusieurs dirigeants d’entreprises et leurs procureurs respirent un peu mieux depuis ce matin. Bien que la vaste majorité des règles énoncées par la LCAP demeure, au moins le plus grand risque que continueront de craindre nos entreprises (en cas de pratiques défaillantes relativement aux communications numériques) est d’être contacté et éventuellement ciblé par le CRTC à cause d’une plainte de citoyen.

En pratique, en quelques années d’application de la LCAP, le nombre de cas réels de litiges mus par le CRTC pour l’appliquer demeure (relativement) modeste et généralement mené en donnant une chance aux entreprises ciblées de démontrer leur bonne foi, de corriger leurs pratiques pour l’avenir, etc. Bien qu’il demeurera important de tenter de se conformer à la LCAP, en cas de problème, au moins c’est au CRTC que continueront pour l’instant d’avoir à faire nos entreprises et non à une foule de demandeurs potentiellement motivés par l’appât du gain.

Le gouvernement propose maintenant de réfléchir à cette question en ramenant la question, en temps et lieu, devant le Parlement. Restera à voir à quelle vitesse ce processus s’effectuera. À en juger par la quantité importante de critiques formulées par les entreprises et les juristes contre le régime de droit privé d’action, depuis quelques années, je ne parierais pas sur un retour à la vie très rapide de cette idée, du moins sans des adaptations majeures à ce qui était envisagé à ce sujet.

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À propos de l'auteur

Maître Sébastien Lapointe œuvre depuis plus de vingt ans en pratique privée centrée sur le droit des affaires et, en particulier, l’interaction entre celui-ci et les questions de propriété intellectuelle, dont de droit des technologies. Sa pratique se centre particulièrement sur l’enregistrement de droits de propriété intellectuelle et les ententes de transfert de droits et de technologies, dont les licences, et ce, autant au Canada qu’à l’étranger.

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