I. Introduction
Un consommateur peut-il bénéficier d’une présomption absolue de préjudice en vertu de la Loi sur la protection du consommateur (« LPC ») alors que le manquement allégué n’aurait eu aucun impact sur sa décision de conclure un contrat ? Non, selon la Cour d’appel dans l’arrêt Dion c. Compagnie de services de financement automobile Primus Canada. Encore faut-il qu’il y ait une proximité suffisante entre le contenu de la déclaration prétendument fausse ou trompeuse et le bien ou le service visé par le contrat.
II. Faits
Il s’agit de quatre recours collectifs, chacun contre Primus, GMAC, Nissan et RBC. Certains consommateurs voulant acheter une auto à crédit ont signé des contrats comportant des frais de publication au RDPRM. Cependant, ces frais étaient représentés par un montant unique alors qu’en réalité, une partie était payable au RDPRM, et l’autre partie était payable au fournisseur de service. Les consommateurs allèguent donc que ces clauses donnent une impression fausse et trompeuse que le montant exigé représente le montant payable au RDPRM, ce qui constitue ainsi une pratique interdite au sens de la LPC.
III. Décision de la Cour supérieure (l’honorable Claudine Roy)
La Cour supérieure conclut tout d’abord que le Titre II de la LPC, qui énonce les pratiques interdites, s’applique aux actions sur contrat. La Cour conclut ensuite que certaines clauses concernant les frais d’inscription et de publication au RDPRM dans les contrats de Primus, GMAC et Nissan sont trompeuses. Enfin, la Cour n’a pas accordé de remboursement aux consommateurs, car ces derniers avaient admis qu’ils auraient quand même signé le contrat sachant qu’une partie de la facture était payable au fournisseur de service et non au RDPRM. En effet, le caractère trompeur de la représentation n’avait aucun impact sur les consommateurs. Cependant, la Cour condamne GMAC et Nissan chacun à des dommages punitifs de 150 000 $, car ils ont fait preuve de négligence sérieuse de par leurs actions trompeuses.
IV. Décision de la Cour d’appel (les honorables Kasirer, Émond et Schrager)
La Cour d’appel confirme que le Titre II de la LPC s’applique aux actions sur contrat. Ensuite, la Cour explique que l’article 227.1 LPC n’exige pas que le montant payable au RDPRM soit découpé et détaillé. Ainsi, la juge de première instance avait raison de dire que la formulation de certaines clauses de frais était acceptable. L’article 227.1 LPC exige cependant que ce montant ne soit pas faussement indiqué. La juge avait donc raison de déclarer certaines clauses des contrats de Primus, GMAC et Nissan trompeuses.
La Cour d’appel confirme que les consommateurs n’ont subi aucun préjudice en raison de ces déclarations mensongères. En effet, la décision des consommateurs de payer les frais n’était pas influencée par la pratique interdite adoptée par les commerçants. La Cour énonce aussi que le fait que les consommateurs n’aient pas pu négocier le contrat ne constitue pas un préjudice :
[85] The judge in first instance correctly applied the aforementioned to the instant case when she held that the last criterion had not been satisfied given the stipulation that the Consumers would have purchased or leased a vehicle had the charge in question been itemized or broken down. There was, accordingly, no nexus between the prohibited practice and the Consumers’ behaviour. The Consumers’ decision to pay the amount of the charge or to “perform the contract” was not influenced by the prohibited practice. Thus, there was no presumption of prejudice. There was no evidence and indeed the stipulation indicated that the Consumer would have paid the amount in any event. Moreover, the amount charged was the actual amount of the Merchants’ total cost to cause the contract to be published at the RDPRM; the Merchants did not profit by the practice. This was the trial judge’s conclusion and I find no error in it.
[86] Appellants invoke subsidiarily before this Court testimony of certain Consumers, members of the class to the effect that had they known the details of the charge in question they would have negotiated. Appellants argued that this in itself is a prejudice. I disagree. This Court speaking through Baudouin J.A. decided in Harmegnies c. Toyota Canada inc., that it is doubtful that the fact of being unable to negotiate a purchase price would constitute a prejudice that would apply across a proposed class of consumers. In that case, Toyota’s single retail non-negotiable pricing policy was under scrutiny. Baudouin J.A. noted that while some might feel deprived of an advantage, others might be relieved. Moreover, he noted that the difficulty of quantifying such prejudice adds to the difficulty of qualifying it as a prejudice. This observation certainly finds application in the present case. (Nos soulignements)
De plus, les procureurs de GMAC contestent le statut de représentant de l’appelant Daneau, vu que la description des frais dans son contrat n’était pas trompeuse. Or, la Cour rappelle qu’il n’y a rien dans la loi qui exige que le recours soit identique pour tous les membres du groupe.
La Cour conclut enfin qu’il n’y a aucune raison d’intervenir pour augmenter le quantum des dommages punitifs imposés à GMAC et Nissan. L’objectif ici est d’encourager le changement de rédaction du formulaire, peu importe le nombre de fois que ce formulaire ait été utilisé. La Cour précise aussi que le mode de recouvrement (individuel ou collectif) ne devrait pas influencer la détermination du quantum des dommages punitifs.
La Cour d’appel rejette donc les appels dans les quatre dossiers.
V. Commentaire de l’auteur
Dans l’arrêt Dion, la Cour d’appel, sous la plume du juge Schrager, rappelle que même une présomption absolue de préjudice découlant d’une violation de la LPC nécessite une analyse sérieuse des faits pertinents. Une simple violation, à elle seule, ne donne pas ouverture à un remède. Lorsqu’il est question d’une représentation fausse ou trompeuse, encore faut-il que cette représentation soit l’objet d’une prise de connaissance par le consommateur, qu’un contrat ait été formé ou modifié par la suite, et que la représentation soit véritablement liée à l’objet du contrat en question. Ces principes salutaires, qui se dégagent de l’arrêt Richard c. Time Inc., [2012] 1 R.C.S. 8, exigent qu’une violation de la LPC soit étudiée non pas de façon abstraite, mais pragmatiquement, dans un contexte factuel et juridique précis.