Skip to content

Dans le cadre de son jugement sur l'admissibilité d'un rapport d'infraction, le tribunal fait une mise en garde sur l'évolution rapide des technologies, dont l'intelligence artificielle, et la protection des données numériques gouvernementales.

Résumé de décision : Agence du revenu du Québec c. 9389-1638 Québec inc., EYB 2024-540978, C.Q., 7 février 2024
Dans le cadre de son jugement sur l'admissibilité d'un rapport d'infraction, le tribunal fait une mise en garde sur l'évolution rapide des technologies, dont l'intelligence artificielle, et la protect

L'ARQ reproche à la défenderesse d'avoir commis une infraction à la Loi sur l'administration fiscale. Plus précisément, il est reproché à la défenderesse de ne pas avoir tenu, au moyen d'un appareil prescrit, un registre dans lequel sont contenus les renseignements prévus à l'art. 350.51 de la Loi sur la taxe de vente du Québec. Le procès se déroule en l'absence de la défenderesse et l'ARQ procède par dépôt d'une preuve documentaire, à savoir le rapport d'infraction (et son complément). L'ARQ a été questionnée sur la conformité de ces documents au regard du Règlement sur la forme des rapports d'infraction (RFRI). La présente décision s'attaque à la question de l'admissibilité en preuve de ces documents.

L'analyse sémantique et syntaxique du RFRI et du Règlement sur la forme des constats d'infraction (RFCI) démontre une intention claire d'encadrer la forme des constats et des rapports d'infraction en édictant des règles impératives et non facultatives. On peut donc dire que le RFCI et le RFRI imposent aux policiers un formalisme rigoureux à défaut duquel les constats et les rapports d'infraction ne pourront pas remplacer le témoignage du policier dans un dossier donné.

Dans la présente affaire, le constat d'infraction produit au dossier correspond au modèle du constat d'infraction délivré soit pour les infractions relatives au contrôle du transport routier, à la sécurité routière et au stationnement d'un véhicule, soit pour les infractions dont une municipalité est chargée de la poursuite. La principale chose qui distingue ce modèle de celui du constat d'infraction général se situe au niveau des rubriques permettant l'identification d'un véhicule et l'identification de son conducteur. Le RFRI prévoit toutefois que le rapport d'infraction abrégé peut être joint à chacun de ces constats d'infraction. Or, les formulaires utilisés par l'ARQ correspondent, à première vue, au rapport d'infraction abrégé. Ces formulaires comportent en effet les indications prévues aux art. 19 et 20 du RFRI relativement à ce type de rapport d'infraction et au complément de ce rapport. Par contre, aucun code, marque ou mention informatiques permettant d'assurer la sécurité de l'information que contiennent les formulaires ne se retrouve sur ces derniers (art. 18 et 21 du RFRI). De plus, tant le constat d'infraction que les formulaires utilisés sont déposés en preuve sur un support papier ordinaire sans filigrane permettant de vérifier que l'information contenue n'en est pas altérée et qu'elle est maintenue dans son intégralité conformément à la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information. Cela dit, en l'absence de contestation et de preuve démontrant, selon la prépondérance des probabilités, une atteinte à l'intégrité des documents, ces derniers sont présumés intègres.

Malgré les vices constatés, les documents produits en preuve par l'ARQ sont présumés, à ce stade, répondre aux règles minimales procédurales découlant du Code de procédure pénale, du RFCI et du RFRI. Une mise en garde s'impose cependant. Lors de l'adoption de ce code et de ses règlements subséquents, le législateur manifestait son intention d'offrir une procédure efficace et équitable permettant la mise en oeuvre du droit substantif dans le respect des parties au litige. L'instauration de règles entourant l'usage des constats et des rapports d'infraction satisfait à ces exigences en plus de favoriser l'accessibilité à la justice. Ces règles ont toutefois été mises en place il y a plus de 20 ans. Depuis ce temps, les technologies ont évolué à un rythme exponentiel si bien que les termes cyberattaques, rançongiciels et hameçonnages sont maintenant bien connus de tous et que l'intelligence artificielle met aujourd'hui à la portée des néophytes ce que seuls des experts informaticiens pouvaient exécuter et créer dans un passé non lointain. Les organismes publics, de même que l'ensemble des ministères, ont à l'heure actuelle l'obligation d'assurer la sécurité des ressources informationnelles et de l'information qu'ils détiennent ou qu'ils utilisent afin d'accroître la performance et la résilience de l'administration publique et de rehausser la qualité et la protection des données numériques gouvernementales. Il est du devoir du poursuivant (l'ARQ, dans la présente instance) de maintenir la conformité, l'exactitude et la fiabilité des données qu'il entend produire, et ce, tout au long de leur cycle de vie. Ce devoir doit être acquitté avec les mêmes exigences, que le procès ait lieu en présence du défendeur ou encore en son absence.

En somme, le rapport d'infraction et le complément de ce rapport qui ont été déposés sont conformes aux exigences de l'art. 62 C.p.p. et du RFRI et l'information qu'ils contiennent est admise en preuve afin de tenir lieu du témoignage de la personne autorisée par l'ARQ.

Également d’intérêt
© Thomson Reuters Canada Limitée. Tous droits réservés. Mise en garde et avis d’exonération de responsabilité.