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La Cour d’appel du Québec refuse d’entendre la multinationale Uber

Uber Canada inc. c. Québec (Agence du revenu), EYB 2016-269105 (C.A., 12 août 2016)
La Cour d’appel du Québec refuse d’entendre la multinationale Uber

Uber Canada (Uber) sollicite la permission d'appeler du jugement de la Cour supérieure qui a rejeté sa requête en certiorari, laquelle visait à faire annuler les mandats que l'Agence du revenu du Québec (ARQ) a obtenus pour perquisitionner ses bureaux. Elle soutient que le juge de la Cour supérieure (le juge réviseur) a commis quatre erreurs de droit qui soulèvent des questions suffisamment importantes pour justifier que la permission d'appeler soit accordée.

Uber soutient, dans un premier temps, que le juge réviseur a commis une erreur en concluant que les dénonciations établissent les motifs raisonnables requis pour la délivrance des mandats de perquisition. Selon elle, le juge réviseur n’a pas appliqué le bon critère juridique. Elle a tort. Il est évident que le juge réviseur ne pouvait se contenter de motifs raisonnables de croire qu'Uber n'avait pas respecté les lois fiscales, au sens large. La tâche du juge réviseur consistait plutôt à examiner s'il y avait des motifs raisonnables de croire que les infractions fiscales particulières alléguées dans les dénonciations avaient été commises. Or, lorsque l'on considère sa déclaration quant au critère juridique applicable à la contestation d'un mandat de perquisition, son allusion aux infractions alléguées et son analyse de la question eu égard aux faits, il est clair que le juge réviseur n'a pas fait l'erreur qui lui est imputée.

Toujours dans le cadre de ce premier moyen, Uber affirme que le juge réviseur a commis deux autres erreurs. Ce dernier aurait erré, d'abord, en concluant que les dénonciations établissent des motifs raisonnables de croire qu'Uber a participé, consenti ou acquiescé à la fabrication de déclarations fausses ou trompeuses dans les déclarations fiscales. Il aurait erré, ensuite, en concluant que les dénonciations établissent des motifs raisonnables de croire qu'Uber aide les chauffeurs qui participent à son service UberX à éluder le paiement de la TPS et de la TVQ. Or, aucune de ces questions n'a quelque chance de succès en appel. Une lecture attentive des motifs détaillés du juge réviseur indique que l'exigence pour la validité des mandats de perquisition a été satisfaite en ce qui a trait à la participation d'Uber dans les infractions alléguées.

Uber soutient, dans un deuxième temps, que le juge réviseur a erré en concluant que l'ARQ n'avait pas l'obligation de décrire le régime fiscal applicable dans les dénonciations. Cet argument n'a aucune chance raisonnable de succès. À l'instar du juge réviseur, nous sommes d'avis que l'arrêt R. c. Branton rendu par la Cour d'appel de l'Ontario n'étaye pas la prétention selon laquelle un enquêteur a toujours l'obligation de décrire le régime légal applicable à la perquisition qu'il souhaite effectuer et que son omission de le faire constitue nécessairement une violation de son obligation juridique d'exposer les faits d'une manière complète et sincère. Cela est particulièrement vrai si l'on tient compte de la règle selon laquelle le juge qui délivre un mandat de perquisition est présumé connaître la loi.

Uber soutient, dans un troisième temps, que le juge réviseur a erré en concluant que les chauffeurs UberX ne peuvent être considérés comme des « petits fournisseurs » qui peuvent bénéficier d'une exemption des taxes applicables. Ici encore, l'argument avancé n'a aucune chance raisonnable de succès. Le juge réviseur a considéré longuement l'argument d'Uber et a rejeté l'interprétation que celle-ci a proposée quant au régime juridique applicable.

Dans un quatrième et dernier temps, Uber soutient que le juge réviseur a commis une erreur en concluant que la description des objets saisis est conforme aux exigences de l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. En outre, le juge réviseur aurait commis une erreur en décidant que le juge qui a délivré les mandats de perquisition n'était pas tenu d'imposer un protocole de perquisition à l'avance afin de respecter la protection de la vie privée garantie par la Charte canadienne. Il convient de rappeler, d'emblée, que l'examen effectué par le juge réviseur ne porte pas sur la manière dont un mandat de perquisition est exécuté, mais sur sa délivrance. Sur la question de la portée de la perquisition et l'absence de protocole, le juge réviseur a examiné la jurisprudence pertinente en détail, dont l'arrêt R. c. Vu. Or, dans cet arrêt, le juge Cromwell explique qu'en règle générale, un protocole de perquisition n'est pas requis par la Constitution. Quant à la description des objets saisis, le juge réviseur a considéré à juste titre l'affaire Cohen c. Québec (Procureur général). Aucun des arguments avancés ne suggère qu'un appel sur la portée de la perquisition aurait une chance raisonnable de succès. Il convient d'ajouter que le juge réviseur a pris soin de rappeler aux parties que l'exécution des mandats de perquisition ne pouvait pas se dérouler d'une manière qui serait déraisonnable ou abusive en vertu de la Charte canadienne.

Somme toute, compte tenu du rôle du juge réviseur et des motifs invoqués par ce dernier pour rejeter la requête en certiorari, nous réitérons que l'appel sollicité n'aurait aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, la requête pour permission d'appeler est rejetée.


Ce résumé est également publié dans La référence, le service de recherche juridique en ligne des Éditions Yvon Blais. Si vous êtes abonné à La référence, ouvrez une session pour accéder à cette décision et sa valeur ajoutée, incluant notamment des liens vers les références citées et citant.

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