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À peine deux mois après son arrivée au Canada, une femme victime de violence conjugale quitte son domicile familial avec ses deux jeunes enfants. Pour ses gestes et en dépit des conséquences indirectes en matière d’immigration, le mari violent est condamné à une peine totale de 20 mois d'emprisonnement.

Résumé de décision : R. c. A.W., C.Q., 25 septembre 2020
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Deux mois après son arrivée au Canada, Mme L. M. (la victime) quitte le domicile familial avec ses deux jeunes enfants. Qu'est-ce qui pousse une femme à quitter son domicile familial, à peine deux mois après son arrivée dans un nouveau pays, alors qu'elle est dans une position de vulnérabilité importante, sans réseau social ni ressource, et qu'elle fait face à une barrière linguistique? La violence de son mari (l'accusé en l'occurrence). Les menaces et les coups quotidiens, parfois avec des objets, ainsi que des relations sexuelles non consenties. Pourquoi tout cela se produit-il? Parce que la victime est une femme, parce qu'elle est LA femme de son mari. Pour l'ensemble des gestes, le ministère public suggère une peine d'emprisonnement de deux ans suivie d'une probation de trois ans. De son côté, l'avocat de la défense demande de favoriser la situation de l'accusé vis-à-vis de l'immigration, considérant que ce dernier est résident permanent et qu'il sera expulsé du Canada, en plus de perdre son droit d'appel de cette mesure, s'il est condamné à une peine de plus de six mois d'emprisonnement. Selon l'avocat de la défense, une telle mesure serait disproportionnée par rapport aux infractions commises.

La gravité objective des infractions (voies de fait, voies de fait armées, menaces de mort ou de lésions corporelles et agression sexuelle) est évidente, et la gravité subjective des infractions est très importante. Il est question ici de mauvais traitements envers une conjointe (violence conjugale). La violence, physique et psychologique, a été employée quotidiennement et à répétition pendant près de deux mois au cœur du domicile familial. L'abus de confiance a été tel que la victime, qui était particulièrement vulnérable, souffre encore des gestes et de la manipulation de son mari, au point où elle se sent responsable des conséquences qu'une peine entraînant son expulsion aurait sur lui. Par ailleurs, le risque de récidive est élevé.

Cela dit, l'accusé est un actif pour la société et il a bien collaboré à la confection du rapport présentenciel. Il serait aussi ouvert à une thérapie sur la gestion de la colère, mais cette suggestion apparaît plutôt utilitaire. L'avocat de la défense précise que la criminalité de l'accusé est ciblée à la violence conjugale. On ne voit pas en quoi cela est une bonne nouvelle, surtout si l'on considère le risque élevé de récidive. L'avocat de la défense ajoute également que l'accusé n'est pas originaire du Canada, que sa culture est différente et que, pour lui, pousser sa conjointe ne constitue pas un voie de fait. Premièrement, aucune preuve de distinction culturelle n'a été faite. Deuxièmement, il est bien établi que nul n'est censé ignorer la loi. Troisièmement, les faits retenus révèlent bien plus que de simples poussées.

Les peines imposées pour la violence conjugale sont très variées. Il n'y a pas deux cas identiques. Toutefois, la jurisprudence évolue, et l'on peut constater que les tribunaux dénoncent de plus en plus ce type de violence. Prioriser la dénonciation en cette matière permet notamment d'accroître la confiance du public dans la réponse du système de justice face à ce crime.

Au regard de tout ce qui précède, une peine de 18 mois d'emprisonnement s'impose pour l'agression sexuelle. Est-ce que le risque de déportation et la perte du droit d'appel envers cette mesure sont susceptibles de réduire la peine à moins de six mois? Clairement, la réponse est non. Les gestes posés par l'accusé envers sa conjointe sont graves. Par ces gestes de violence, l'accusé voulait rappeler à sa conjointe que c'était lui qui avait le pouvoir. La volonté de l'accusé de dominer et de contrôler sa conjointe par la force brute est inacceptable. Il faut sévir par une peine indiquant la gravité de ces gestes. Dans les circonstances, se rendre à la suggestion de l'avocat de la défense serait contraire à ce que la Cour suprême du Canada a établi dans l'arrêt Pham, puisque cette suggestion est nettement à l'extérieur de la fourchette en semblable matière. Cela nierait la gravité des gestes et le degré de responsabilité de l'accusé, en plus de ne pas considérer adéquatement le mauvais traitement envers une conjointe et l'agression sexuelle. L'accusé est donc condamné à une peine totale de 20 mois d'emprisonnement (18 mois + 2 mois (consécutif) + 1 mois (concurrent) + 1 mois (concurrent)), laquelle sera suivie d'une probation de trois ans.

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