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En raison de la pandémie de la COVID-19, le tribunal accepte de reporter à plus tard le procès de l'accusé. Il n'y a pas d'urgence à procéder. Et même s'il y avait urgence, il serait difficile de tenir un procès juste et équitable.

Résumé de décision : R. c. Lamothe, C.Q., 15 avril 2020
En raison de la pandémie de la COVID-19, le tribunal accepte de reporter à plus tard le procès de l'accusé

En raison de l'état d'urgence sanitaire décrété pour l'ensemble du territoire québécois, le ministère public demande à ce que le procès de l'accusé soit remis. Étant détenu depuis environ un an, l'accusé s'oppose à cette demande et exige que son procès ait lieu comme prévu.

Le Plan de continuité des services de la Cour du Québec dans le contexte de la COVID-19, qui est en vigueur jusqu'au 31 mai 2020 inclusivement, prévoit qu'en matière criminelle, un procès pourra se tenir seulement si un juge détermine qu'il y a urgence, et ce, suivant le processus établi par le juge coordonnateur régional de chacune des dix régions. Pour les districts judiciaires de Laval, des Laurentides, de Lanaudière et de Labelle, la directive stipule qu'il appartiendra à la partie qui s'oppose à la demande de faire la preuve au juge du procès (par conférence téléphonique ou autrement) de l'urgence à procéder, et ce, malgré le contexte des mesures sanitaires extrêmes décrétées par les gouvernements pour contrer la pandémie de la COVID-19.

Est urgent ce dont on doit s'occuper sans retard. En l'espèce, il n'y a pas d'urgence à procéder. D'abord, l'accusé doit aujourd'hui assumer les conséquences de ses choix stratégiques. Après avoir maintenu son choix d'être jugé par un tribunal composé d'un juge et d'un jury, l'accusé a modifié ce choix et décidé d'opter pour un procès devant un juge seul. Il s'est écoulé près de sept mois durant lesquels son dossier n'a pas cheminé. En outre, les plafonds présumés de 18 et 30 mois établis par l'arrêt Jordan sont encore loin d'être atteints. De surcroît, rien ne me permet de croire que l'accusé n'aura pas droit à une défense pleine et entière. Enfin, il n'y a pas d'indice que la détention préventive de l'accusé risque de correspondre à peu près ou soit même supérieure à la peine appropriée qu'il purgerait s'il était reconnu coupable. Par conséquent, l'ajournement recherché par le ministère public est accordé.

Et même s'il y avait urgence, il serait difficile de tenir un procès juste et équitable dans les circonstances uniques que nous vivons. Les nouvelles technologies nous permettent assurément d'être plus imaginatifs et efficaces, mais certains impératifs demeurent. Bien que l'accusé consente à être présent à distance, l'on est tout de même soucieux de la disponibilité des ressources technologiques limitées en cette période de crise. Permettre que l'accusé puisse assister à son procès par vidéoconférence implique de monopoliser, pour une journée entière, de l'équipement pour le moment destiné aux comparutions et aux enquêtes sur remise en liberté. Par ailleurs, les avocats n'ont pas accès aux établissements où sont détenus leurs clients. Ils ne peuvent communiquer entre eux que par téléphone ou par vidéoconférence, pour un très bref moment, lorsque le dossier est au rôle de la Cour. L'on entrevoit là des embûches à l'égard de la préparation de la cause et une problématique relative à la confidentialité des communications entre l'avocat et son client. Quant au témoignage de la plaignante et des autres témoins du ministère public, l'accusé avance que ceux-ci pourraient également déposer par vidéoconférence, à partir d'un palais de justice se situant près de leurs lieux de résidence respectifs. Contraindre ces gens à quitter leur domicile pour se rendre dans un endroit public, en courant le risque de compromettre leur santé, n'est pas approprié dans les circonstances et va à l'encontre des recommandations de confinement formulées par les autorités gouvernementales. Enfin, aucun des enregistrements vidéo des déclarations que la plaignante a faites aux policiers n'a malheureusement été transcrit. Cela pose certains problèmes du point de vue de l'administration de la preuve.

Pour conclure, on ne peut que constater qu'en cette période de crise, les circonstances évoluent rapidement, de jour en jour, faisant en sorte que la situation qui prévalait au moment où le juge Pierre Lortie rendait son jugement dans l'affaire R. c. Fontaine est désormais chose du passé. Et le soussigné souhaite que sa décision devienne révolue tout aussi rapidement, ce qui voudra dire que nous aurons tous repris le cours d'une vie « normale ».

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