Pour la plupart des gens, la toile de fond de cette affaire représente une vie de banlieue paisible et conviviale. Pour le plaignant et sa famille, c'est une nuisance insupportable. En effet, pour ces derniers, la présence de jeunes enfants jouant dans leur paisible rue en demi-lune est une source de mépris et de vif ressentiment. Ce mépris et ce ressentiment se sont soldés par une plainte au criminel contre un père attentionné de deux jeunes filles qui n'a commis aucun crime, mais qui, malgré tout, fait l'objet d'accusations criminelles (harcèlement criminel et menace de mort) depuis près de deux ans. Le temps est venu de mettre fin à cette injustice.
D'emblée, il convient de préciser que le ressentiment que les plaignants éprouvent envers leurs voisins (pas seulement la famille de l'accusé) est réciproque. L'accusé n'a pas tenté de le nier. Toutefois, ce n'est pas un crime de ne pas aimer un voisin ni de l'exprimer. Ce qui importe, c'est de savoir si l'accusé a commis l'un des actes interdits énumérés à l'art. 264 C.cr.
Il n'y a aucune preuve que l'accusé a surveillé ou suivi les plaignants ou qu'il a communiqué avec eux de façon répétée. Évidemment, l'accusé passait souvent devant la maison des plaignants. C'est compréhensible, voire inévitable. Ce sont des voisins. Ils vivent à quelques maisons l'un de l'autre. Mais ce n'est pas illégal de regarder la maison de son voisin. Et même si l'accusé avait filmé la maison des plaignants (ce n'est pas le cas, la preuve vidéo est claire), cela ne constituerait pas du harcèlement criminel. Bien que filmer quelqu'un puisse constituer du harcèlement criminel dans certaines circonstances, rien n'interdit de filmer la maison d'un voisin à partir d'un lieu public (de l'autre côté de la rue, par exemple), en plein jour, si l'on ne surveille pas ses allées et venues, si l'on ne regarde pas dans sa maison et si l'on n'utilise pas de zoom. Il est tout de même ironique qu'un homme (le plaignant, en l'occurrence) qui a installé huit caméras pour enregistrer et documenter les moindres faits et gestes de ses voisins se plaigne du fait qu'il aurait pu être filmé.
L'accusé reconnaît avoir fait un doigt d'honneur au plaignant. Il se trouvait de l'autre côté de la rue, à des dizaines de mètres de lui. La preuve vidéo le confirme. Cela dit, faire un doigt d'honneur n'est pas un crime. Au contraire, c'est un droit. Même si ce n'est pas poli ou galant. Offenser quelqu'un n'est pas un crime; ça fait partie intégrante de la liberté d'expression. Les citoyens doivent être moins sensibles, surtout lorsque ce sont leurs comportements qui entraînent une telle injure. C'est le cas en l'espèce. Pour protester contre la présence des enfants dans la rue et exprimer leur mécontentement, les plaignants conduisaient souvent de manière imprudente sur celle-ci.
Enfin, il est vrai que faire un geste avec son doigt ou son pouce mimant une gorge tranchée peut, selon les circonstances, être assimilé à une menace de mort. En l'espèce, l'accusé nie avoir fait un tel geste et menacé d'égorger le plaignant. Et on le croit, sans aucune difficulté.
La preuve montre que les plaignants ont contacté la police à plusieurs reprises au sujet de la conduite jugée inappropriée de leurs voisins. Même après l'arrestation de l'accusé d'ailleurs. Il faut que cela cesse. Le service de police et le service 911 ont des priorités plus importantes à traiter. Peut-être que les plaignants devraient réfléchir à la question de savoir si la vie de banlieue leur convient.
Dans les circonstances particulières de cette affaire, la Cour serait encline à jeter ce dossier par la fenêtre. En effet, il est déplorable que les plaignants aient pu utiliser ainsi le système de justice pénale. Hélas, les salles d'audience du palais de justice de Montréal n'ont pas de fenêtres. Un simple verdict d'acquittement devra suffire.